Neurodynamique : Faut-il étirer les nerfs pour les soigner ?

 « Si le nerf est irrité, pourquoi mobiliser le nerf lui-même ? » Bob Elvey

Une revue narrative (Ellis 2021) sur les techniques de mise en tension des nerfs vient d’être publiée dans le Journal of Manual & Manipulative Therapy. 

Elle détaille les potentiels effets de ces techniques et discute de leur intérêt. Je reprendrais dans ce billet certains de leurs points de vue et je complèterais par d’autres références ne figurant pas dans leur article. 

Ce billet commence par la présentation des techniques neurodynamiques, puis détaille le rationnel physiologique du concept, ensuite il aborde l’efficacité de ces techniques dans la prise en charge des problèmes de nerfs pour enfin conclure sur le cadre clinique de l’utilité de ces techniques.

Les tests neurodynamiques : 

Les tests de provocation neurodynamiques sont généralement utilisés dans le cadre de la prise en charge des douleurs irradiantes.

Ces tests tentent de déterminer si les symptômes d’un patient sont liés à l’augmentation de la mécanosensibilité nerveuse (voir ci-dessous) :

Les deux types possibles de mécanosensiblité du nerf en cas d’inflammation ou de compression

Ils mettent en place une combinaisons spécifiques de mouvements du rachis et des membres en appliquant des forces mécaniques à une partie du système nerveux (Coppieters et Nee 2015). 

L’exemple ci-dessous (Walsh 2005) illustre la combinaison du test de provocation du nerf médian (Upper Limb Neural Provocation Test).

L’exemple du nerf médian ci-dessus, nous montre que d’autres structures non neurales sont mises en tension par cette manœuvre. 

Il serait logique de penser que ces tests ne sont pas spécifiques du tissu neural.

Ceci étant la douleur produite par injection d’une solution saline soit dans le mollet, soit dans l’éminence thénar, n’est ni reproduite, ni augmentée en appliquant une différentiation structurelle au nerf médian (cadran F du schéma ci-dessus), au nerf sciatique ou au Slump test (Coopieters et al 2005, Coppieters et al 2006). 

Ces données suggèrent que ces tests peuvent potentiellement être utilisés pour distinguer une douleur nociceptive musculaire, d’une douleur liée à l’augmentation d’une mécanosensibilité nerveuse.

Ces tests neurodynamiques ont fait l’objet de multiples études biomécaniques sur le tissu neural (in-vitro, in-vivo et ex-vivo), ainsi que d’études de fiabilité et de validité clinique (Coppieters et Nee 2015) qui permettent de les considérer utiles pour mettre en évidence uniquement la mécanosensibilité du SNP.

La prise en charge neurodynamique

Dans cadre du traitement des douleurs irradiantes les techniques neurodynamiques font référence aux méthodes thérapeutiques qui réduisent la charge sur le SNP tout en facilitant le mouvement entre les interfaces mécaniques et le SNP (Coppieters et Nee 2015) : 

  • Soit les techniques ciblent la mobilisation du nerf lui-même (par techniques de glissement : le ‘sliding’ ou ‘gliding’, ou par mise en tension : le ‘tensioning’) ; 
  • Soit, elles ciblent les interfaces mécaniques (Coppieters 2008).

L’indication de mobiliser le SNP et/ou les structures qui l’entourent dépend de nombreux facteurs : les mécanismes neurophysiologiques impliqués, l’irritabilité du SNP, le stade de guérison des tissus, la pathoanatomie, les réponses aux tests…. 

Les premiers cliniciens qui ont commencé à conceptualiser l’idée de mobiliser le système nerveux comme approche thérapeutique, ont créé des techniques qui ressemblaient aux tests neurodynamiques : les techniques de mise en tension ou de neurotension (les ‘tensioners’).

Un exemple de neurotension du nerf médian (figure ci-dessous) serait : en position de rotation latérale/abduction 90°, partir du coude fléchi, poignet fléchi, et de tendre le coude et le poignet : 

                                                            Tensioning par Coppieters et al 2008

Certains cliniciens ont ensuite constaté que ces techniques pouvaient être agressives et ont développé le concept des techniques de neuroglissement : il s’agit ici de bouger deux articulations de telle sorte qu’un mouvement contrebalance l’augmentation de la tension nerveuse causée par un autre mouvement. 

Un exemple de neuroglissement/sliding du nerf médian (figure ci-dessous) serait : en position de rotation latérale/abduction 90°, de partir du coude fléchi, poignet en extension, et de tendre le coude tout en fléchissant le poignet : 

            Sliding par Coppieters et al 2008

Lors des techniques de neuroglissement, il y a moins de contraintes de tension nerveuse alors que l’excursion du SNP par rapport aux structures environnantes est beaucoup plus importante (Coppieters 2008).

Le rationnel physiologique des techniques neurodynamiques : 

Les suppositions physiologiques ont évolué avec le temps et la recherche. 

Historiquement le paradigme de mise en tension des nerfs répondait à un raisonnement de causalité linéaire identique à celui des muscles trop tendus (ou pas assez souples) « causant » la douleur musculaire.

Ce raisonnement découlait de la réponse aux tests de mise en tension du nerf. Ceux-ci en plus de provoquer de la douleur, mettait en évidence une restriction de mobilité le long de la course du nerf, induisant ainsi le postulat que le nerf a un problème de « tension » ou de « glissement ».

Schaclock 2005, décrit les termes de ‘dysfonction de tension neurale’ et de ‘dysfonction de glissement neural’ étant la cause du problème de nerf. Pour traiter la douleur et le problème de nerf, la solution serait de traiter la « dysfonction » d’élasticité ou de mobilité en tirant dessus ou en redonnant du glissement.

Plusieurs études mettent en évidence que la restriction de mouvement détectée lors des tests n’est pas due à un défaut de compliance du nerf (dysfonctionnement de tension ou de glissement) mais est due à la protection du nerf par une réponse musculaire (Hall 1998, Balster 1997, Coppieters 1999, vanderHeide 2001). On abandonne le terme de Test de Tension Neural pour le terme de Test de Provocation Neural (Schmid 2018).

A ce jour, il n’existe  aucune relation de causalité linéaire entre une « dysfonction » de compliance nerveuse et un trouble du système nerveux périphérique (Walsh 2011).

Aujourd’hui l’objectif thérapeutique de ces différentes techniques s’est recentré sur la restauration de l’homéostasie du SNP. Il est fondé sur certaines études in-vitro, in-vivo animales et humaines.

Les revues d’Ellis 2021 et de Walsh 2011, fournissent plusieurs données physiologiques intéressantes : 

  • Une étude in-vitro montre qu’une tension répétée de 0.1 à 1% d’étirement sur des neurones sensitifs et moteurs dans une boite de Petri permet la croissance nerveuse. Une autre étude ex-vivo chez des rats, montre que la même tension (0.1-1%) sur des ganglions de racine dorsale permet la repousse nerveuse. Par contre avec des niveaux d’étirement supérieur cela provoque de la mort neuronale.
  • Sur des modèles animaux in-vivo, sur lesquels on a généré des lésions nerveuses, la mobilisation neurale diminue la secrétion de cytokines pro-inflammatoire, réduit la fibrose neurale, permet la régénération neurale et augmente la production de récepteurs opioïdes endogènes.
  • La structure de l’axoplasme est celle d’un fluide de Bingham répondant à une mécanique non-newtonienne (Rubinson 1978). Ses propriétés mécaniques d’élasticité et d’écoulement dépendent de contraintes de cisaillement et déformation (un peu comme le dentifrice ou la mayonnaise). Grâces à de nouvelles techniques d’imagerie comme l’élastographie par onde de cisaillement, on peut mesurer l’indice de rigidité du nerf qui est différente sur des nerfs sains et des nerfs malades (neuropathies chimiques et mécaniques). Les techniques de neurotension semblent améliorer l’indice de rigidité du nerf.
  • Enfin certaines études suggèrent que les techniques de neuroglissement pourraient participer à la dispersion des fluides et de l’oedème endoneural en cas de neuroinflammation (Schmid 2018)

L’efficacité des techniques neurodynamiques : la balance bénéfice/risque

Les bénéfices des techniques : 

Plusieurs revues systématiques concluent un peu toutes la même chose : le faible niveau méthodologique de la plupart des études ne permet pas de conclure définitivement de l’efficacité des techniques neurodynamiques.

Ceci étant les données montrent que, quand on compare les échantillons à des groupes contrôles ou à un placebo, le traitement neurodynamique aide sur la diminution de la douleur et sur la récupération fonctionnelle dans les problèmes de douleur radiculaire cervical, lombaire, et dans le syndrome du canal carpien (Basson 2017, Núñez de Arenas-Arroyo 2021). 

Maintenant, si on compare ces techniques uniquement à d’autres traitements de thérapie manuelle ou à de l’exercice physique, il n’y a pas de supériorité de l’efficacité des techniques neurodynamiques (Basson 2017, Su 2016) dans la prise en charge des douleurs neuropathiques.

Dans le cas du syndrome du canal carpien, les techniques neurodynamiques n’apporte aucun bénéfice à un traitement d’attelle et de mobilisation de tendons (Page 2012).

Les raisons possibles pour laquelle on ne voit pas d’efficacité propre de ces techniques, pourrait être due au fait que dans la plupart des études :

  • Il ne semble pas y avoir d’indication claire sur la durée, le dosage, la fréquence ou le type de technique à utiliser (Walsh 2005);
  • Il n’y a pas encore de phénotypage des patients, c’est-à-dire que l’intervention n’est pas adaptée à la bonne classification.

Pour comparaison nous pouvons prendre l’exemple de la prise en charge médicamenteuse des douleur neuropathiques par compression du nerf sciatique. Une revue systématique montre que l’efficacité des anti-inflammatoires non stéroïdiens, des corticostéroïdes, des antidépresseurs, des neurotropes, des myorelaxants et des opioïdes, n’est pas mieux que celle du placebo (Pinto 2012). 

Maintenant si l’on regarde dans la méthodologie de cette revue de littérature, l’éligibilité d’inclusion des études comprenaient pour le terme ‘sciatique’ des diagnostics complètement différents : radiculopathie, douleur radiculaire, compression de racines nerveuses, douleur irradiant sous le genou…

L’utilité d’une classification ou d’un phénotypage : 

Aujourd’hui il existe un phénotypage de douleurs neuropathiques qui permettent d’adapter au mieux le type de traitement en fonction du résultat du testing quantitatif sensoriel (Baron 2017).

Ci-dessous sont présentés sur 902 patients présentant des douleurs neuropathiques, une classification en sous-groupe : 

  • Un groupe nommé « Groupe Perte de Fonction » pour lequel on retrouve :  une perte de fonction sur les grosses fibres (seuil de détection à la vibration au pinceau) et sur les petites fibres mécaniques (seuil de détection de la douleur à la pression et à la piqure) et thermiques (détection du chaud et du froid) ;
  • Un groupe nommé « Groupe Hyperalgésie Mécanique » pour lequel on retrouve :  un gain de fonction sur les petites fibres mécaniques (hyperalgésiee à la piqûre, à la pression, une allodynie au pinceau et un wind-up augmenté) avec une perte de fonction sur les grosses fibres et les petites fibres thermiques ;
  • Un groupe nommé « Groupe Hyperalgésie Thermique » pour lequel on retrouve :  un gain de fonction sur les petites fibres thermiques (hyperalgésie au froid et au chaud) avec une perte de fonction sur les grosses fibres.

Différentes études montrent que les sous-groupes ne sont pas répondant aux mêmes médicaments : par exemple le groupe perte de fonction répond mieux aux opioïdes, le groupe hyperalgésie mécanique à la prégabaline (Lyrica), et le groupe hyperalgésie thermique à l’oxcarbazépine (Trileptal).

Concernant la thérapie manuelle, une équipe australienne a conduit une démarche similaire de création de classification à laquelle ils ont appliqué un traitement neurodynamique adapté à la classification.

Dans un premier temps ils ont proposé une sous-classification des lombalgies irradiantes dans le membre inférieur selon les mécanismes neurophysiologiques impliqués dans le problème de nerf. 

En fonction des signes et symptômes retrouvés à l’examen clinique ils ont décrit 4 groupes de patients (Schafer et al 2009 a) : 

  • Un groupe « Sensibilisation Neuropathique (SN) » défini par un score supérieur à 12 au LANSS (Leeds Assessment of Neuropathic Symptoms and Signs, qui est un questionnaire de dépistage de douleur neuropathique comme le DN4)
  • Un groupe « Dénervation (D) » défini par une perte de fonction d’au moins 2 sur 3 tests neurologiques (Réflexe, Force Motrice, Sensibilité)
  • Un groupe « Sensibilisation Nerveuse Périphérique (SNP) » défini par des tests de mécanosensibilité positifs à la provocation (SLUMP, Lasègue, Léri) et/ou à la palpation des nerfs (allodynie à la palpation des nerfs sciatique, tibial, fibulaire ou fémoral)
  • Un groupe « Musculosquelettique (M) » ne répondant à aucun des critères ci-dessus et pour lesquels les tests de provocation déclenchaient une douleur référée somatique. 

Ils ont ensuite soumis cette classification à 5 experts qui ont triés 40 patients pour vérifier la fiabilité de cette classification selon l’algorithme ci-dessous (Schäfer et al 2009 b) : 

Après avoir démontré la fiabilité de cette classification ils ont appliqué cet algorithme pour trier 77 patients, à qui ils ont appliqué sept interventions de mobilisation neuronale deux fois par semaine, intégrant deux techniques de mobilisation passive visant la mobilisation des structures neurales dans le foramen intervertébral : une technique de mobilisation d’interface lombaire et une technique de sliding par le nerf sciatique (Schafer et al 2011).

Le principal résultat de cette étude était une réponse positive au traitement, défini comme l’obtention d’un Changement Minimal Cliniquement Important (CMCI) sur la douleur, l’incapacité et sur le changement global perçu par le patient, évalués par les questionnaires : EVA, RMDQ et GPC.

La proportion de répondeurs était significativement plus importante dans le groupe SNP (56% des patients atteignant le CMCI) que dans les trois autres groupes (NS 11%, p=0,02 ; D 15%, p=0,026 et M 11%, p = 0,016).

Il semble donc que ce ne sont pas les techniques neurodynamiques qui soient efficaces mais bien leur utilisation au sein d’une classification basée sur les mécanismes neurophysiologiques impliqués dans le problème de nerf.

Les risques potentiels de la neurotension

Dans le cas des douleurs neuropathiques les techniques de neurotension seraient susceptibles d’aggraver la situation.

Tout d’abord on sait que ces tests déclenchent des douleurs et des paresthésies chez des personnes asymptomatiques (Coppieters 2001).

D’autre part plusieurs revues montrent que la mise en tension des racines nerveuses est délétère et pourrait être source de radiculopathie et de douleur neuropathique (Kitab 2009, Berthelot 2018).

Différentes études physiologiques animales montrent aussi que la mise en tension des racines et des nerfs, qu’elle soit maintenue (Haftek 1970, Kwan 1992, Lundborg 1973, Ogata 1986) ou répétée (Watanabe 2001), diminue la perfusion du nerf, et entraine un défaut de conduction.

D’autres études in vivo montrent les mêmes conséquences sur les racines lombaires par mise en tension du nerf sciatique (Takamori 2011) ou sur la mise en tension du nerf médian chez les personnes atteintes du canal carpien (Ginanneschi 2015). 

Les enregistrements électriques in vitro et in vivo montrent des décharges ectopiques suite à l’étirement physiologique ou la compression de nerfs inflammés (Bove 2003, Dilley et Lynn 2004, Greening 2005), « qui pourraient conduire à une cascade de changements au sein du système nerveux central, dont certains peuvent entraîner de la douleur chronique » (Greening 2007)

Pour mettre en perspective ce risque il convient de dire que ces effets délétères dépendent des caractéristiques de la mise en tension, telles que l’allongement, la durée, la charge et la fréquence et du tissu nerveux (et qu’il n’existe quasiment aucune preuve clinique de bon dosage !!!!).  

Sont détaillés ci-dessous les résultats d’études que vous retrouverez dans les  articles de Walsh 2005, Berthelot 2018 et d’Ellis et al 2021,  : 

  • Chez les animaux en fonction des nerfs un étirement au-delà de 6 à 8 % de la longueur du nerf, entraine une diminution de perfusion avec perte de conduction, entre 11 à 18%, l’occlusion est complète;
  • 3 à 5 % d’étirement suffisent à déclencher de la mécanosensibilité d’un nerf inflammé sur des modèles animaux;
  • Le nerf médian se déchire à partir de 20% d’étirement.
  • Après 2 à 11 minutes d’occlusion l’enregistrement EMG montrent que les muscles autour des nerfs deviennent irritables.  
  • En fonction du temps de mise en tension prolongée certaines pertes de fonction peuvent être irrécupérable (12% d’étirement pendant 50 minutes, faut le vouloir !!!)
  • Les pertes de fonction enregistrées apparaissent après la répétition de traction (60-120 cycle/heure, faut vraiment le vouloir !!! ).

Si on compare les valeurs de tension à la vraie vie de tous les jours : 

  • Une abduction d’épaule 180° provoque un étirement du plexus brachial de 3 à 23% en fonction des personnes;
  • Certains mouvements combinés du membre supérieur exposeront les nerfs médian, radial et ulnaire à une tension respective de 18%, 12% et 10%;
  • Se pencher en avant tend le nerf sciatique de 10,5%, un test de Lasègue (SLR) tend le nerf sciatique de 12 %

En prenant du recul sur le fait que les mesures sont faites soit sur des animaux soit sur des cadavres, et que les tissus vivants n’ont pas vraiment la même compliance (Ma et al 2013), on constate tout de même que certains mouvements sont dans des limites de mise en contrainte dommageable pour les nerfs. 

Mais surtout on a aucun moyen dans la vie de tous les jours ni dans l’examen clinique de déterminer l’importance de la tension du nerf.

L’application pratique de ces informations est que :

Les tests de provocation, doivent être mis en place avec prudence, douceur et lenteur en ayant le feedback continuel du patient sur ce qu’il ressent (douleur, paresthésies…) car le clinicien n’a aucun moyen valide de déterminer le pourcentage de mise en tension exacte ;

Les techniques de neurotension doivent être encadrées d’une évaluation et d’un suivi régulier de la fonction système nerveux périphérique pour vérifier que l’homéostasie du SNP est respectée.

En conclusion …

Les techniques neurodynamiques avec l’application d’une tension optimale favoriseraient  l’homéostasie du nerf.

Il n’y a pas d’études qui soutiennent le dosage approprié (durée, fréquence ou amplitude) dans l’application des techniques, ce qui laisse seul le clinicien déterminer ces paramètres.

L’utilisation de ces techniques sans classification n’est pas mieux que faire n’importe quelle autre technique ou exercice.

Quand le nerf est mécanosensible les techniques de neurotension sont contre-indiquées.

Les techniques de neurotension ont un risque d’aggravation qui dépend du pourcentage d’étirement du nerf, lui-même ne pouvant pas être déterminer cliniquement.

L’évaluation de la fonction (examen neurologique avec testing quantitatif sensoriel) doit être suivi régulièrement tout au long du traitement si on décide d’utiliser ces techniques.

Si vous souhaitez en savoir plus sur la prise en charge des douleurs irradiantes liées aux problèmes de nerfs, je vous invite à venir me rencontrer en présentiel.

PS : Il y a forcément un biais de sélections et d’interprétation dans cet article étant donné que j’ai retiré les techniques de neurotension dans ma pratique, jugeant la balance bénéfices/risques défavorable.

Ceci étant voici à titre d’indication en fonction des situations cliniques quelles seraient les techniques les plus appropriées :

Bibliographie

Balster SM, Jull GA. (1997) Upper trapezius muscle activity during the brachial plexus tension test in asymptomatic subjects. Man Ther.

Basson A et al (2017). The effectiveness of neural mobilization for neuromusculoskeletal conditions: a systematic review and meta-analysis. J Orthop Sports Phys Ther

Bove GM et al. (2003) Inflammation induces ectopic mechanical sensitivity in axons of nociceptors innervating deep tissues. Journal of Neurophysiology 

Dilley A, Lynn B. (2004) Stretch responses of axons in regions of local inflammation in rat peripheral nerves. Comparative Biochemistry and Physiology A-Molecular and Intergrative Physiology 

Coppieters MW, Stappaerts KH, Everaert DG, Staes FF.(1999) A qualitative assessment of shoulder girdle elevation during upper limb tension test 1. Man Ther.

Coppieters MW et al (2001) Addition of Test Components During Neurodynamic testing:Effect on Range of Motion and Sensory Responses. J Orthop Sports Phys Ther.

Coppieters MWet al. (2005) The impact of neurodynamic testing on the perception of experimentally induced muscle pain. Man Ther.

Coppieters MW et al. (2006). An experimental pain model to investigate the specificity of the neurodynamic test for the median nerve in the differential diagnosis of hand symptoms. Arch Phys Med Rehabi. 

Coppieters MW, Butler DS. (2008) Do ‘sliders’ slide and ‘tensioners’ tension? An analysis of neurodynamic techniques and considerations regarding their application. Man Ther.

Coppieters M, and Nee RJ. (2015) Neurodynamic management of the peripheral nervous system. In:Jull G, Moore A, and Falla D, et al. editors. Grieve’s Modern Musculoskeletal Physiotherapy. 4th ed Elsevier.

Ellis R et al. (2021). Neurodynamics: is tension contentious? J Man Manip Ther. 

Ginanneschi F et al. (2015) Sensory axons excitability changes in carpal tunnel syndrome after neural mobilization. Neurol Sci. 

Greening J, Dilley A, Lynn B. (2005) In vivo study of nerve movement and mechanosensitivity of the median nerve in whiplash and non- specific arm pain patients. Pain. 

Haftek J. (1970) Stretch injury of peripheral nerve: acute effects of stretching on rabbit nerve. J Bone Joint Surg Br. 1970

Hall T, Zusman M, Elvey R, (1998) Adverse mechanical tension in the nervous system? Analysis of straight leg raise.Manual Therapy.

Kitab SA, Miele VJ, Lavelle WF, et al. (2009) Pathoanatomic basis for stretch-induced lumbar nerve root injury with a review of the literature. Neurosurgery

Kwan M, et al. (1992) Strain, stress, and stretch of peripheral nerve: rabbit experiments in vitro and in vivo. Acta Orthop Scand. 

Lundborg G, Rydevik B. (1973) Effects of stretching the tibial nerve of the rabbit. A preliminary study of the intraneural circulation and the barrier function of the perineurium. J Bone Joint Surg Br. 

Ma Z, et al 2013 In vitro and in vivo mechanical properties of human ulnar and median nerves. J Biomed Mater Res A.

Ogata K, Naito M (1986) Blood flow of peripheral nerve effects of dissection, stretching and compression. J Hand Surg Br. 

Page M, O’Connor D, Pitt V, et al. (2012) Exercise and mobilisation interventions for carpal tunnel syndrome Cochrane Database Syst Rev.

Rubinson KA, Baker PF(1979) The flow properties of axoplasm in a defined chemical environment: influence of anions and calcium. Proc R Soc Lond B Biol Sci. 

Schäfer A et al. (2009a) Classification of low back- related leg pain—a proposed patho-mechanism-based approach. Man Ther.

Schäfer A et al. (2009b) Interrater reliability of a new classification system for patients with low back related leg pain. J Man Manip Ther.

Schafer A et al. (2011) Outcomes differ between subgroups of patients with low back and leg pain following neural manual therapy: a prospective cohort study. Eur Spine J.

Schmid AB, Hailey L, Tampin B. (2018) Entrapment Neuropathies: Challenging Common Beliefs With Novel Evidence. J Orthop Sports Phys Ther.

Su Y, Lim ECW.  (2016) Does Evidence Support the Use of Neural Tissue Management to Reduce Pain and Disability in Nerve-related Chronic Musculoskeletal Pain? The Clinical Journal of Pain.

Takamori Y, Arimizu J, Izaki T, Naito M, Kobayashi T. (2011) Combined measurement of nerve root blood flow and electrophysiological values: intraoperative straight-leg-raising test for lumbar disc herniation. Spine 

vanderHeide B, Allison G, Zusman M. (2001) Pain and muscular responses to a neural tissue provocation test in the upper limb. Man Ther.

Walsh M. (2005) Upper limb neural tension testing and mobilization: fact, fiction, and practical approach. J Hand Ther. 

Walsh MT. (2011) Interventions in the disturbances in the motor and sensory environment. J Hand Ther.

Watanabe M et al (2001) The implication of repeated versus continuous strain on nerve function in a rat forelimb model. J Hand Surg Am. 

Comment intégrer la thérapie manuelle ostéopathique dans une prise en charge Biopsychosociale en comprenant la nociception, la douleur et la neuroplasticité.

« Il n’y a aucun doute sur le fait qu’il se passe des choses lors d’une manipulation et que l’on se sente mieux après.

C’est bien de théoriser sur l’effet physiologique des manipulations

Mais quand nous avons une quantité énorme de preuves qui réfutent le mécanisme ou la justification des manipulations, il serait peut-être judicieux d’arrêter de véhiculer ces théories.

Cela ne veut pas dire qu’il faut arrêter de manipuler, cela veut juste dire qu’il faut explorer d’autres pistes expliquant les mécanismes de ces effets. »

Dr. Gregory Lehman

Cet article de blog est un résumé commenté de ces 3 articles dont je vous recommande très chaudement la lecture :

  • Fryer (2017) Integrating osteopathic approaches based on biopsychosocial therapeutic mechanisms. Part 1: The mechanisms. IJOM
  • Fryer (2017) Integrating osteopathic approaches based on biopsychosocial therapeutic mechanisms. Part 2: Clinical Approach. IJOM
  • Pelletier (2018) Nociception, pain, neuroplasticity and the practice of Osteopathic Manipulative Medicine. IJOM

Le billet de blog s’organisera de la façon suivante :

  • Les problèmes du modèle de causalité linéaire structurel biomécanique dans la prise en charge de la douleur ;
  • Les mécanismes bio-psycho-sociaux de la douleur ;
  • Les potentiels mécanismes thérapeutiques de la Thérapie Manuelle Ostéopathique ;
  • Proposition d’une approche clinique qui permettrait d’intégrer la manipulation dans un modèle BPS.

La thérapie manuelle en général, a construit par tradition, sa compréhension des troubles musculosqueletiques, sur un paradigme « pathologico-biomécanico-structurel » de causalité linéaire entre :  Structure défaillante –> Douleur.

L’ostéopathie plus particulièrement possède cet héritage biomédical en ayant développé le traitement manipulatif ostéopathique sur un modèle biomécanique. En 1891, quand A.T Still nommait officiellement l’ostéopathie cette « nouvelle  science de la santé » il déclarait ce même jour que “Plusieurs maladies incurables par la médecine, sont causées par une dyslocation complète ou partielle des os du cou, du thorax, de la colonne ou des membres…et ne seront sérieusement soignés qu’une fois les os faisant défauts seraient ajustés ».(1)

Et bien que l’ostéopathie ait été nourrie dès le début d’une vision spinoziste de l’être humain (le corps est une unité physiologique corps-âme-esprit), les ostéopathes sont restés « bloqués » dans ce paradigme de causalité linéraire : « Pour soigner le patient de sa pathologie, il faut trouver la CAUSE (trouver et corriger la lésion primaire/dysfonction somatique) »

LESION PRIMAIRE.png

Et les textes ostéopathiques décrivent très bien les techniques manipulatives en terme biomécanique perturbé ou de perte de mouvement aussi bien pour le squelette axial ou appendiculaire (2-4) mais aussi pour les articulations du crâne (5-6).

Et nous savons très bien expliquer la douleur d’une personne avec des termes pathologiques et biomécaniques, mais beaucoup moins avec des explications neurophysiologiques ou bien psychosociales.

  1. Les problèmes du modèle biomédical de causalité linéaire structurel biomécanique dans la prise en charge de la douleur.

On sait maintenant depuis plus de 15 ans que les traitements qui s’appuient sur un modèle biomédical (trouver la cause pour traiter le problème) échouent tous, que ce soit pour décrire, prédire ou traiter les troubles musculosqueletiques chroniques (7)

En 2011, dans son article « La chute du modèle Posturo-Structuro-Biomécanique (PSB) »  E.Lederman (8) démontrait après avoir fait une revue des différentes publications sur le sujet que :

  • Les asymétries et autres « imperfections » mécaniques ou de contrôle moteur étaient la normalité et non la pathologie ;
  • Que l’anatomopathologie ne déterminait pas la symptomatologie ;
  • Qu’il n’y avait pas de relation entre des facteurs PSB préexistant et la lombalgie ;
  • Que la correction de ces facteurs PSB n’améliorait pas la prise en charge de la lombalgie ;
  • Que ces conclusions pouvaient se généraliser à tous les troubles musculosqueletiques.

Et depuis les 10 dernières années toutes les publications dans la recherche ont confirmé les conclusions avant-gardistes de Lederman : les « anomalies » structurelles, les « dysfonctions » mécaniques n’expliquent pas la douleur (pour la tonne de références voir le post La douleur n’est pas synonyme de lésion tissulaire), d’un point de vue épidémiologique elles ne sont ni associées à la douleur, ni à la santé, ni ne prédisent l’apparition de la douleur (9), et la « correction »  de ces « dysfonctions » n’apporte pas plus d’amélioration qu’un placebo (10).

G. Fryer dans un récent article intitulé « La dysfonction somatique : une énigme ostéopathique » conclue que : « Même si le concept de dysfonction somatique peut avoir une utilité en tant que modèle pour interpréter les signes diagnostiques palpatoires et aider le raisonnement clinique pour un traitement manipulatif (…) son utilisation comme outil diagnostique dans le milieu de la pratique devrait être abandonnée. » (11)

En définitive, lorsque le traitement ne cherche qu’à normaliser les facteurs tissulaires dans la prise en charge de la douleur, il ne se limite qu’à une seule composante biologique de la douleur.  Or ces facteurs biologiques interagissent avec une multitude de facteurs psycho-sociaux.

C’est pour cela que le modèle biopsychosocial (BPS) intègre donc au sein du modèle biomédical (BM), les facteurs psychologiques et les interactions sociales.

Pour l’instant bien que le modèle BPS offre des résultats modérés dans le traitement de la douleur chronique (12-13), c’est ce modèle qui nous donne les meilleurs facteurs prédictifs (14) de passage à la chronicité et les meilleurs facteurs pronostics de l’évolution de la douleur (15) .

Et en dépit de toutes ces découvertes BPS, les patients comme les praticiens de santé continuent de concevoir la douleur sous un aspect BM (7).

  1. Les mécanismes bio-psycho-sociaux de la douleur

2.1 Le codage prédictif et le modèle de l’organisme mature (16-17-18)

Dans n’importe quel contexte de blessure, avant même que nos nocicepteurs soient stimulés, afin d’économiser du temps, le système nerveux établi des scenarii possibles.

Pour cela il fait une prédiction à priori sur ce qui pourrait se passer à postériori dans nos tissus en prenant en compte le contexte environnemental (psychosocial).

Prediction MOM1.png

Ensuite le stimulus est comparé à différents endroits du système nerveux (périphérique et central) avec la prédiction.

Prediction MOM 2.png

Après comparaison et analyse de l’erreur de prédiction entre le scenario prédit et les entrées sensorielles , la douleur émergera comme réponse la plus cohérente pour nous inviter à modifier notre comportement et notre contexte physiologique.

Prediction MOM 3.png

C’est pour cela que si vous vous fracturez la cheville en jouant au foot sur une plage en été, vous ferez non seulement l’expérience d’une douleur différente que si vous êtes seul dans les montagnes rocheuses en train d’essayer d’échapper à un grizzli, mais surtout votre comportement ne sera pas tout à fait le même.

Maintenant si la douleur nociceptive aigüe (impliquant l’activation des nocicepteurs) et la douleur persistante nociplastique, partagent des mécanismes communs, ils ne sont pas mis en jeu de la même façon, et il existe des changements neurophysiologiques notables.

2.2 Mécanismes de douleur nociceptive :

Dans la douleur nociceptive aigüe à la suite d’une blessure (ou inflammation), l’activation des nocicepteurs va participer à l’inflammation neurogénique dans les tissus (sensibilisation périphérique). Celle-ci permet de protéger la zone blessée le temps de la réparation tissulaire. Pendant cette période la corne dorsale de la moelle crée un phénomène de renforcement synaptique pour amplifier la zone de protection autour de la blessure (sensibilisation centrale). L’expérience multidimensionnelle de la douleur active des aires corticales : les aires sensori-discriminatives qui gèrent la localisation, le type et l’intensité et les aires cognitivo-affectivo-motivationelles qui gèrent l’expérience émotionnelle et désagréable ainsi que le comportement par rapport à la douleur (figure ci-dessous).

Pelletier Nociception.png

Traduit et modifié de R. Pelletier et al. 2018 / International Journal of Osteopathic Medicine

En fonction de l’analyse prédite de la situation, le cerveau fait émerger une réponse cohérente qui invite l’être humain à modifier sa physiologie et son contexte par rapport à cette blessure. C’est l’expérience de la douleur qui peut être modulée par différents contextes biologiques (fatigue, sommeil immunité…) et psychosociaux (environnements, stress, peur, dépression, colère…)

Une fois la blessure guérie, les phénomènes de sensibilisation centrale et périphérique disparaissent et la vie reprend son cours.

De temps en temps, certains phénomènes biologiques restent en place (facilitation descendante, sensibilisation centrale, réorganisation corticale…) pour plusieurs raisons : génétiques, contextuels, psychologique, sociales…Et c’est là que la douleur persistante s’installe.

Mécanismes de douleur nociplastique :

Changements chroniques.png

Traduit et modifié de R. Pelletier et al. 2018 / International Journal of Osteopathic Medicine

Dans la douleur nociplastique on voit que le système nerveux modifie son organisation (figure ci-dessus) :

Au niveau de la moelle le renforcement synaptique s’amplifie et des changements structurels s’opèrent au niveau de la corne dorsale de la moelle, diminuant les seuils d’excitabilité des neurones.

Au niveau du tronc cérébral, le mode d’inhibition descendante glisse vers un mode de facilitation descendante de la nociception

Au niveau cortical les aires sensori-discriminatives qui sont normalement plus actives dans la douleur nociceptive aigüe, deviennent moins actives et se flouttent (amnésie sensori-motrice) et le cerveau active plus les aires cognitivo-affectivo-motivationelles impliqués dans la douleur. Le système nerveux autonome (SNA) est impliqué dans le developpement et le maintient des douleurs persistantes. Dans les douleurs persistantes lombaires ou cervicales (37-38) il existe un déséquilibre du SNA: les patients se présentent avec une augmentation de l’activité sympathique et une diminution de l’activité parasympathique.

Les signes de douleur nociceptive et de douleur nociplastique ne sont pas les mêmes car le système nerveux n’est pas sensibilisé de la même façon (19), dans la douleur nociplastique, il y aura de l’hyperalgésie et allodynie secondaire, c’est à dire une réponse douloureuse à la stimulation non nociceptive. Et ces changements du système nerveux devenant persistants, peuvent poser des problèmes majeurs aux patients et aux ostéopathes, surtout si les deux sont convaincus que la source des symptômes est due à une lésion tissulaire qui nécessite un traitement biomécanique.

  1. Les potentiels mécanismes thérapeutiques de la TMO

Les traitements manuels ostéopathiques peuvent influencer une multitude de facteurs biologiques et psychosociaux pour aider les patients souffrant de douleur nociceptive ou nociplastique. Eyal Lederman (20) décrit les effets du traitement ostéopathique comme se produisant sur trois niveaux : tissulaire, neurologique et psychologique.

Au niveau tissulaire, les données montrent les effets suivants de la thérapie manuelle :

D’un point de vue tissulaire :

  • Augmentation de l’amplitude globale et inter-segmentaire à court terme (probablement due à une réponse neurophysiologique) ;
  • Changement transitoire de la pression intra-articulaire (phénomène de cavitation/tribonucléation)
  • Pas de correction de la posture ;
  • Pas de changement des propriétés de viscoélasticité tissulaire (muscles, fasciae, ligaments) ;
  • Pas de modification biomécanique positionnelle articulaire.

G.Fryer fait justement remarquer dans sa revue (21) des effets physiologiques que l’on a beaucoup trop mis l’emphase sur des effets biomécaniques tissulaires de la thérapie manuelle alors que les données expérimentales semblent contredire ces hypothèses.

D’autant plus que la littérature montre  pour l’instant que ces éléments tissulaires anatomique-biomécaniques ne sont peu ou pas impliqués dans la douleur.

D’un point de vue biologique : aide à la réparation tissulaire

  • Diminution des cytokines pro-inflammatoires ;
  • Aide à la réorganisation des fibroblastes par mécanotransduction ;
  • Amélioration du drainage lymphatique et de la réponse immunitaire.

Les données expérimentales ne sont pas encore assez solides pour affirmer ces effets mais certaines études en cours sont prometteuses.

Effets neurophysiologiques à court terme (21-22-23-24-25-26) :

  • Modulation de la douleur ;
  • Diminution de la sensibilité à la pression ;
  • Diminution de la perception de raideur et de tension ;
  • Diminution de la mécanosensibilité neurale ;
  • Modification du système nerveux autonomes non spécifique de l’endroit manipulé : les manipulations et mobilisation rachidiennes auraient un effet sympatico excitateur, le TMO, les manipulations douces et cranienne…un effet parasympathique ;

En sachant qu’en condition expérimentale les manipulations sont aussi efficaces sur la douleur sans avoir besoin :

  • D’être spécifique de l’endroit manipulé ;
  • De choisir la technique ;
  • De respecter la biomécanique de la zone ;
  • De faire un effet de cavitation ;
  • D’être effectué par un praticien expert certifié avec des années d’expériences. (Rassurez-vous étudiants néophytes, vos mains font autant de bien que celles de vos profs !!!)

Les auteurs des différentes revues, concernant les effets sur la sensibilité et la douleur, concluent tous que les mécanismes mis en jeu, s’expliqueraient par des effets non spécifiques impliquant les aires cognitivo-affectivo-motivationnelles et le tronc cérébral (Analgésie placebo, inhibition descendante, diminution de la sommation temporelle…).

D’un point de vue neurophysiologique sur la neuroplasticité

 On sait que chez les patients lombalgiques et cevicalgiques chroniques, sont associés des pertes de contrôle moteur, des troubles de la proprioception ainsi qu’une perte de discrimination. Cette amnésie sensori-motrice est visible au niveau du système central et se traduit par un « flouttage des cartes corticales » à l’IRM fonctionnel (voir le post sur l’autoperception)

Cliniquement les manipulations améliorent l’intégration sensorimotrice

  • Amélioration de la proprioception
  • Amélioration du contrôle moteur

Des études expérimentales  (28-29-30-31-32) semblent confirmer électrophysiologiquement ces résultats cliniques : diminution de l’excitabilité du cortex moteur, diminution du réflexe H, diminution des potentiels moteurs évoqués, diminution des potentiels somesthésiques évoqués.

D’un point de vue psychosocial (21-22) :

Il s’agit des effets non spécifiques attribués au contexte positif de la prise en charge qui agissent au niveau du cortex préfrontal et les aires limbiques du patient (27).

Chez les patients présentant des douleurs persistantes, une revue systématique (39) a montré que les manipulations ostéopathiques ont une influence sur certains facteurs psychosociaux  comme l’anxiété, la peur-évitement, la qualité de vie…

Ces effets non spécifiques sont influencés par le contexte de la consultation, les expériences passées, les attentes, les valeurs, les croyances, la crédibilité du traitement et surtout l’interaction patient-praticien (voir le billet de blog sur comment  améliorer l’efficacité de vos techniques manuelles en étant conscient de l’effet placebo).

Le contexte d’application du TMO a un impact sur les résultats du traitement similaire à celui d’autres formes de thérapies complémentaires et alternatives et peut être fragmenté en différents aspects du traitement :

  • La réponse du patient à l’observation et à l’évaluation du praticien ;
  • L’administration d’un rituel thérapeutique associé au traitement ;
  • L’alliance thérapeutique patient-praticien.

Fryer 2017 et Pelletier 2018, proposent (figure ci-dessous) pour augmenter l’efficacité du TMO et agir sur les aires corticales Cognitivo-Affectivo-Motivationelles de :

  • Rassurer et éduquer le patient ;
  • Reconceptualiser les croyances et les comportements maladaptatifs ;
  • Diminuer la peur et l’anxiété (cibler la kinésiphopie et le catastrophisme) ;
  • Redonner confiance au mouvement (certaines études montrent que les patients lombalgique ont moins peur de bouger après avoir été manipulé);
  • Encourager le patient à l’activité et l’autonomiser.

Pelletier TMO neurophsyio.pngTraduit et modifié par L. Fabre à partir de :  R. Pelletier et al. 2018 / Bialosky et al 2009 / Fryer G. 2017

En résumé la Thérapie Manuelle Ostéopathique (figure ci-dessous)  par l’intermédiaire d’une stimulation mécanique provoque des réponses majoritairement non spécifiques du système nerveux  qui :

  • Redonne des options de mouvements (amplitude, neuroplasticité)
  • Désensibilise le système nerveux : système nerveux autonome, système nerveux périphérique et système nerveux central
  • Redonne confiance au mouvement
  • Ne CORRIGE RIEN !!!

Désensibilisation.png

Comment intégrer donc cet outil manipulatif dans un contexte BPS ?

  1. Approche clinique permettant d’intégrer la manipulation dans un modèle BPS 

Dans une conférence dispensée sur le modèle BPS (voir figure ci-dessous),  Jerry Draper-Rodi prend l’exemple d’un patient présentant une lombalgie traumatique à la suite d’une entorse rachidienne survenue dans un contexte aigüe. Durant cette phase la blessure tissulaire et l’inflammation expliquent la douleur (première flèche en pointillé).

Si cette douleur persiste, entretenue par une sensibilisation centrale maintenue dans le temps, elle pourra fluctuer et pourra revêtir plus tard les mêmes caractéristiques que lors de sa première apparition (deuxième flèche en pointillé), sauf que la blessure sera guérie.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Dans le premier épisode, les facteurs tissulaires sont impliqués dans la symptomatologie, alors que dans le second épisode ce sont plus les mécanismes neurologiques qui sont en cause et non plus les facteurs tissulaires.

Pour ces deux épisodes de lombalgies qui se ressemblent, alors que les mécanismes biologiques impliqués diffèrent selon les différents types de douleur, comment peut-on justifier d’utiliser les mêmes outils manipulatifs pour traiter le patient selon le même modèle ?

Pour cela Gary Fryer propose une approche clinique intéressante qui tient compte des mécanismes impliqués dans la douleur. Il rappelle tout d’abord les différents mécanismes sur lesquels on peut agir en thérapie manuelle ostéopathique (figue ci-dessous) :

Fryer TMO BPS.png

Dans une approche BPS, il est intéressant de reconnaître les différents facteurs de sensibilisation afin de comprendre quels facteurs l’intervention thérapeutique va cibler.

On peut reprendre les différents facteurs biologiques impliqués dans la douleur que l’on peut représenter en : facteurs tissulaires, facteurs neurologiques et facteurs psychosociaux.

Quand les facteurs tissulaires sont sensibilisés (blessure, inflammation, remodelage…) ceux-ci envoient des informations au système nerveux (on parle d’influences « bottum-up » ou ascendantes (de bas en haut) et influencent ainsi les facteurs neurologiques (sensibilisation centrale, activation sympathique, facilitation…).

Ces facteurs neurologiques sont aussi sous influences des facteurs psycho-sociaux (cortex préfrontal : peur, croyances, contexte..), que l’on appelle « top-down » (ou descendantes).

Les facteurs tissulaires influencent aussi les facteurs psychosociaux (de Bas en Haut), et les facteurs psychosociaux influencent les facteurs tissulaires (de Haut en Bas), tout transitant par le système nerveux.

Les données de la littérature nous montrent que dans toute expérience de douleur les influences de Haut en Bas ont souvent plus d’importance que les influences de Bas en Haut.

Et l’ostéopathe pourrait avoir à l’esprit l’intervention thérapeutique en ciblant les différents facteurs :

  • Sur les facteurs tissulaires : le effets plausibles d’aide à la réparation tissulaire, au drainage lymphatique et à l’amélioration de l’amplitude articulaire ;
  • Sur les facteurs neurologiques les effets de désensibilisation du système nerveux, la modulation de douleur et l’amélioration de l’intégration sensori-motrice ;
  • Sur les facteurs psychosociaux : il s’agit la de compétence qui ne relèvent plus uniquement de la thérapie manuelle, mais de compétences communicationnelles concernant la gestion globale d’un patient qui souffre : le rassurer, le guider vers une compréhension de son problème pour lui permettre de se sentir plus fort et plus confiant afin qu’il retrouve de l’autonomie et du mouvement.

En fonction de la situation clinique, l’intervention thérapeutique s’adaptera aux différents mécanismes mis en jeu.

Prise en charge de la douleur nociceptive aigüe :

Les caractéristiques cliniques à forte valeur diagnostique de la douleur nociceptive sont les suivantes (33-34-35)  :

  • La douleur est localisée (+/- Douleur référée plus proximale que distale) ;
  • Elle peut être lié à une lésion tissulaire (blessure, inflammation);
  • Il y a une relation cohérente +/- proportionnée (calmant/aggravant) à la mise en charge/décharge des tissus ;
  • Il y a une relation cohérente entre la stimulation d’une  structure anatomique et la reproduction de la douleur ;
  • Il peut y avoir des signes de sensibilisation périphérique : Hyperalgésie/allodynie PRIMAIRE mécanique/thermique ;

Dans la situation d’un patient ayant une présentation clinique de douleur nociceptive aigüe (résumé ci dessous), la thérapie manuelle viserait à aider la réparation tissulaire (en cas de suspicion de blessure) et à désensibiliser les processus nociceptifs le temps de la guérison.

Dans le cas d’une atteinte tissulaire (inflammation, blessure…) la mise en charge et le gain d’amplitude se feront de façon progressive (technique articulaire, étirement, mouvements actifs…) pour s’adapter au niveau de réparation et de remodelage.

Les techniques manuelles passives pourront redonner confiance au mouvement et moduler la douleur.

Combinées avec du rassurement, de l’éducation à la douleur, et de l’encouragement, elles pourront aider le patient à retrouver une activité physique avec des mouvements relachés et fluides.

Fryer nociceptif.png

Prise en charge de la douleur nociplastique chronique :

Voici les signes à forte valeur diagnostique, c’est un mixte du cluster de Smart (4 critères) avec les critères de Nijs (3 critères) qui se recoupent (33-34):

  • Expérience de douleur disproportionnée à la nature dutraumatisme, non-mécanique, imprévisible
  • La douleur est diffuse (à une région, un membre, un côté ) et/ou en miroir et/ou se déplace et/ou se généralise
  • On retrouve des facteurs psychosociauxinadaptés (les croyances qui font flipper, catastrophiser, qui font croire que l’on est fragile, les émotions négatives (dépression, colère, peur), la faible autoefficacité)
  • On retrouve des signes Allodynie /hyperalgésie secondaire en dehors de la zone segmentaire de la nociception

Dans la situation d’un patient ayant une présentation clinique de douleur nociplastique, l’intervention thérapeutique devrait se focaliser d’abord sur : le rassurement, réduire la peur et l’anxiété, comprendre et recadrer les croyances et comportements maladaptés à la situation clinique, encourager le mouvement, la reprise d’activité et l’autonomie.

La thérapie manuelle passive pourra aider en se focalisant sur : l’aide au mouvement, la modulation de la douleur et l’amélioration sensorimotrice, mais uniquement comme adjuvant de la stratégie principale qui sera la gestion des facteurs psychosociaux.

fryer nociplastique.png

La Thérapie Manuelle Ostéopathique ne pourra en aucun cas être le seul objectif thérapeutique: le patient n’est pas un objet que l’on corrige à qui on débloque des articulations mais bien un être humain qui souffre avec qui on interagit pour débloquer une situation (métaphore empruntée à Marco Gabutti).

Dans cette situation il sera crucial aussi  d’être cohérent avec le message explicatif que l’on peut apporter en thérapie manuelle passive et je vous invite à relire à ce sujet les billets de blog  sur  « Croyances et Thérapie manuelle » ainsi que celui sur « La prise en charge de la lombalgie » pour comprendre que nos mots sont importants pour soulager leur maux.

Si vous souhaitez comment mieux gérer l’outil manipulatif dans un cadre BPS :

Gary Fryer l’auteur des 2 articles résumés propose des séminaires sur l’intégration des techniques myotensives dans un cadre BPS.

Recherche et Pratique ( Jerry, Marco et moi-même) organisons des séminaires pour mieux comprendre la douleur, et accompagner le patient vers l’autonomie en intégrant le contexte psychologique et social.

Et si vous voulez prendre en charge les douleurs neuropathiques (le seul sujet non traité par les articles de G. Fryer car gestion plus particulière)  avec une approche BPS et neurodynamique c’est ici.

  1. Annual address delivered by A.T. Still D.O. to the students of osteopathy. Weekly Graphic. January 16, 1891.
  2. P.E. Greenman, Principles of manual medicine, third ed., Lippincott William & Wilkins, Philadelphia, 2003.
  3. E.L. DiGiovanna, S. Schiowitz, D.J. Dowling, An osteopathic approach to diagnosis and treatment, third ed., Lippincott William & Wilkins, Philadelphia, 2005.
  4. E.R. Isaacs, M.R. Bookhout, Spinal manipulation, sixth ed., Butterworth – Heinemann, Oxford, 2001.
  5. Sutherland W. The cranial bowl: a treatise relating to cranial articular mobility, cranial articular lesions and cranial techniques. Mankato: Co FP; 1939.
  6. Kern P. Cahier d’ostéopathie crânienne. 100 Techniques pour corriger les dysfonctions crâniennes. 2018
  7. Foster NE, et al. Understanding the process of care for musculoskeletal conditions why a biomedical approach is inadequate. 2003. Br Soc Rheumatology.
  8. Lederman E. The fall of the postural-structural-biomechanical model in manual and physical therapies: exemplified by lower back pain. J Bodyw Mov Ther 2011;15:131e8.
  9. Mirtz et al 2009 Chiropractic & Osteopathy 2009,17:13
  10. Rubinstein SM, et al. Spinal manipulative therapy for chronic low-back pain: an update of a Cochrane review.Spine (Phila Pa 1976) 2011;36(13): E825e46.
  11. Fryer G, Somatic dysfunction: An osteopathic conundrum, International Journal of Osteopathic Medicine (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.ijosm.2016.02.002
  12. Pincus T, et al. Twenty-five years with the biopsychosocial model of low back pain-is it time to celebrate? A report from the twelfth international forum for primary care research on low back pain. Spine (Phila Pa 1976) 2013;38(24): 2118e23.
  13. Vibe Fersum K, O’Sullivan P, Skouen JS, Smith A, Kvåle A. Efficacy of classifica- tion-based cognitive functional therapy in patients with non-specific chronic low back pain: a randomized controlled trial. Eur J Pain. 2013;17:916–928.
  14. Chou R, Qaseem A, Snow V, Casey D, Cross Jr. JT, Shekelle P, Owens DK. Diagnosis and treatment of low back pain: a joint clinical practice guideline from the American College of Physicians and the American Pain Society [with consumer summary]. Ann Intern Med 2007;147(7):478–91.
  15. Draper-Rodi J, Vogel S, A. Bishop (2018) Identification of prognostic factors and assessment methods on the evaluation of non-specific low back pain in a biopsychosocial environment: A scoping review. IJOM
  16. Tabor A. et Burr C. Bayesian Learning Models of Pain: A Call to Action Current Opinion in Behavioral Sciences 2019, 26:54–61
  17. Geuter et al. Functional dissociation of stimulus intensity encoding and predictive coding of pain in the insula eLife 2017;6:e24770. DOI: 10.7554/eLife.24770
  18. Gifford LS 2014 Aches and Pain. Cornwall, WordPress.
  19. J. Nijs, B. Van Houdenhove, R.A.B. Oostendorp, Recognition of central sensitization in patients with musculoskeletal pain: application of pain neurophysiology in manual therapy practice, Man Ther 15 (2010) 135–141.
  20. E. Lederman, The science and practice of manual therapy, second ed., Elsevier Churchill Livingstone, Edinburgh, 2005.
  21. Fryer (2017) Integrating osteopathic approaches based on biopsychosocial therapeutic mechanisms. Part 1: The mechanisms. IJOM
  22. Pelletier (2018) Nociception, pain, neuroplasticity and the practice of Osteopathic Manipulative Medicine. IJOM
  23. Bialosky, J.E., Bishop, M.D., Price, D.D., Robinson, M.E., George, S.Z., 2009. The mechanisms of manual therapy in the treatment of musculoskeletal pain: a comprehensive model. Manual Therapy ; 14: 531-538
  24. Coronado RA, Gay CW, Bialosky JE, Carnaby GD, Bishop MD, George SZ. Changes in pain sensitivity following spinal manipulation: a systematic review and meta-analysis. J Electromyogr Kinesiol 2012;22:752-767.
  25. Lascurain et al 2016. Mechanism of Action of Spinal Mobilizations A Systematic Review. SPINE Volume 41, Number 2, pp 159–172
  26. Honoré et al. The regional effect of spinal manipulation on the pressure pain threshold in asymptomatic subjects: a systematic literature review Chiropractic & Manual Therapies (2018) 26:11
  27. Benedetti F, et al. Neurobiological mechanisms of the placebo effect. J Neurosci 2005;25(45):10390e402.
  28. Haavik-Taylor, B. Murphy / Clinical Neurophysiology 118 (2007) 391–402
  29. Fryer G, Pearce AJ. Journal of Manipulative and Physiological Therapeutics. 2012;35(2):86-93.
  30. Fryer G, Pearce AJ.. J Bodyw Mov Ther. 2013;17(4):440-447.
  31. Palmgren PJ, Sandstrom PJ, Lundqvist FJ, Heikkila H. J Manipulative Physiol Ther. 2006;29(2):100-106
  32. Gay CW et al. J Manipulative Physiol Ther 2014;37:614-627
  33. Nijs J. et al. Low Back Pain: Guidelines for the Clinical Classification of Predominant Neuropathic, Nociceptive, or Central Sensitization Pain. Pain Physician: May/June 2015; 18:E333-E46
  34. Smart KM, Blake C, Staines A, Doody C. Clinical indicators of “nociceptive”,‘peripheral neuropathic’ and ‘central’ mechanisms of musculoskeletal pain. A Delphi survey of expert clinicians. Manual Therapy 2010; 15:80-87.
  35. Schaffer A. Classification of low back-related leg paindA proposed patho-mechanism-based approach Manual Therapy 14 (2009) 222e230
  36. Hallman DM, Ekman AH, Lyskov E. Changes in physical activity and heart
  37. rate variability in chronic neck-shoulder pain: monitoring during work and leisure time. Int Arch Occup Environ Health 2014;87(7):735e44.
  38. Kalezic N, et al. Physiological reactivity to functional tests in patients with chronic low back pain. J Musculoskelet Pain 2007;15(1):29e40
  39. Saracutu M et al 2017 The effects of osteopathic treatment on psychosocial factors in people with persistent pain: A systematic review. IJOM.

Le parasympathique sacré : naissance de l’anatomie d’un mythe.

Vous avez probablement tous appris comme moi que le système nerveux neurovégétatif qui participe à la gestion de notre homéostasie est composé en deux systèmes antagonistes et complémentaires : la composante orthosympathique et la composante para sympathique.

SNA8

Isabel Espinoza Medina a fait sa thèse publiée en 2017 sur le développement des systèmes nerveux parasympathique, entérique et sacré. Elle a exploré les différentes migrations et interactions neuronales et dépendances moléculaires lors de la neurogénèse du SNA. A la suite de ces travaux elle propose un réexamen du système nerveux sacré, qui régule les fonctions urinaire, digestive et reproductrice.

Ce dernier étant considéré comme parasympathique depuis plus d’un siècle, sans argument moléculaire.

Elle a publié plusieurs articles à ce sujet :

  • Espinosa-Medina, E. Outin, C. A. Picard, Z. Chettouh, S. Dymecki, G. G. Consalez, E. Coppola, J. F. Brunet, Parasympathetic ganglia derive from Schwann cell precursors. Science 345, 87–90 (2014).
  • Espinosa-Medina, O. Saha, F. Boismoreau, Z. Chettouh, F. Rossi, W. D. Richardson and J.-F. Brunet The sacral autonomic outflow is sympathetic Science 354 (6314), 893-897 (2016).
  • Espinosa-Medina, O. Saha, F. Boismoreau and J.-F. Brunet The “sacral parasympathetic”: ontogeny and anatomy of a myth. Clin Auton Res (2018) 28:13–21

Depuis une équipe d’expert s’acharne a critiquer ses travaux (Jänig et al 2016, Jänig et al 2017 2 fois !!  Jänig et al 2018) et les débats font du bruit dans Landerneau !!!

Le billet de blog suivant résume et expose essentiellement les travaux d’Espinoza et son point de vue qui répond aux différentes critiques de l’équipe de Jänig.

Quand on passe les détails des centres supra-segmentaires (hypothalamus et système limbique) et des afférences du SNA, et que l’on se penche uniquement sur les neurones effecteurs pré-ganglionaires du système nerveux central, nous avons appris que ceux-ci provenaient (figure ci-dessus) :

  • De la corne inter-médio-latérale de la moelle de C8 à L2 pour le système orthosympathique (en rouge sur la figure) ;
  • Des noyaux du tronc cérébral (II, VII, IX et X) et de la corne inter-médio-latérale de la moelle de S2 à S4 pour le système parasympathique (en vert sur la figure).

 

L’affectation de cet influx autonome sacré à la division parasympathique du système nerveux viscéral comme 2° sortie du parasympathique a été proposé par Langley en 1899 « de manière remarquablement superficielle, avec une brève justification suivie d’une réaffirmation dans 2 articles en 1905 et 1911 » et depuis cela n’a jamais été contredit (Espinoza 2018).

A tel point que l’on a considéré le plexus hypogastique inférieur/ganglion pelvien (PG sur la photo) comme mixte, un cas unique à l’époque pour un ganglion du SNA.

Celui-ci est mixte car il reçoit des entrées thoraco-lombaires (par les nerfs hypogastriques)  et sacrées (par les nerfs pelviens NP sur la photos ou nerfs splanchniques pelviens ).

SNA1

Un des exemples flagrant de l’obscurantisme concernant la non remise en question des assertions de Langley est la réprésentation du ganglion pelvien (ou plexus hypogastique inférieur) : ce ganglion et/ou sa connection orthosympathique ont été omis des schémas anatomiques par les auteurs les plus connus (Gaskell, Testut, même le Gray’s anatomie)  dans le domaine :

Ci-dessous on peut voir comment on a, soit considéré ce ganglion uniquement comme relais parasympathique, soit le ganglion n’est même pas représenté.

Figures en provenance de l’article d’Espinosa et al 2018 :

 

On peut remarquer sur le schéma de Gaskell (figue b) qu’il représente les neurones post-ganglionnaires de la même façon pour le nerf vague que pour les nerfs splanchniques pelviens, comme si il avait voulu collé l’idée d’un « nerf vague pelvien ».

Espinosa et al 2018, apporte des éléments et contre éléments de réflexions anatomiques, physiologiques, pharmacologiques et génétiques, en faveur ou non d’un parasympathique sacré d’origine médullaire.

D’un point de vue anatomique :

  1. Le trou de zone intermédiolatérale au niveau lombaire pose une question qui a servi de support au fait de dire que la moelle sacrée était du parasympathique. Cet argument n’est pas suffisant et peut très bien se comprendre d’un point de vue de l’évolution : avec la station debout et la nécessité de locomotion, un épuisement ontogénétique de neurones préganglionnaires lombaires et sacré a très bien pu se faire en faveur des motoneurones pour le membre inférieur (ces nerfs proviennent des mêmes précurseurs embryologiques).
  2. L’absence de rameau communicant blanc (par lequel passent les afférences et l’efference préganglionnaire orthosympathique) au niveau lombaire bas et sacré avec la chaine latérovertébrale.

Il n’existe pas non plus ces rameaux communicants au niveau cervical (ou il y a des ganglions cervicaux) et le ganglion pelvien pourrait très bien être considéré par analogie à un ganglion cervical inférieur.

A contrario d’un point de vue anatomique :

  1. Au départ du tronc cérébral tous les points de sorties du système parasympathique sont postérolatérales, alors que dans la moelle efferences neurovégétatives thoracolombaires et sacrés sont ventrales (par la branche antérieures du nerf spinal);
  2. Sur le trajet autonome sacré vers l’intestin, les partenaires présynaptiques des neurones entériques se trouvent dans le système nerveux périphérique (dans les ganglions pelviens), tout comme sur la voie thoraco-lombaire (dans les ganglions mésentériques), tandis que sur la voie crânienne, ils se trouvent dans le système nerveux central (dans le noyau moteur dorsal du nerf vague):
  3. Un certain nombre de neurones ganglionnaires pelviens individuels reçoivent une double innervation lombo-sacrée tout comme le font les neurones ganglionnaires mésentériques inférieurs.

Il n’y a pas d’argument anatomique en faveur d’une justification d’un système parasympathique « cranio-sacré »

 

D’un point de vue pharmacologique :

Le système parasympathique a été décrit comme cholinergique car le neurotransmetteur effectif est l’acetylcholine qui se fixe sur des récepteurs muscariniques au niveau des organes cibles.

Le système sympathique a été décrit comme adrénergique car le neurotransmetteur effectif est la noradrénaline au niveau des organes cibles.

La sensibilité des «substances réceptives» aux agonistes et aux antagonistes a joué un rôle majeur dans la consolidation de la proposition de Langley comme quoi le système parasympathique cranio-sacré ne soit qu’un seul et même système : la pilocarpine (agoniste des récepteurs muscariniques) imite plusieurs réactions physiologiques à la stimulation des nerfs splachniques pelviens (comme la salivation ou le myosis), reflétant le fait que les ganglions pelviens contiennent de nombreux neurones cholinergiques.

Sauf que :

  1. Depuis 1934 (Dale et Feldberg) on sait que le système orthosympathique a aussi des récepteurs muscariniques qui réagissent à l’acetylcholine (notamment dans les glandes sudoripares, la pilocarpine fait transpirer).
  2. Tous les neurones préganglionaires du SNA sont sous dépendance de l’acétylcholine (récepteurs muscarinique ou nicotinique pour le sympathique et uniquement muscarinique pour le parasympathique)

 

Donc la présence de neurones cholinergiques dans les nerfs splanchniques pelviens n’est pas une preuve qu’ils sont de fonction parasympathique.

 

D’un point de vue physiologique :

A propos de la miction :

Un des arguments cité est par Langley et d’autres, est la fonction antagoniste lombo-sacrée sur le muscle detrusor de la vessie et en particulier l’inhibition sympathique lombaire. En l’occurrence aucune expérimentation jusqu’à ce jour n’a prouvé son existence, ni même la présence de fibre sympathique dans le muscle détrusor (Espinosa et al 2018).

Au contraire il a été démontré que le bloc de conduction sur le système sympathique lombaire chez l’homme n’a pas de conséquence fonctionnelle sur la miction (Folwer et al 2008).

A propos de l’érection (tiré de la thèse d’Espinosa 2017):

« De même, la croyance en un antagonisme parasympathique / sympathique dans le pelvis a conduit à négliger la preuve d’un rôle de la contribution sympathique lombaire dans l’érection (donc dans la dilatation des vaisseaux sanguins), généralement présentée comme étant médiée exclusivement par les nerfs parasympathiques sacrés. En 1979 déjà, Sjöstrand et Klinge affirmaient l’existence de fibres sympathiques hypogastriques participant à l’érection… » (et dans son article de 2018, Espinosa expose d’autres études expérimentales démontrant que l’érection était médiée à travers des voies orthosympathiques cholinergiques)

« …Il existe des preuves d’une synergie des voies lombaires et sacrales de la vasodilatation dans les organes reproducteurs externes (Jänig, 2006) qui plaide contre un antagonisme entre eux … et pourtant la plupart des revues maintiennent le dogme de l’antagonisme. »

D’un point de vue génétique et moléculaire :

Dans son premier travail Espinosa et al 2014 démontre que la « signature neurale des nerfs parasympathiques crâniens provient des précurseurs des cellules de Schwann (SCPs) qui envahissent les nerfs préganglionaires jusqu’à leur destination, proche des organes cibles ».

Elle a fait la même chose pour les neurones sympathiques thoraco-lombaires en montrant que c’était une signature neurale particulière (différente du parasympathique crânien)

Dans son second article (Espinosa et al 2016) elle démontre que les neurones en provenance de la zone intermédiolatérale de la moelle sacrée ont la même signature neurale que les neurones sympathiques thoraco-lombaires et que les ganglions pelviens ont une signature transcriptionnelle sympathique et non para-sympathique :

SNA9

Le système nerveux sacré serait plus probablement sympathique.

 

En Conclusion :

SNA7

Tout d’abord Espinoza-Medina propose donc une nouvelle organisation du système nerveux autonome composé de trois divisions contrastées par leur origine embryonnaire aussi bien que par leur anatomie adulte :

une parasympathique d’origine et de connectivité exclusivement crânienne,

une sympathique spinale, allant de l’étage cervical au sacré (Espinosa-Medina et al., 2016)

et une division entérique que son origine aussi bien que sa connectivité placent à l’interface des systèmes sympathique et parasympathique.

 

Au niveau pelvien, la science est en train de déchiffrer la complexité du fonctionnement homéostatique (différents types de cellules et fonctions), et il est claire qu’il n’est pas comparable aux autres viscères. Il serait donc illusoire de l’expliquer par fonctions l’antagonisme anatomique parasympathique/ orthosympathique.

 

 

PS : Une remarque sur tous les travaux d’Espinoza-Medina :

Ces études ont été faites sur les rats , et c’est vrai qu’en recherche on commence toujours par l’animal (du plus petit vers le plus gros : rat, lapin, chat…cheval..). Les résultats  de ces travaux sont donc à confirmer chez l’homme.

Ceci étant :

  1. Aucune recherche sur l’humain ni sur l’animal n’a à ce jour montré que le système nerveux autonome sacré était parasympathique;
  2. D’autre part une équipe française (Alsaid et al 2009) a fait un traçage immunohistochimique chez des fœtus humains mâles et a montré dans les nerfs splanchniques pelviens la présence de fibres cholinergiques et adrénergiques : seul le système orthosympathique présente ces deux types de fibres, le parasympathique n’a que des fibres cholinergiques.

 

 

Alsaid B et al. 3D reconstruction of the inferior hypogastric plexus. J. Anat. (2009) 214, pp645–654

Dale HH, Feldberg W (1934) The chemical transmission of secretory impulses to the sweat glands of the cat. J Physiol 82:121–128.

Espinosa-Medina . On the development of the parasympathetic, enteric and sacral nervous systems. Thèse de Doctorat de biologie du développement. UPMC (2017).

Espinosa-Medina, E. Outin, C. A. Picard, Z. Chettouh, S. Dymecki, G. G. Consalez, E. Coppola, J. F. Brunet, Parasympathetic ganglia derive from Schwann cell precursors. Science 345, 87–90 (2014).

Espinosa-Medina, O. Saha, F. Boismoreau, Z. Chettouh, F. Rossi, W. D. Richardson and J.-F. Brunet The sacral autonomic outflow is sympathetic Science 354 (6314), 893-897 (2016).

Espinosa-Medina, O. Saha, F. Boismoreau and J.-F. Brunet The “sacral parasympathetic”: ontogeny and anatomy of a myth. Clin Auton Res (2018) 28:13–21

Gaskell WH (1920) The involuntary nervous system. Longmans, Green, New York

Jänig, The Integrative Action of the Autonomic Nervous System: Neurobiology of Homeostatis (Cambridge Univ. Press, Cambridge, UK, 2006).

Jänig W, Keast J, McLachlan E, Neuhuber W, Southard-Smith M (2016) E-Letter. In: Science

Janig W, Keast JR, McLachlan EM, Neuhuber WL, Southard- Smith M (2017) Renaming all spinal autonomic outflows as sym- pathetic is a mistake. Auton Neurosci 206:60–62

Janig W, McLachlan EM, Neuhuber WL (2018) The sacral auto- nomic outflow: against premature oversimplification. Clin Auton Res. https://doi.org/10.1007/s10286-017-0491-x

Janig W, Neuhuber W (2017) Reclassification of the sacral auto- nomic outflow to pelvic organs as the caudal outpost of the sympa- thetic system is misleading. J Am Osteopath Assoc 117:416–417

Langley JN (1899) Presidential address, physiological section. Report of the 69th meetings of the British Association for the Advancement of Science. John Murray, London, pp 881–892

Langley JN (1905) On the reaction of cells and of nerve-endings to certain poisons, chiefly as regards the reaction of striated muscle to nicotine and to curari. J Physiol 33:374–413

Langley JN (1911) The effect of various poisons upon the response to nervous stimuli chiefly in relation to the bladder. J Physiol 43:125–181. doi:10.1111/(ISSN)1469-7793

Latarjet A, Testut L (1948) Traité d’anatomie humaine. G. Doin & Cie, Paris

Sjöstrand, N. O. and Klinge, E. « Principal mechanisms controlling penile retraction and protrusion in rabbits ». Acta Physiologica Scandinavica. Volume 106, no.2 (June 1979): 199–214.

 

 

 

 

Comment ne plus vous sentir coupable ou impuissant face à la douleur persistante de votre patient ?

42462619_531644490615779_5023185937408983040_n

 Une ostéopathe installée depuis moins d’un an me témoignait récemment son mal-être et sa difficulté à gérer certaines situations : « A 60 euros la séance, il y a intérêt que ça marche !! » lui retorquait une patiente avant même le début de sa séance.

Ces situations sont celles où le patient attend un geste miraculeux , qu’on lui fixe son corps-objet sans qu’il n’ait besoin de rien faire.

Pourquoi ces patients ont-ils ces attentes-là, qui a bien pu leur faire croire cela ?

J’avais écrit un billet sur comment nos croyances pouvaient être à l’origine d’une « descente aux enfers » de certains patients. Mais cette descente aux enfers peut tout aussi bien toucher le thérapeute honnête qui n’arrive pas à soigner la douleur du patient :

Si le patient a toujours mal c’est de la faute du thérapeute qui n’a pas corrigé la bonne dysfonction ou que celui-ci n’a pas fait la bonne manipulation.

Ce mode de prise en charge est à double tranchant : il nourrit l’orgueil spirituel du praticien quand les résultats sont là, et d’autre part en cas d’échec du traitement, cela entretien la culpabilité du praticien qui se dira : « je ne sais pas bien manipulé, je n’ai pas manipulé le bon endroit,  je n’ai pas appris la bonne technique, ou encore il me manque les techniques secrètes du dernier gourou à la mode qui arrive à guérir le monde entier avec ses mains magiques ».

Capture d_écran 2018-07-01 à 19.34.17

Ce billet de blog reprend  l’éditorial sorti ce mois-ci dans le BJSM par Jeremy Lewis et P O’Sullivan (1), dont le titre est :  « Est-il temps de redéfinir la façon dont nous prennons en charge les patients présentant des douleurs musculosquelettiques non-traumatique ? » qui tombe à point nommé.

Cet article soulève certains points cruciaux, dont notamment la souffrance des cliniciens qui n’arrivent plus à faire face à leur échec car nous nous sommes enfermés dans un modèle biomédical de causalité linaire dans lequel « douleur = défaut corporel ».

Voici les points importants de l’article, que je permet d’étoffer avec d’autres références.

  1. Nos approches actuelles de la prise en charge de la douleur musculo-squelettique échouent

Nous sommes mauvais !!! Bien qu’à titre individuel dans nos cabinets nous soyons certainement les héros de nos patients, quand on regarde les chiffres de ce que coûte la douleur musculosquelettique chronique, c’est du lourd : aux USA c’est plus d’un demi billion (1012) de dollars entre les coûts directs et indirects (2), ce qui fait plus que les coûts combinés du cancer du diabète et des maladies cardiovasculaires !!

Et cela ne s’améliore pas dans le temps : entre 1990 et 2015, les AVI (Années Vécues avec Invalidité) dues aux lombalgies ont augmentés de 54% (3)

GLobal burden

Lewis et O’Sullivan soulignent qu’ « aucun diagnostic patho-anatomique peut expliquer de façon cohérente l’expérience douloureuse ou le handicap vécu par un patient dans la majorité des douleurs persistantes  non traumatiques » en revenant sur 2 points importants :

1.1 Tout d’abord il y a une prévalence élevée des changements structurels chez des patients asymptomatiques 

Il y a beaucoup d’études qui le démontrent (voir schéma ci-dessous) ou encore l’article sur la Nociception et la Douleur

LEWIS IMAGERIE

ET POURTANT…Combien de patients se voient affubler de ces diagnostics pour soi-disant expliquer leur douleur ?

Ce type d’information peut amener le patient à croire que son corps est défectueux, endommagé, fragile et a besoin de protection.

Pour exemple une revue systématique (4) utilisant une analyse croisée (33 articles et 10293 patients souffrant de douleur d’épaule) a démontré que :

  • Plus il y avait de catastrophisme et de kinésiophobie, plus la douleur et l’invalidité était importante ;
  • Et inversement plus le niveau des attentes de guérison et le sentiment d’auto-efficacité étaient élevés, moins la douleur et l’invalidité était élévée.

Ce discours et ces croyances entrainent  des comportements de peur-évitement de l’activité et pousse les patients à la recherche d’interventions pour corriger ces défauts structurels : chirurgie, correction posturale, structurelle…

1.2 Nous avons inventé des thérapies pour régler des « problématiques » qui n’existent pas ou qui sont indétectables : lésion primaire, torsion de sacrum, trigger point, MRP, déséquilibre postural… et nous continuons à entretenir ces paradigmes (« correction » de dysfonction, de postural, « rééquilibrage » musculaire) : « La douleur c’est due à une sursollicitation d’une zone hypermobile à cause d’une zone en dysfonction à distance » (le type de phrase que j’entendais encore l’autre jour dans la bouche d’un confrère qui sermonait un étudiant).

Pour plus d’information sur les références à propos de ces inventions vous pouvez lire le billet sur les croyances en thérapie manuelle.

Il n’est pas étonnant que cette mode ai entrainé une augmentation exponentielle des interventions chirurgicales dites « réparatrices » (coiffe des rotateurs, ablation des ménisques, réparation du labrum, tenodèse du biceps, décompression sub-acromiale, prothèse discale, vertébroplastie…), alors que les preuves montrent que ces interventions ne sont pas forcément plus efficaces qu’un placebo (5) (6) (7).

Heureusement qu’il y a des ostéopathes qui prétendent « absorber les hernies discales » (bien évidemment sans aucune preuve à l’appui) pour éviter la chirurgie : une forme de chirurgie psychique (je vous invite à voir la vidéo hilarante de James Randià ce sujet)

LEWIS HERNIE DISCALLEWIS CHIR PSY

Dans un modèle de prise en charge comme celui-ci le patient attend qu’une intervention passive lui procure la guérison sans que ce dernier n’ai besoin de s’impliquer.

  1. Que pourrions nous apprendre des modèles de prise en charge d’autres maladies chronique non musculosquelettiques ?

« La lombalgie est une affection complexe qui s’accompagne de multiples facteurs contribuant à la douleur et à l’invalidité associée, notamment des facteurs psychologiques, des facteurs sociaux, des facteurs biophysiques, des comorbidités et des mécanismes neurophysiologiques » (8).

Quand cet état d’invalidité devient persistent Lewis et O’Sullivan proposent de les considérer de la même façon que nous aborderons les autres maladies chroniques.

Ils prennent l’exemple du diabète de type 2.  Dans ce cas là nous savons que ce sont des stratégies actives qui ciblent les facteurs psychosociaux et les comorbidités. Et même si on peut administrer un traitement (la metformine), l’objectif n’est pas focaliser sur « trouver un traitement » mais plutôt de fournir une stratégie qui en même temps, contrôle le problème et limite l’impact sur le bien-être du patient.

  1. La nécessité d’une nouvelle approche

Lewis et O’Sullivan  proposent d’avoir le même type d’approche  que nous avons avec la douleur musculosquelettique, qu’avec les autres maladies chroniques : forte alliance thérapeutique, éducation, hygiène de vie (sommeil, arrêt du tabac, gestion du stress..) dans le but de construire une auto-efficacité chez le patient pour qu’il reprenne le contrôle et qu’il soit responsable de sa santé.

La thérapie manuelle peut être dans ces conditions une aide très utile pour diminuer la douleur, retrouver de la mobilité et redonner confiance au mouvement, mais ce n’est pas le traitement en soi.

Le patient n’est plus vu comme un objet que l’on corrige mais comme un sujet avec lequel on construit une alliance et une interaction afin que celui-ci puisse donner du sens à son symptôme et connecter avec ses propres boites à pharmacies internes.

En recadrant ainsi la prise en charge le patient ne sera plus dans une attente passive d’une intervention magique et cela réduira probablement aussi le stress et le burnout de tous ces cliniciens en échec thérapeutique qui sont incapables de tenir de telles promesses.

  1. Les opportunités et les freins de cette approche

Nous devons recadrer ce qui est actuellement réalisable en terme de gestion de douleur musculo-squelettique non traumatique en ayant des conversations honnêtes et ouvertes sur le niveau et le type de soin que l’on peut offrir et des résultats que l’on peut en attendre.

Les possibles freins viendront autant des praticiens que des patients.

D’un côté les cliniciens seront confrontés à leur croyance et leur manque de connaissance de la douleur. Mais aussi leur identité professionnelle, les pressions financières pourront être problématiques : nous avons  a été formé à « entretenir » le dos des gens en les manipulant plusieurs fois par an et à les rendre dépendant de nos soins.

D’un autre côté c’est aussi un véritable défi d’accepter les croyances et les attentes des patients tout en recadrant leur besoin : arriver à redonner le contrôle de la situation à un patient qui au départ était venu chercher un diagnostic structurel nécessitant d’être réparé.

Enfin le dernier point sur lequel revient l’éditorial est la nécessité que tout le monde soit de la partie (médias, institutions, écoles, politiques…) car aujourd’hui même si la recherche va dans ce sens, si vous allez fureter sur le monde de l’internet ou de la presse à sensation et vous verrez que l’information délivrée par le monde médical/parmédical, ou encore les propositions de formation en matière de douleur : elle est encore traditionnelle avec la promotion des facteurs structurels et biomécaniques.

Si vous souhaitez aller plus loin dans les neurosciences de la douleur un elearning d’une dizaine d’heure de cours est aussi disponible ici en Français

(1) Lewis J, O’Sullivan P. Is it time to reframe how we care for people with non-traumatic musculoskeletal pain? Br J Sports Med 2018;0:1–2. doi:10.1136/bjsports-2018-099198

(2) Institute of Medicine, Committee on Advancing Pain Research, Care and Education. Relieving Pain in America: A Blueprint for Transforming Prevention, Care, Education, and Research. National Academies Press (US), Washington (DC); 2011

(3) Global Burden of Disease, Injury Incidence, Prevalence Collaborators. Global, regional, and national incidence, prevalence, and years lived with disability for 310 diseases and injuries, 1990–2015: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2015. Lancet 2016;388: 1545–602.

(4) Martinez-Calderon, J., Struyf, F., Meeus, M., Luque-Suarez, A., The association between pain beliefs and pain intensity and/or disability in people with shoulder pain: A systematic review, Musculoskeletal Science and Practice (2018), doi: 10.1016/j.msksp.2018.06.010.

(5) Louw et al (2016). Sham Surgery in Orthopedics: A Systematic Review of the Literature . Pain Medicine 2016; 0: 1–15

(6) Schrøder CP, et al. Br J Sports Med 2017;0:1–8. doi:10.1136/bjsports-2016-097098

(7) Beard DJ et al Arthroscopic subacromial decompression for subacromial shoulder pain (CSAW): a multicentre, pragmatic, parallel group, placebo-controlled, three-group, randomised surgical trial.Lancet 2018; 391: 329–38

(8) Hartvigsen J, Hancock MJ, Kongsted A, et al.(2018) What low back pain is and why we need to pay attention. Lancet

5 conseils pour améliorer votre prise en charge des neuropathies grâce aux neurosciences

Comme promis, je commence les résumés commentés de certains articles choisis. Le premier article du « Book Club 2018 » est celui de l’équipe d’Annina Schmid.

Article intro

J’ai choisi cet article car j’aime bien la synchronicité des évènements : Philip Moulaert , ancien assistant et ami de Bob Elvey, m’a passé le flambeau cette année pour les séminaires en France d’approche neurodynamique. Et le premier séminaire que j’organise commence en Mars de cette année, avec un elearning en neurosciences inclus disponible en ligne au mois de février.

Cet article, tout frais de ce mois-ci, tombe à pic car il reprend tous les points abordés de l’approche neurodynamique léguée par Bob Elvey, que nous aborderons.

Au travers le résumé de celui ci, je vous donne 5 conseils pour approcher les douleurs irradiantes avec ou sans neuropathies un peu différemment des approches classiques.

Avant de résumer cet article, je précise que je suis fan des travaux d’A. Schmid, non seulement car elle publie dans mon champ d’expertise clinique et de recherche (les douleurs neuropathiques et neurogéniques) et j’avoue que ces travaux confirment souvent mes biais, j’ai d’ailleurs suivi ses formations avec l’agence epb.

Pour cette raison, j’invite les experts en neurodynamique à lire l’article en entier, d’abord car il est complet et surtout pour aussi se faire leur propre opinion.

Cet article aborde la prise en charge des atteintes neuropathiques par compression  :

Notre approche diagnostique et thérapeutique souvent empirique, s’est construite sur une vision biomédicale et biomécanique de la douleur des nerfs. Cet article challenge certaines croyances actuelles avec les données des neurosciences cliniques.

Point numéro 1 : La distibution de la douleur en dehors des dermatomes ou des territoires sensitifs doit être considérée comme la norme et non comme l’exception, elle ne peut pas exclure l’absence d’une neuropathie.

Il est démontré par plusieurs travaux que les symptômes de douleur neuropathique ne suivent pas toujours des trajets précis en suivants soit un schéma électrique de racine nerveuse ou encore sur un dermatome précis. Plusieurs raisons à cela  :

  • L’atteinte d’un nerf entraine une réponse neuroinflammatoire à plusieurs endroits du système nerveux (le ganglion de la racine dorsale réagit, mais aussi cellules gliales de la corne postérieure de la moelle)
  • La variabilité de chevauchements des territoires nerveux et le fait que d’autres structures plus profondes puissent êtres impliquées (sclérotomes, myotomes, dynatomes…)
  • Ces mécanismes neurophysiologiques expliquent pourquoi les symptômes peuvent non seulement se diffuser à plusieurs endroit d’un membre sous la même dépendance d’une racine. Annina donne l’exemple dans son séminaire d’un syndrôme du canal tarsien qui comprime le nerf tibial peut créer une neuroinflammation du ganglion de la racine dorsale L4 qui elle même se distribue dans plusieurs nerfs (fibulaire, saphène etc…) et peut donner des douleurs radiculaires projetées dans d’autres territoires que celui du nerf tibial !!
  • D’autre part la neuroinflammation médullaire peut atteindre l’autre côté

Et dans ce sens , on comprend pourquoi 2/3 des patients présentant un syndrome du canal carpien ne suivent pas le schéma classique et décrivent des symptômes en dehors de ces territoires (Calliendro et al 2006, Murphy et al 2009) et de temps en temps, sur la main controlatérale à la compression.

NDLA 1 : De la même façon dans une ancienne étude (Slipman 1998)  chez des patients présentants des névralgies cervicobrachiales devant bénéficier d’une infiltration sous contrôle radiologique, une stimulation mécanique de chaque racine  rapportait des douleurs ne correspondant pas au dermatomes (ils ont appelés cela dynatomes).

Slipman.png
La figure ci-dessus (traduite et résumée de Slipman 1998) représente les endroits des douleurs rapportées suite à la stimulation mécanique des nerfs spinaux inflammés. L’hémi-corps gauche représente la face antérieure, le gauche la face postérieure

NDLA 2 : Dans une une étude similaire plus récente (Furman et al 2019) chez des patients présentant des douleurs radiculaire lombosacrées,  devant bénéficier d’infiltration épidurales transforaminales, ont été enregistré à plusieurs moment de l’infiltration les douleurs rapportées par les patients. Au membre inférieur les dynatomes ne correspondent pas aux dermatomes, et un certain nombre de racines inflammées étaient asymptomatiques.

Capture d’écran 2020-01-12 à 11.18.09.png

La figure ci-dessus (traduite et résumée de Furman et al 2018) représente les endroits des douleurs rapportées durant les différents moments de la procédure d’infiltration  des nerfs spinaux inflammés.

CONSEIL N°1 : Soyez vigilant , ce n’est pas parce qu’un trajet ne suit pas un dermatome précis ni un territoire précis que l’on peut écarter une neuropathie par compression ou par sténose. Un examen neurologique standard avec les tests de provocation de douleur doit être exécutés devant toute douleur irradiante ou tout symptôme neurologique.

Point numéro 2 : L’examen neurologique standard doit inclure une analyse des fibres de petits calibres (fibres Aδ et C), autrement dit, il est insuffisant d’appuyer son examen neurologique sur les l’analyse des grosses fibres (Aα ou A β)

Jusqu’à présent l’EMG, la prise de réflexe, et la sensibilité épicritique sont considérés comme le gold standard de l’examen neurologique standard. Pour autant 25 % des patients atteints de neuropathies (par exemple Syndrôme du Canal Carpien) ne présentent aucun signes à ces examens.

En fait ces examens n’intéressent que 20% des fibres qui constituent un nerf périphérique (Aα ou A β).

Les études récentes montrent que si les grosses fibres se démyelinisent, elle restent souvent intactes lors d’une neuropathie débutante (Schmid 2013) alors que les petites fibres sont atteitnes très rapidements : les travaux d’A . Schmid (Schmid et al 2014) démontrent qu’une atteinte des une des fibres de petits calibres (mesurée par la perte à la biopsie sous cutanée et par le seuil de détection thermique altéré) sont précurseurs de l’atteintes des grosses fibres.

Pour investiguer les fibres Aδ et C, en clinique, il faut un  Quantitative Sensory Testing (pour les seuils thermiques) et le pinprick.

CONSEIL N°2 : Si le QST coûte un bras, on peut très facilement ajouter à l’examen un cluster valide et peu couteux incluant le pinprick (neuropen ou roulette de wartenberg) et des pièces chaudes/froides pour les seuils de T°C (ou un Tip-Therm).

Points numéro 3 : La valeur et les pièges des tests neurodynamiques

Les tests neurodynamiques ont été introduit historiquement par Robert Elvey, puis ont suivi Butler et Schaclock.

Ceux-ci ont suggérés au début, que ces tests étaient des tests diagnostiquant un désordre neural du à une tension anormale du nerf. Ils en ont concluent que c’étaitent des tests de mise en tension neural. En dépit d’études existantes certains ont continué à véhiculer la notion et le nom de tests de tension neural.

NDLA 3 : Pour plus d’explications sur l’histoire de cette approche voir la note de bas de page en italique *

Depuis la nomenclature a évolué et on parle de test de provocation neural (et non de tension) ou de tests neurodynamiques, malheureusment la nomenclature n’est pas uniformisée et laisse des confusions dans le monde médical.

L’auteur précise donc que ce sont uniquement des tests de mécanosensitivité.

Et même si ils ont fait l’objet d’étude de validité :

  • La reproduction des symptômes et la différentiation de l’atteinte structurelle doit être bien différenciée pour avoir un test positif (Nee et al 2012)
  • Leur performance clinique est mis en doute sur le diagnostic des neuropathies,
  • A eux seuls ils ne suffisent pas pour poser un diagnostic de neuropathie (car ils ne test pas la fonction nerveuse) (Baselgsia 2017)
  • Les tests neurodynamiques négatifs n’excluent pas la neuropathie (il existent plusieurs études montrant un nombre importants de faux négatifs)
  • Mais surtout ils doivent être pris en compte dans un examen complet avec des mouvements actifs qui mettent en évidence la protection du tissu neural (Hall et Elvey 1999)

A. Schmid distingue bien les douleurs neuropathiques de la mécanosensitivité : de nombreuses études montrent une présence de mécanosensitivié sans lésion nerveuse.

NDLA 4 : On revient ici à la vieille définition de l’IASP qui distinguait les termes de douleur neurogénique (mécanosensitivité) et douleur neuropathiques (lésion ou maladie du nerf).

Et donc elle classe la sensibilisation nerveuse périphérique (mécanosensitivité) comme une douleur nociceptive véhiculée par les nervi nervorum.

Ceci étant on peut aussi avoir de la mécanosensitivité lors d’une douleur neuropathique (mécanosensitivité axonale).

NDLA 5 : Les études sur la mécanosensitivité (Dilley et Bove 2008) on été fait au début sur de la mécanosensitivité axonale, et précisent que l’on fait pas la différence entre mécanosensivité axonale et celle véhiculée par les nervi nervorum. Le diagnostic de douleur neuropathique se dépiste grâce à certains questionnaires comme le DN4 ou le PDQ.

CONSEIL N° 3 :  4 points importants à retenir

  • Les tests neurodynamiques testent uniquement la mécanosensitivité, utilisez les dans ce sens ;
  • Ce n’est pas parce qu’ils sont négatifs que l’on peut écarter une neuropathie, l’examen neurologique complet permet de le dire;
  • Les signes de mécanosensitivité ne veulent pas dire qu’il y a forcément une douleur neuropathique (l’algorithme de Shafer et al 2009 en fin d’article permet de mieux orienter son diagnostic).
  • En cas de neuropathie sévère ces tests peuvent être négatifs (car disparition de leur petites fibres nociceptives) !!!

 

Point numéro 4 : L’approche de traitement neurodynamique va bien au-delà d’une vision biomécanique du tissu neural

Plusieurs revues systématiques ont démontrées le bénéfice et l’efficacité de l’approche neurodynamique dans le traitement des névralgies cervicobrachiales ou des lombosciatalgies (Basson et al 2017)

L’approche thérapeutique s’est construite essentiellement sur des principes biomécaniques.

En effet plusieures études cadavériques et in vivo, semblent montrer que certaines techniques neurodynamiques, en particulier les techniques de « glissement » (sliding), permettent d’améliorer la course longitudinale du nerf par rapport à ses interfaces anatomiques.

Ces effets seraient intéressants notemment dans la prise en charge du Syndrôme du Canal Carpien dans lequel on constate une diminution de l’excursion du nerf médian au cours de sa course.

Ceci-étant, ce gain de course longitudinale n’a pas été observé sur d’autres nerfs. Et à la suite de certaines chirurgies de canal carpiens sévères, l’excursion du nerf n’est pas amélioré alors que les symptômes s’estompent.

Les derniers travaux en neurosciences suggèrent que les effets de la thérapie neurodynamique ont des effets immédiats d’hypoalgésie (Beltran 2015, Beneciuk 2009), et de dispersion de l’œdème endoneural (Gilbert et al 2015, Brown 2011) chez l’être humain. Certaines études animales montrent des effets anti-inflammatoire à distance du site de la lésion (ganglion de la racine dorsale et système nerveux central). La stimulation probable des opioïdes endogènes doit faciliter aussi la réparation nerveuse.

CONSEILS n° 4 : Envisager l’action de votre traitement neuro dynamique avec un prisme neurobiologique et non biomécanique : « diminution de la sensibilité du système nerveux, amélioration de sa fonction et du  temps de sa réparation ».

Accordez votre accompagnement et votre discours au patient dans cet optique : « votre nerf va guérir, il a eu un gros coup de soleil (si c’est mécanosensitif), nous allons le faire glisser pour l’aider à avoir moins mal »

Point numéro 5 : Même si il existe des processus centraux, si l’atteinte sténotique nerveuse est identifiable et répond au traitement, elle restera le point essentiel de la prise en charge.

Neuropathie Annina 2013.png

Avec l’avènement des neurosciences et la compréhension, nous savons aujourd’hui que dans une atteinte neuropathique, des changements plastiques vont s’oppérer au sein du système nerveux central (Fernandez de la Penas 2009) : sensibilisation centrale, perturbation de la modulation de la douleur (inhibition et facilitation descendante) mais aussi une neuroinflammation médullaire ainsi que de neuroforamen (Albrechts et al 2018) . Ces phénomènes expliquent certaines symptomatologies comme l’hyperalgésie diffuse.

Bien que la sensibilisation centrale explique les douleurs persistantes quand les triggers périphériques sont absentes.

Pour autant dans le cas des atteintes nerveuses périphériques, il est démontré des soulagement immédiats sur des symptômes chroniques d’hyperalgésie diffuse suite à des infiltrations ou chirurgies décompressives.

CONSEIL N°5 : Votre approche thérapeutique même si elle sera baignée dans une approche bio-psycho-sociale doit porter une attention principalement à l’atteinte périphérique si elle est identifiable et qu’elle répond au traitement.

L’algorithme de Shafer et al 2009 (traduit ci-dessous) est très utile pour orienter l’application ou non  de l’utilisation des techniques neurodynamiques.

shafer

Si vous souhaitez aller plus loin dans les neurosciences de la douleur un elearning d’une dizaine d’heure de cours est aussi disponible ici en Français

*«  Le précurseur de l’approche neurodynamique est Robert Elvey qui publia le premier article sur la prise en charge et la mobilisation neurodynamique en 1986.

En 1998 Robert Elvey avec Max Zusman et Toby Hall, reviennent sur leurs erreurs, et publient dans Manual Therapy un article intitulé : « Adverse mechanical tension in the nervous system? » démontrant que c’était une ineptie neurophysiologique d’étirer un nerf mécanosensitif ou pathologique et préconisent de se focaliser sur les processus et les réactions neurophysiologiques impliquées dans la symptomatologie.

 Le problème c’est que parallèlement Schaclock 1995 et de Butler 1991 ont fondé leur techniques sur modèle de traitement biomédical de la douleur sous couvert d’étirements nerveux utilisant une biomécanique basée entre autre sur les travaux de Louis (un français) et de Breig qui avaient étudié la biomécanique nerveuses sur des cadavres.

Butler est enseignant (et non un praticien), Schacklock a une pratique clinique hospitalière , au début ses protocoles étaient compliqués, interminables et absolument pas validés cliniquement. Il faut aussi rappeler que dans leur protocoles étaient décrits des techniques d’étirement. L’essor commercial de leurs techniques a inondé le monde de la thérapie manuelle alors que leur modèle était faux et c’est encore celui ci que l’on trouve un peu partout dans le monde de la physiothérapie.

Depuis Butler a changé radicalement son discours et dit même regretter l’écriture de ses premiers livres (Mobilisation of the Nervous System et Sensitisation of the Nervous system). Mickael Schaclock a lui aussi adapté son discours, même si il reste très mécaniste et biomédical.

 L’approche de Robert Elvey et de son équipe en a été tout autre, c’est une approche basée sur les mécanismes neurophysiologiques impliqués. Elle a été nourrit par beaucoup de publications : Toby Hall, Axel Schafer, Mickael Coppieters, Andrew Dilley, Jane Greening, Peter O’Sullivan…Ils ont tous une approche physiologique et non biomécanique. Ce courant de chercheurs est à l’origine des classifications basées sur les mécanismes et les cadres de raisonnement clinique multidimensionnel incluant les facteurs bio-psycho-sociaux, les tests neurodynamiques, l’évaluation des mécanismes neurophysiologiques, l’analyse du contrôle moteur … »

Partie 1 :

Caliandro P, La Torre G, Aprile I, et al. Distribuion of paresthesias in carpal tunnel syndrome reflects the degree of nerve damage at wrist. Clin Neurophysiol. 2006;117:228-231. https://doi. org/10.1016/j.clinph.2005.09.001

Murphy DR, Hurwitz EL, Gerrard JK, Clary R. Pain patterns and descriptions in patients with radicular pain: does the pain necessarily follow a specific dermatome? Chiropr Osteopat. 2009;17:9. https://doi.org/10.1186/1746-1340-17-9

Slipman et al. Symptom Provocation of Fluoroscopically Guided Cervical Nerve Root Stimulation: Are Dynatomal Maps Identical to Dermatomal Maps? Spine. 1998;23: 2235-42.

Michael B. Furman, Stephen C. Johnson, Induced lumbosacral radicular symptom referral patterns: A descriptive study, The Spine Journal (2018), https://doi.org/10.1016/j.spinee.2018.05.029.

Partie 2 :

Schmid AB, Bland JD, Bhat MA, Bennett DL. The relationship of nerve fibre pathology to sensory function in entrapment neuropathy. Brain. 2014;137:3186-3199. https://doi.org/10.1093/ brain/awu288

Schmid AB, Coppieters MW, Ruitenberg MJ, McLachlan EM. Local and remote immune-mediated in ammation after mild peripheral nerve compression in rats. J Neuropathol Exp Neurol. 2013;72:662-680. https://doi.org/10.1097/ NEN.0b013e318298de5b

Partie 3 :

Baselgia LT, Bennett DL, Silbiger RM, Schmid AB. Negative neurodynamic tests do not exclude neural dysfunction in patients with entrapment neuropathies. Arch Phys Med Rehabil. 2017;98:480-486. https://doi.org/10.1016/j.apmr.2016.06.019

Dilley A et Bove G. Disruption of axoplasmic transport induces mechanica sensitivity in intact rat C-fibre nociceptor axons. J Physiol 586.2 (2008) pp 593–604

Nee RJ, Jull GA, Vicenzino B, Coppieters MW. The validity of upper-limb neurodynamic tests for detecting peripheral neuropathic pain. J Orthop Sports Phys Ther. 2012;42:413-424. https://doi. org/10.2519/jospt.2012.3988

Hall TM, Elvey RL. Nerve trunk pain: physical diagnosis and treatment. Man Ther. 1999;4:63-73. https://doi.org/10.1054/math.1999.0172

Partie 4 :

Basson A, Olivier B, Ellis R, Coppieters M, Stew- art A, Mudzi W. The effectiveness of neural mobilization for neuromusculoskeletal conditions: a systematic review and meta-analysis. J Orthop Sports Phys Ther. 2017;47:593-615. https://doi. org/10.2519/jospt.2017.7117

Beltran-Alacreu H, Jiménez-Sanz L, Fernández Carnero J, La Touche R. Comparison of hypoalgesic effects of neural stretching vs neural gliding: a randomized controlled trial. J Manipulative Physiol Ther. 2015;38:644-652. https://doi. org/10.1016/j.jmpt.2015.09.002

Beneciuk JM, Bishop MD, George SZ. E ects of upper extremity neural mobilization on thermal pain sensitivity: a sham-controlled study in asymptomatic participants. J Orthop Sports Phys Ther. 2009;39:428-438. https://doi.org/10.2519/ jospt.2009.2954

Brown CL, Gilbert KK, Brismee JM, Sizer PS, James CR, Smith MP. The effects of neurodynamic mobilization on uid dispersion within the tibial nerve at the ankle: an unembalmed cadaveric study. J Man Manip Ther. 2011;19:26-34. https:// doi.org/10.1179/2042618610Y.0000000003

Gilbert KK, Smith MP, Sobczak S, James CR, Sizer PS, Brismée JM. Effects of lower limb neurodynamic mobilization on intraneural fluid dispersion of the fourth lumbar nerve root: an unembalmed cadaveric investigation. J Man Ma- nip Ther. 2015;23:239-245. https://doi.org/10.117 9/2042618615Y.0000000009

 

Partie 5 :

Fernández-de-las-Peñas C, de la Llave-Rincón AI, Fernández-Carnero J, Cuadrado ML, Arendt- Nielsen L, Pareja JA. Bilateral widespread mechanical pain sensitivity in carpal tunnel syndrome: evidence of central processing in unilateral neuropathy. Brain. 2009;132:1472-1479.

Albrechts D et al . Neuroinflammation of the spinal cord and nerve roots in chronic radicular pain patients. Pain. 2018; 159 : 968–977.

Partie en italique :

Butler D S 1991 Mobilisation of the Nervous System. Churchill Livingstone, London

Butler D 2001 Sensitisation of the Nervous system. Noi group Publication.

Elvey R. Treatment of Arm Pain with abnormal brachial plexus tension. The Australian Journal 1986 ; 32(4) : 225-230.

Hall T, Zusman M, Elvey R. Adverse mechanical tension in the nervous system? Analysis of straight leg raiseManual Therapy (1998) 3(3), 140-146

Shacklock M. Neurodynamics. Physiotherapy 1995 ; 81(1) :9-16s

Améliorer l’efficacité de vos techniques manuelles en étant conscient de l’effet placebo : effets spécifiques et non spécifiques

C’est l’histoire d’un patient qui vient me consulter pour une lombalgie apparue depuis 2 semaines.

Il me raconte qu’il a eu une lombalgie chronique pendant 20 ans, sans qu’aucune solution ne lui apporte une amélioration durable (kiné, ostéos, chiros, rebouteux…).

Jusqu’au jour ou il attérit en médecine physique dans un hôpital publique.

Le chef de service lui propose d’être inclus dans une étude qui compare l’efficacité de deux thérapies manuelles sur la lombalgie chronique et sub-aigüe effectué par des ostéopathes.

Après la première séance où il avait l’impression que le thérapeute le touchait très doucement, il a commencé à se sentir mieux très vite. Il a tout de suite appelé sa femme pour lui dire que c’était probablement une nouvelle technique, car on ne l’avait jamais touché comme cela, de façon si douce, et qu’il avait tout de suite senti des effets bénéfiques.  Peut être c’était enfin le bon traitement… si bien qu’une seule séance suffit pour faire partir la douleur définitivement. Il a même hésité à finir le protocole, mais comme il était consciencieux, il a tout de même suivi les 6 séances du protocole, avec des ostéopathes différents à chaque fois,  et n’a plus jamais eu mal au dos pendant 4 ans, jusqu’à cette fameuse consultation où il me rencontre.

Il s’avère que je faisais partie de l’étude dont il me parle, et que j’étais en charge de construire l’un des 2 protocoles de thérapie manuelle, ainsi que de former les ostéopathes à pratiquer ce protocole sur les patients. Quand je lui ai demandé de me décrire ce qu’il avait eu comme intervention, il me décrit le protocole que j’avais construit…En l’occurrence j’avais construit le protocole placebo de l’étude.

Bien évidemment à l’échelle d’une étude, un cas ne signifie rien, et si vous souhaitez en savoir plus sur l’étude elle est disponible ici.  En l’occurence, ce patient faisait partie des 10% de patients « super répondant à l’intervention » de l’étude, et ce pourcentage  se trouve être identique chez les patients ayant eu le placebo ou le vrai traitement.

Le point important pour moi dans cette histoire c’est que la vie nous met toujours devant des challenges et qu’elle nous offre des piqures de rappel d’humilité : après plusieures années à construire une étude pour évaluer les effets de l’ostéopathie (mon métier !!) sur la lombalgie chronique, il faut qu’un patient vienne dans mon cabinet me dire que le protocole placebo lui a réglé son problème chronique de 20 ans.

Du coup je me suis dit qu’un court billet de blog sur le placebo serait le bienvenu. Il a été construit à partir des 4 papiers suivants : Bialosky 2017, Testa 2016, O’Keeffe 2016 et Morral 2017.

C’est quoi l’effet Placebo ?

Traditionnellement le placebo a une connotation négative impliquant une intervention inerte sans effet thérapeutique. Les traitements placebo (concernant la douleur) sont associés à une analgésie corrélée à une réponse neurophysiologique active dans les régions corticales supérieures et dans la moelle.

Les recherches montrent que de multiples processus de modulation de la douleur endogène se déclenchent en réponse aux attentes « d’être soigné ». (Bialosky 2017)

Le placebo (du latin «je plairai») est créé par un contexte psycho-social susceptible d’influencer positivement le cerveau du patient (Benedetti 2013)

Comment on le quantifie ?

La première quantification de l’effet placebo date d’un article de Beecher en 1955. Il étudia plus de 1000 patients sur 15 études différentes, tout symptômes confondus et estima l’effet du placebo à 35,2% (+/- 2,2%).

A l’époque Beecher n’avait pas tous les outils méthodologiques pour le quantifier de façon précise et cette estimation fut démystifiée 40 ans plus tard (Kienle et Kiene 1997).

Les auteurs avancèrent d’autre phénomènes qui contribuent à la diminution des symptômes entre les différentes mesures : « L’amélioration spontanée » (ou histoire naturelle du symptôme), la « fluctuation des symptômes », et plein d’autres termes un peu barbares (dont on reparle plus bas) pour toute personne qui n’est ni statisticien ni épidémiologiste .

Récemment Morral et al 2017 ont proposé un modèle de compréhension des effets d’un traitement en prenant en compte l’effet placebo en fonction des différents types d’essai clinique.

J’essaie de résumé ci dessous (l’article est en espagnol, je ne parle pas l’espagnol mais le langage scientifique est identique, je pense avoir compris le principal, quand j’étais perdu, je suis allé récupérer les infos directement dans les références)

Dans le cas on l’on prend 3 groupes de patients inclus dans un essai thérapeutique.

  • Un groupe qui ne reçoit aucun traitement;
  • Un groupe à qui on administre un traitement placebo;
  • Un groupe à qui on administre le vrai traitement.

Voilà ce que l’on obtient si on mesure l’amélioration (en ordonnée sur le graphique) chez tous les patientsCapture d_écran 2017-12-23 à 12.52.59

Traduit de Morral et al 2017.

Cette situation permet de différencier les résultats dus spécifiquement au traitement, ceux dus au contexte thérapeutique (effet placebo) et ceux qui se produisent naturellement dans toute participation à un essai clinique.

  1. L’amélioration pour le groupe qui ne reçoit aucun traitement est quantifiée en bleue (schéma ci dessus).

Elle peut être attribuée à plusieurs phénomènes connus :

  • L’évolution naturelle du symptôme : Un patient qui présente un symptôme douloureux a une probabilité quelques jours après de décrire de toute façon une douleur moindre ou une amélioration spontanée.
  • L’effet Hawthorn : effet du à la modification du comportement du patient car il participe à une étude.
  • La régression a la moyenne : la grande variabilité (mesure très haute ou très basses) donne l’illusion que la variabilité statistique des mesures ultérieures est une amélioration sous traitement.

Il existe d’autres effets complexes attribués à cette amélioration que je ne pourrais (ni ne saurais) pas décrire ici.

2.  L’amélioration quantifiée en vert, est observée en plus de l’amélioration bleue dans le groupe qui reçoit un traitement placebo.

Elle est attribuable directement à l’ « effet contextuel psycho-social susceptible d’influencer positivement le cerveau du patient »

Testa et Rossettini 2016 détaillent dans leur article tous ces facteurs du rituel thérapeutique influençant ces effets non spécifiques participant à l’effet placebo.

Voici une liste non exhaustive :

L’image perçue par le patient du thérapeute : diplôme du praticien, l’expertise du praticien, façon de s’habiller, la réputation.

Un praticien en blouse qui a l’air de savoir ce qu’il fait augmente l’effet non-spécifique.

Comportements et croyances du praticien : L’enthousiasme et l’optimisme du praticien auront un effet Pygmalion.

Les patients apprécient les thérapeutes qui encouragent à poser des questions et qui répondent clairement concernant le pronostic et le traitement.

Les attentes, les préférences et les expériences passées du patient

Tenir compte de ces facteurs augmente les chance de résolution du symptôme.

Quels sont les attentes des Patients de notre part ?

Il est évident que leur attente principale est le plus souvent de soulager leur douleur, ceci étant quand on analyse les attentes des patients (en activité) souffrant de lombalgie, ils attendent  (Yelland 2011) dans cet ordre d’importance :

  • Une amélioration fonctionnelle,
  • Une augmentation de la force et de l’amplitude des mouvements,
  • Une augmentation des connaissances acquises,
  • Un changement d’attitude positif

Pour les patients en arrêt de travail, leur attente principale (après le soulagement) est de retourner au boulot.

Ensuite tous les patients attendent aussi :

  • D’être pris au sérieux et d’être respecté et écouté;
  • D’avoir un diagnostique précis expliqué avec confiance;
  • D’être bien accompagné et pris en charge avec des bons conseils.

Il est bon d’avoir ces notions en tête quand on prend en charge un patient, pour ne pas se focaliser uniquement sur le soulagement de la douleur.

L’interaction patient – praticien :

Le mode de communication verbal et non verbal peut augmenter l’effet placebo.

Une écoute active, un temps d’écoute plus long que le temps de traitement manuel, encourager le patient, utiliser un vocabulaire adapté au patient avec des touches d’humour augmente l’effet placebo.

Répéter les phrases importantes du patient en complétant ou en demandant des précisions font que le patient se sent plus écouter et offrent des meilleurs résultats que des questions fermées, le patient à l’impression d’avoir dit ce qui lui semblait important.

L’utilisation de messages en rapport avec l’effet antalgique : « cette technique est efficace pour diminuer la douleur »

La communication non verbale encourage aussi le placebo (geste, posture, expression faciale : sourire …)

Les facteurs organisationnels et environnementaux : la ponctualité, l’ambiance du cabinet (sons, odeur, couleur, plantes, œuvre d’art…)

Tous ces facteurs pourrait aussi être regroupés sous le terme d’ALLIANCE THERAPEUTIQUE qui font que dans un contexte clinique particulier peut ce créer une ALCHIMIE entre le contexte psychosocial du patient et le contexte psychosocial du praticien (O’Keefe 2016)

Voici en « tips » les 10 trucs que les patients n’aiment pas et que nous faisons trop souvent (Holopainen et al. 2018) :

  1. Les interrompre ou ne pas les écouter;
  2. Ne pas prendre en compte leurs attentes;
  3. Leur donner des explications qui font flipper;
  4. Ne pas leur expliquer clairement la situation;
  5. Ne pas leur fournir de stratégie;
  6. Ne pas les impliquer dans la stratégie;
  7. Les blâmer pour leur problème;
  8. Ne pas leur écrire les consignes;
  9. Etre presser et ne pas les suivre;
  10. Leur fournir des sur-traitements inutiles.

3. Enfin l’amélioration quantifié en rouge (toujours sur le schéma ci-dessus) est observée en plus de l’amélioration en bleu et en vert, dans le groupe qui reçoit un traitement.

Elle peut être attribuée aux effets dits « spécifiques du traitement »

Bien que l’on appelle cela effet spécifique, il faut garder à l’esprit :

3.1 Que le toucher thérapeutique entraine des effets généraux (et non spécifique à une technique en particulier) : analgésie placebo, réponse endocrinienne (endorphines, ocytocine), désensibilisation du système nerveux (inhibition de la nociception), effets sur le système nerveux autonome (pour plus d’infos je fais une conférence sur l’effet des manipulations…) et il y a un article de blog disponible ici.

3.2 Que si l’on ajoute les améliorations du groupe sans traitement et du groupe placebo (bleu et vert), elle correspond à l’amélioration due à des effets qui sont non spécifiques au traitement

On se rend compte que ces effets non-spécifiques sont bien plus importants que les effets spécifiques au traitement (schéma ci dessous) :

Capture d’écran 2017-12-23 à 14.12.15.png

Traduit de Morral et al 2017

Aujourd’hui les effets contextuels sur l’amélioration de la douleur sont mesurables et mesurés dans de nombreuses symptomatologies.

Par exemple Zou et al 2016 ont mesuré les tailles d’effets des traitements des douleurs chez les patients présentant de l’arthrose de genou. Ils se sont rendus compte que tout traitement confondu (ains, paracétamol, corticoïdes, lavage, acupuncture, injections…) les effets contextuels étaient responsables de 75% de l’efficacité du traitement !!!! (figure ci-dessous).

Capture d’écran 2019-05-12 à 19.20.21

Transposé à nos consultations, on comprend bien que l’effet spécifique de notre traitement est finalement minime comparé aux effets non spécifiques et donc qu’il serait plus logique de mettre l’accent sur les facteurs qui ont une influence sur tous ces effets non-spécifiques.

La méta-analyse de Menke et al 2014 montrait dans la prise en charge de la douleur en thérapie manuelle,  les effets contextuels étaient responsables de :

  • 66% de la variation de la douleur chez les patients présentant une douleur chronique;
  • 81% de la variation de la douleur chez les patients présentant une douleur aigüe.

En conclusion je cite une partie de la conclusion  de l’article de Berna et al 2011 :

« L’effet placebo illustre la complexité des interactions entre mécanismes psychologiques et neurobiologiques (…) l’effet placebo est un outil thérapeutique important quand il accroît l’efficacité d’un traitement spécifique. Le clinicien doit savoir se servir de ce puissant levier qui mobilise les ressources internes du patient pour accroître l’efficacité du traitement qu’il prescrit. Ceci passe par une bonne connaissance des attentes et des expériences antérieures du patient »

Bibliographie :

Beecher H.K., (1955) : « The powerful placebo ». JAMA ; 159 : 1602-1606.

Benedetti F, Amanzio M. Mechanisms of the placebo response. Pulm Pharmacol Ther 2013;26:520e3.

Berna C et al. Effet placebo analgésique: apport des neurosciences. Rev Med Suisse 2011; 7: 1390-3

Bialosky et al Placebo Mechanisms of Manual Therapy: A Sheep in Wolf’s Clothing? J Orthop Sports Phys Ther 2017;47(5):301-304.

Holopainen R, Piirainen A, Heinonen A, Karppinen J, O’Sullivan P. From “Non‐encounters” to auto- nomic agency. Conceptions of patients with low back pain about their encounters in the health care system. Musculoskele- tal Care. 2018;16:269–277

Kienle GS, Kiene H. (1997). The powerful placebo effect : fact or fiction ? J Clin Epidemiol, 50, 1311-1318.

Morral et al. Placebo effect and therapeutic context: A challenge in clinical research. Med Clin (Barc). 2017;149(1):26–31

Menke JM. Do manual therapies help low back pain? A comparative effectivenessmeta-analysis. Spine(PhilaPa 1976). 2014;39(7):E463–72.

O’Keeffe M et al 2016. What Influences Patient-Therapist Interactions in Musculoskeletal Physical Therapy? Qualitative Systematic Review and Meta-Synthesis, Physical Therapy. 2016 ; 96 (5) : 609–622

Testa M, Rossettini G, Enhance placebo, avoid nocebo: How contextual factors affect physiotherapy outcomes, Manual Therapy (2016),

Yelland  M. (2011) What do patients really want?, International Musculoskeletal Medicine, 33:1, 1-2, DOI: 10.1179/175361511X12965803070667

Zou K, Wong J, Abdullah N, et al. Ann RheumDis 2016;75:1964– 1970.

Une vision métaphorique du système nerveux

 

Ce post est un recueil de métaphores (élaborées par Diane Jacobs) sur le fonctionnement de la nociception au sein du système nerveux.

Je vous retranscris ma réflexion, inspirée d’une anecdote provenant de son livre (que je recommande), et de l’un de ses posts FB.

En introduction, je vous invite à regarder la vidéo suivante qui montre le réflexe de retrait (réflexe polysynaptique de défense) chez un poisson décapité.

On peut constater ici que ce réflexe est entièrement médié par la moëlle épinière, et qu’il peut fonctionner avec un système nerveux central décérébré.

 

D�veloppement du syst�me nerveux � 36 joursLa moëlle épinière fait partie intégrante du système nerveux central. Elle peut être considérée de façon simple comme la « queue du cerveau » qui descend dans le corps.

D’un point de vue phylogénétique, c’est aussi la partie la plus archaïque du système nerveux central. Elle est destinée à prendre le contrôle des informations pour « protéger » le corps.

Les parties embryologiques qui gouvernent l’inhibition descendante et le contrôle moteur sur la moelle (diencéphale, télencephale) sont plus récentes dans l’évolution.

En fait, la majeure partie du travail que semble faire le cerveau est d’ « inhiber » sans cesse le comportement incessant de la moelle épinière, que ce soit :

  • Les efférences motrices inappropriées ;
  • Les afférences nociceptives sans importance.

 

Avez-vous déjà posé la main sur une plaque chauffante sans le faire exprès ?

Votre moëlle épinière vous a fait retirer votre main avant même que celle-ci soit brûlée.

 

Vous avez certainement retiré votre main avant même que « vous » (la partie consciente de votre cerveau) n’ayez « ressenti » (perception et réaction) la « chaleur » (l’environnement).

En d’autre termes, avant même que la partie consciente de votre cerveau ait perçu et réagi à l’environnement.

La moëlle va plus vite que la perception.

 

Chez la plupart d’entre nous qui avons un cerveau et une moëlle normalement constitués :

  • Le moëlle gère au mieux les réflexes de retrait en réponse aux afférences nociceptives ;
  • Le cerveau est capable de percevoir les résultats de l’efférence motrice médiée par la moelle épinière. Il doit contrôler cette efférence, sinon nous serions comme ce poisson à chaque information nociceptive.

 

Pour ce faire, soit le cerveau :

  • Exacerbe l’afférence nociceptive (sensibilisation centrale) ou empêche son inhibition pour produire la douleur ;
  • Inhibe la réponse motrice de la moëlle (contrôle moteur).

 

Métaphore de la plage et de l’océan 

Voici une façon de concevoir un système nerveux central « non monolithique » :

Le travail de la moëlle est d’augmenter la nociception quoiqu’il arrive (en transformant des vagues ordinaires en vagues plus importantes), et le cerveau y répond par la modulation descendante (en laissant un peu d’eau sur la digue parfois, mais en gardant la digue en bon état à tout moment).

Plage ocean system nerveux

L’autre métaphore phylogénétique est de dire qu’au cours de l’évolution de l’océan et de la plage, si la moëlle épinière (l’océan) a évolué avec le temps pour créer des grosses vagues d’information, alors le cerveau a évolué pour augmenter la pente de la plage pour calmer ces mêmes vagues.

 

La nociception est à l’inhibition cérébrale ce que l’océan est à la plage. En temps normal, elle est inhibée et tout va bien.

La moëlle épinière (océan) tente d’augmenter la taille des vagues, c’est son rôle.

Celui du cerveau consiste, chaque fois qu’il le peut, à inhiber la nociception, en empêchant les vagues avant qu’elles ne deviennent trop importantes.

Implications thérapeutiques pratiques

Nous avons tendance, en tant que thérapeutes, à accuser l’anatomie : le problème vient des tissus (c’est votre articulation, votre muscle, votre biomécanique…).

Avec cette métaphore, Diane Jacobs propose d’innocenter les tissus et d’« incriminer», à la place, la moëlle épinière.

Je trouve l’idée plutôt sympathique et intéressante dans un « modèle interacteur » au sein duquel patient et thérapeute inter-agissent dans un processus à but thérapeutique visant la douleur et la fonction du système nerveux.

Au lieu d’être dans un « modèle opérateur » où le corps est un objet dont on corrige les défauts anatomiques.

Cela peut permettre de concevoir notre imposition des mains d’une autre manière.

Voici un exemple concret, parmi tant d’autre, de la façon de faire la même chose mais avec une vision différente.

La manipulation articulaire rachidienne dans le modèle opérateur :

Le thérapeute trouve une zone de « dysfonction somatique » en relation avec le motif de consultation douloureux et décide que pour enlever le symptôme il faut « débloquer », « corriger », « ajuster » cette dysfonction.

Sa seule option est ici de corriger cette « dysfonction somatique ». Dans cette situation, il faudra bien qu’elle « passe cette vertèbre », indépendamment du patient.

Même si celui-ci a mal (ou appréhende) et se raidit lors de l’acte manipulatif, dérangeant ainsi le praticien dans le bon déroulement de sa technique.

Plusieurs cas de figure peuvent apparaître dans cette situation :

  • Le thérapeute s’y reprend à plusieurs fois en irritant le système nerveux du patient;
  • Le thérapeute incrimine le patient en lui demandant de se détendre;
  • Le thérapeute incrimine la dysfonction , celle ci est « trop bloquée » (et participe à la croyance négative fragilisant le patient);
  • Le thérapeute peut être déçu si cela ne passe pas, et croire que, comme sa manipulation est ratée, il a échoué et ne peut rien faire pour le patient;
  • Et dans le pire des cas la « manipulation passe » (avec un peu d’effort) et malgré tout le patient est plus douloureux. Que faire ?

 

Voici une autre façon d’aborder la manipulation articulaire rachidienne dans un modèle interacteur :

Le thérapeute trouve une zone de « dysfonction somatique » en relation avec le motif de consultation douloureux et pense que la manipulation de cette zone pourrait aider le patient a bouger mieux avec moins de douleur.

Au moment de faire la manipulation, le patient se raidit. Le thérapeute, dans ce modèle interacteur, est dans une écoute attentive.

Il peut comprendre que le système d’alarme est sensibilisé et qu’il se protège par tous les moyens (incluant le réflexe de retrait médullaire indépendant d’une réaction consciente du patient).

Le thérapeute respecte la réponse du système nerveux et trouve une autre approche qui permettra au patient et au thérapeute de se sentir mieux.

Les neurosciences nous ouvre un champ de possible très vaste grâce à la compréhension de certains mécanismes neurophysiologiques impliquées dans la douleur.

Et pour calmer la sensibilisation du système nerveux il y a une infinité d’options, le TOUCHER en est une fantastique. Je vous laisse cette phrase de mon cousin Erwann* (sortie d’une de nos  discussions sur le toucher) qui pourrait résumer génialement les travaux de Sapolsky sur le Social Grooming  et sur l’intéroception (Craig 2009).

« Un des tout premiers rapport social qu’un sapiens puisse recevoir et sur lequel il bâtit sa sécurité et donc sa physiologie c’est le TOUCHER…300000 ans d’expérience tactile inconsciente menant a des mécanismes neurophysiologiques (neurotags?) ancrés dans notre humanité ».

Cette option est puissante du moment que nos mots et notre façon de penser ne la détourne pas en une arme contre productive fragilisant nos patients…

Si vous souhaitez aller plus loin dans les neurosciences de la douleur un elearning d’une dizaine d’heure de cours est aussi disponible ici en Français

 

 

 

 

 

 

*c’est mon cousin ostéo du Cap qui puise son inspiration dans l’interaction avec l’océan

Neurophysiologie au cabinet, Chapitre 2/2  : Nociception, Sensibilisation, Douleur

Sans titre.png

Ce chapitre est dense : il explique les bases de la compréhension nociception / douleur. Il essaye de résumer et simplifier le schéma ci-dessus (que j’ai mis pour les geek de neurophysio !!)

Il fait suite au chapitre introductif « La douleur n’est pas synonyme ni de lésion tissulaire, ni de nociception »

Quand on regarde les exemples du chapitre précédent on comprend donc que les axiomes suivants sont essentiels à intégrer dans notre pratique clinique (L. Moseley, Painfull Yarns) :

  • « La nociception n’est ni nécessaire ni suffisante pour que la douleur existe »
  • « La quantité de douleur dont vous faites l’expérience n’est pas forcément proportionnelle aux dommages tissulaires, elle dépend de combien votre corps croit que vous êtes en danger »

Pour comprendre un peu plus en détails et maitriser ces concepts voici un bout de neuroscience de la douleur et de neurophysiologie.

Sont abordés ci dessous la nociception, la sensisibilisation périphérique, la sensibilisation centrale, la modulation et la douleur.

La nociception correspond à l’activité dans les fibres nociceptives (Aδ et C).

La sensibilisation, c’est l’augmentation du volume de cette activité, elle peut être périphérique (nocicepteurs ou sur le trajet du nerf) ou centrale (médullaire ou corticale) (ci-dessous)

sensibilisation volume

NOCICEPTION EN DETAIL : des nocicepteurs jusqu’au cortex

Schéma global nociception


La nociception
est un processus d’encodage neural d’un stimulus nociceptif et de sa transmission du corps vers le cerveau : il correspond à l’activité des fibres afférentes à haut seuil de stimulation (Aδ et C) et de leur projection.

En plus simple la nociception c’est le processus de détection d’une menace et la transmission du message de danger vers le cerveau.

Ce processus ce déroule en plusieures étapes :

I-Phase de détection d’une menace (Premier nocicepteur):

Les « clochettes à danger », ou nocicepteurs sont des terminaisons nerveuses libres. Elles réagissent à la stimulation d’un danger potentiel :

clochette

  • Mécanique (EnaC) : changement de pression des tissus (coup, pincement, étirement, coupure, piqure …);
  • Chimique (ASIC) : changement de pH (inflammation, adrenaline, acide lactique..);
  • Thermique  (TRPV): changement de température.

Nocicepteurs moléculaire

Une fois la « clochette » stimulée, elle dépolarise la membrane (ouverture de canaux ioniques) du nerf dans laquelle elle est enfouie et transforme son message en influx électrique  : c’est la transduction.

Depolarisation

2. transmission

Puis il transmet cet influx électrique le long du premier nocicepteur  ; c’est la transmission.

Le message nociceptif se transmet  dans les fibres Aδ et C :

  • Les fibres C réceptionnent l’information des nocicepteurs polymodaux (chimique, thermique, mécanique) et thermiques (chaud et brûlure)
  • Les fibres Aδ réceptionnent l’information des nocicepteurs mécaniques (piqûre, pincement, torsion), et thermiques (froid)

terminaison libreCes fibres sont peu ou pas myélinisées et de petit calibre. La vitesse de transmission est beaucoup plus lente (0,5 à 40 m/s) que celle des fibres Aα (80-120m/s) qui véhiculent la proprioception ou les Aβ (40-90m/s) qui véhiculent le tact fin :

Fibres et vitesses

 

Ces fibres nerveuses arrivent dans la corne postérieure de moelle dans des couches bien individualisées, afin de traiter spécifiquement l’information entrante.

corne postérieur moelle

II- La Sensibilisation Périphérique ou  Augmentation potentielle de la menace dans les tissus.

La définition est la suivante :

« Réactivité augmentée des neurones nociceptifs en périphérie et diminution de leur seuil d’excitation à la stimulation de leurs champs réceptifs. » Woolf 2011

Cela veut tout simplement dire augmentation du volume : pour un même message d’intensité identique, celui ci sera amplifié dans le temps et dans l’espace.

Plusieurs phénomènes et systèmes peuvent sensibiliser les « clochettes à danger »

  1. La soupe inflammatoire

Lors d’une lésion et/ou une inflammation, les cellules sanguines libèrent une « soupe périphérique » de substances chimiques (histamine, prostaglandine, bardikinine…) interagissant entre elles et sensibilisant les nocicepteurs. Ce processus est responsable de l’hyperalgésie primaire.

soupe infla
SLUKA K. 2009

Exemple d’hyperalgésie primaire : 

Quand vous allez sur la plage et que vous restez longtemps au soleil. Les rayons du soleil stimulent vos nocicepteurs thermiques (si vous ne mettez pas d’écran total) pour vous prévenir de vous protéger. Si vous restez trop longtemps au soleil, votre peau va brûler, c’est le coup de soleil. Du coup pour réparer vos tissus le corps produit une inflammation, celle ci va rendre plus sensible votre peau le temps de la réparation, et donc les stimulus thermiques non douloureux en tant normal, le seront : si vous prennez une douche, l’eau chaude vous redéclenchera la douleur. C’est l’hyperalgésie primaire.

  1. Le reflexe d’axone : La stimulation des nocicepteurs remonte au ganglion dorsal spinal, celui ci peut produire en réponse des neuropeptides (substance P et CGRP) qui sensibilisent en périphéries les nocicepteurs (les clochettes sont resensibilisée par le centre!!)

3.reflexe axone

  1. Le système nerveux sympathique :

4.sympathique

Sensibilisation sympathique

3.1 Activation des nocicepteurs silencieux : par reflexe de la première stimulation nociceptive le système sympathique peut, aider à recruter des neurones non excités directement (neurones silencieux (« S ») ), augmentant l’information nociceptive.

3.2 Le « réflexe sympathique » va aussi en périphérie augmenter la vaso-dilatation et donc l’extravasion de bradykinine (BK) qui a un rôle dans la sensibilisation des nocicepteurs et dans l’inflammation.

Tous ces phénomènes augmentent la taille du champ réceptif de l’information nociceptive initiale (wind-up), quand vous vous piquez, la zone douloureuse s’étend autour de la piqûre:

champ receptif

III- Le message nociceptif atteint la moelle et rencontre le deuxième nocicepteur :

La transmission du message nociceptif entre les deux nerfs se fait dans la corne dorsale de la moelle.

5.Corne post

Les fibres nociceptives (C et Aδ) communiquent avec un deuxième neurone. Celui ci peut être spécifique à la nociception ou non spécifique. C’est le cas des neurones WDR (Wide Dynamic Range, pour neurone à large gamme dynamique) qui reçoivent les informations des fibres Aβ, Aδ et C. Ils sont à l’origine de l’allodynie.

Ce passage de relais est modulée (voir chapitre 1 théorie de la porte) :

  • Le message peut être accentué, par plusieurs facteurs, comme par exemple la facilitation descendante ou bien la sensibilisation centrale ;
  • Le message peut être diminué, entre autre, par l’inhibition descendante, ou l’activité dans les grosses fibres myélinisées.

Il existe plus de 400 neurones controlant le passage de l’information entre le premier neurone et le second neurone.

Sur site il existe des cellules non-neurales (microglie astrocyte) libérant des neurotransmetteurs excitateurs ou inhibiteurs modulant ce passage.

3.1 Modulation endogène excitatrice : Sensibilisation centrale et facilitation descendante

3.1.1 La facilitation descendante s’explique par la libération de cholécystokinine (CCK) ou de monoxyde d’azote (NO) par les neurones descendant à la jonction entre le premier et le deuxième neurone.

Dans ce cas l’information en provenance de la fibre C sera amplifiée par le WDR

6. Faciliatation 

3.1.2 La sensibilisation centrale

La définition officielle de l’ IASP est la suivante : « Réactivité accrue des neurones nociceptifs dans le système nerveux central face à des stimuli normaux ou inferieurs à leur seuil d’activation. »

Je préfère celle de Smart et al 2010 : « Amplification du signal neurologique au niveau du système nerveux central générant une hypersensibilisation », car cette définition reprend l’idée de volume augmenté.

Cela peut se produire par un certain nombre de mécanismes  qui s’expliquent par une plasticité médullaire, s’adaptant aux stimuli afférents, ou à des informations descendantes (facilitation descendante par libération de CCK).

Ces mécanismes variés sont les suivants :

  • Les canaux NDMA et AMPA sont augmentés (figure ci-dessus sur la facilitation);
  • La substance P augmente et est libérée en périphérie et sensibilise la périphérie (diminution des seuils et wind-up, un peu comme dans le réflexe d’axone ci-dessus);
  • Il existe des bourgeonnements (sprouting) entre les différentes couches de la corne postérieure de moelle, ce qui perturbe le traitement de l’information et qui peut stimuler la zone intermédiolatérale (orthosympathique):

corne post moelle sprouting

  • La microglie (en marron dans la figure ci-dessous) active et stimule le second neurones (WDR en orange) en libérant des neurotransmetteurs exitateurs (NO, apsartate, Glutamate, figure ci-dessus)
  • Disinhibition : c’est la mort des neurones inhibiteurs (en vert dans la figure ci-dessous), aussi bien de ceux sur site, que les descendants.

Se centrale new
Baron 2006, à droite corne postérieure de moelle zoomée, en orange le WDR, en marron la microglie, en vert l’inhibition descendante et les cellules inhibitrices, en rouge les fibres C, en bleu les fibres Abeta et Adelta

Cette plasticité modifiée devient un relais actif d’augmentation du signal nociceptif : le seuil d’activation des neurones diminue (il devient plus facilement excitable) et le champ réceptif augmente (la zone de surveillance s’étale).

Elle explique l’allodynie et l’hyperalgésie secondaire (voir image ci-dessous) :

  • Hyperalgésie : Pour un stimulus nociceptif de faible intensité, le cerveau perçoit trop de douleur.
  • Allodynie : Pour un stimulus non nociceptif (la plume), le WDR transmet une information nociceptive qui sera traduit en douleur. Le cerveau confond la plume et le chalumeau.

SE central allodynie hyperalgésieSi la majeure partie de la littérature se concentre sur les changements physiologiques dans la moelle épinière, il a également été démontré des changements de traitement sensoriel supra-spinale avec des augmentations de l’activité cérébrale dans le cortex cingulaire antérieur, l’insula et le cortex préfrontal.

Se centrale cortex

3.2 Modulation endogène inhibitrice

Heureusement la modulation inhibitrice existe. Elle permet de diminuer le signal.

Il y a plusieurs mécanismes pouvant activer cette inhibition.

  • Le gate contrôle (voir chapitre 1) : les fibres de gros calibre (Aβ) sont prioritaires au passage dans la corne postérieure par rapport aux des fibres nociceptives, quand vous vous cognez, si vous frottez la douleur diminue ;theorie-porte-modifiee
  • La modulation conditionnée de la douleur (ancien CIDN) : une stimulation nociceptive peut en inhiber une autre. Cela passe par l’activation de la substance grise périaqueducale (SGPA) et la moelle rostro ventrale, qui stimule les voies serotoninergique et noradrénergique ;

CID

  • L’inhibition descendante : elle provient de contrôle supra corticaux, elle est associée à des phénomènes centraux plus complexes (analgésie placebo, hypnose, focus externe…). Le cortex cingulaire, cortex préfrontal dorsolatéral, l’amygdale, l’insula y participent. Les neurones descendants libèrent des endorphines (GABA …) qui ralentit le passage de l’information nociceptive dans le WDR.

8.Inhibition

Ces libérations de neurotransmetteur inhibiteur sont 18 à 33 fois plus efficaces que les drogues de synthèses : gratuit, sans ordonnance et sans effet secondaire (Loh et al 1976).

ET LA DOULEUR ?

C’est un mélange subtile de nociception, sensibilisation (périphérique/centrale) facilitation, inhibition, dishinibition, et surtout d’un CODAGE PRÉDICTIF CORTICAL*  de l’information nociceptive et non-nociceptive (Iannetti et Moureaux 2010).

C’est le système d’alarme tout entier.

Ben Cormack donne cette métaphore, la nociception, c’est le voyant qui s’allume quand vous n’avez plus d’essence, il vous informe du danger de la panne d’essence.

Le niveau de douleur est similiare à la réaction que vous allez avoir face à ce voyant allumé :

  • Certains d’entre vous vont se dire, ce n’est pas grave, et le voyant vous n’y ferez pas attention, mais vous aller gérer le fait de trouver une station pour refaire le plein ;
  • D’autre, en fonction de leur stress actuel, de leur expérience passée (si vous êtes déjà tombé en panne), de l’endroit paumé dans lequel vous êtes sans station essence, vous allez réagir et ne porter votre attention que sur le voyant (hypervigilence, catastrophisation).
  • Et certains ne verront même pas le voyant (ceux qui continuent malgré la douleur) et tomberont en panne.

Lorimer Moseley donne une définition différente de celle de l’IASP :

« La douleur une expérience émergente consciente qui sert à susciter une réponse comportementale de protection vis à vis de tous les éléments de preuve plausible de menace. »

Lorsqu’on a mal, cela signifie que le corps a répondu plusieurs questions : quelle est la meilleure situation que je puisse de te proposer pour que tu agisses de façon cohérente en ce moment ?

Avant de répondre à cette question, le cerveau a scanné auparavant tous les systèmes du corps (immunitaire, endocrinien, cardiaque, digestif, autonome…) et les a déjà sollicité pour essayer de nous donner les meilleures options possibles.

Quand il estime qu’il faut faire quelque chose de plus, il nous envoie le signal la douleur. Ce système de codage prédictif est expliqué par les mathématiciens et les neuropsychologues (Friston 2012) qui ont défini le modèle du cerveau bayesien.

Le cerveau fait des maths, des probabilités inversées plus exactement (on appelle cela des inférences) : en fonction de toutes les informations qu’il reçoit de tous les systèmes, ils les échantillone dans la moelle, puis les scrute, les processe, les code et enfin il nous donne la perception de ce qu’il estime être le choix le plus approprié dans notre situation (M. Thacker parle de « Best Guess »)

Notre perception (de la douleur entre autre) n’est qu’une illusion d’un codage d’informations en provenance de notre environnement et de tout notre corps. Les meilleurs exemples de perceptions sont les illusions optiques. Ma préférée est la suivante (Anderson B. et Winawer Nature 2005)  :

9. illusion 1

Sur cette image on distingue clairement les pièces d’échecs blanches en haut et noir au dessous.

Sauf que si on modifie le fond sur lequel les pièces d’échecs sont posées voici ce que cela donne :

10.illusion 2

Ce sont exactement les mêmes pièces !!! Et même en le sachant maintenant, vous pouvez regarder l’image précédente vous serez incapables de voir que ces pièces sont les mêmes, votre perception vous donne des pièces blanches en haut et noirs en bas.

Les entrées visuelles de luminosité sont intégrées et codées, votre perception ne reflète absolument pas la mesure de la luminosité. Pour la douleur c’est la même chose, elle ne reflète pas de la mesure des dégats de votre organisme, ni même de combien de nocicepteurs sont impliqués.

Ce calcul mathématique fonctionnel que fait nos neurones, a été modélisé par S. Dehaene le définissant comme l’espace de travail neuronal global :

11. space Neuronal

Pour l’expérience consciente de la douleur, L.Moseley a simplifié cet embrasement de la neuromatrice (voir chapitre précédent), et l’a appelé Neurotag. Quand ce schéma s’allume dans le cerveau, il PRODUIT une expérience de douleur :

DOuleur

Gifford avait 10 ans d’avance et avait déjà proposé ce modèle de codage prédictif dans son Modèle de l’organisme mature (schéma ci-dessous traduit modifié et adapté de Gifford 1998 puis Puentedura et Louw 2012 ) :

13 Gilford modifié

Le système nerveux centrale analyse tous les signaux minutieusement :

Expériences passées : qu’est ce qui s’est passé en rapport au contexte de cette douleur auparavant (je suis resté bloqué 3 semaines  la dernière fois ?)

L’état émotionnel : l’anxiété, la peur de la douleur, la dépression…

Notre comportement : l’attention constante sur la douleur, la colère qu’elle génère, l’évitement du mouvement, la peur de bouger…

Nos croyances négatives :  » je suis asymétrique, dans ma famille c’est génétique , j’ai de l’arthrose c’est sans issue et cela ne fera que s’agraver, mon dos est fragile, je risque d’être paralysé « . Ces fausses idées nous laissent supposer que notre corps est fragile et que c’est une fatalité.

Nos expériences passées : « j’ai déjà eu mal au dos et la dernière fois c’était terrible, je ne veux pas revivre cela… »…

Notre environnement, notre état de fatigue, notre état de santé, notre sommeil, nos connaissances, notre culture, la représentation somatotopique corticale du Soi, le contrôle moteur (adaptatif et maladaptatif), les comportements bénéfiques passés dans des situations identiques observées chez nous ou chez les autres…

La production et la perception de DOULEUR nous permet de modifier notre comportement et notre physiologie.

C’est comme cela que des informations nociceptives, ne produiront pas forcément de douleur. Elles sont codées comme informations non importantes et le cerveau nous produit une perception de non douleur (Voir l’exemple de Betany Hilton la surfeuse dans l’artile précédent). Le meilleur choix pour Betany était de survivre, pas d’avoir mal.

A l’inverse des informations non-nociceptives pourront êtres codées et le cerveau nous produira la perception de douleur car il aura calculé que notre corps doit faire quelque chose pour changer la situation estimée comme dangereuse (l’exemple de l’ouvrier qui tombe sur le clou). Le meilleur choix est d’avoir mal (le clou dans la chaussure, lui dit d’aller tout de suite aux urgences).

Quels sont les messages clés de toutes ces informations dans notre pratique :

  • La nociception et la douleur sont deux phénomènes physiologiques différents, ils interagissent mais peuvent se produirent indépendamment :
      • La construction de l’expérience de la douleur (neurotag) repose sur de nombreux signaux sensoriels provenant pas uniquement des tissus (contexte, mémoire, raisonnement, émotion,vue, ouie, odorat,croyance..);
      • Cela fait mal quand le cerveau a décidé de quand et de où il considère qu’il y existe un problème, et pas nécessairement d’où vient vraiment le problème;
  • Quand un patient a mal, essayez de prendre en compte tous les signaux qui ont pu modifier ce codage prédictif (terrain, fatigue, sommeil, facteurs psycho-sociaux…), et qui expliquent l’entretien de sa douleur.
  • Nous avons une boite à pharmacie dans le corps qui module le système d’alarme, donc essayez d’utiliser les stratégies qui vont désensibiliser le patient :
    • en augmentant l’inhibition descendante
    • en diminuant la facilitation descendante
  • Banissez de votre discours  : douleur = lésion, blocage, dysfonction, asymétrie, déséquilibre, ils activent la facilitation descendante et la sensibilisation centrale !!!

Maintenant si vous souhaitez aller plus loin dans les neurosciences de la douleur un elearning d’une dizaine d’heure de cours est aussi disponible ici en Français

*Si il était impossible de ne pas parler du codage prédictif et du cerveau bayesien pour la douleur, un post spécial plus complet lui sera dédié plus tard.

REFERENCES (soulignées en gras les plus importantes):

  • Baron R. Mechanisms of Disease: neuropathic pain—a clinical perspective. Nature Clinical Practice 2006;2(2): 95-106
  • BUTLER, D. S., & Moseley. (2003). Explain pain. Adelaide: Noigroup Publications
  • GIFFORD L. Pain, the tissues and the nervous system : a conceptual model. Physiotherapy. 1998. 84(1):27-36.
  • Iannetti et Moureau. From the neuromatrix to the pain matrix (and back) Exp Brain Res 2010;205:1–12
  • Latremoliere A. Woolf C . Central Sensitization: A Generator of Pain Hypersensitivity by Central Neural Plasticity. The Journal of Pain 2009 ; 10(9): 895-926
  • Loh et al. Beta endorphin is a potent analgesic. Pro. Sci. Nat 1976. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC430793/
  • Ru-Rong Ji, Alexander Chamessian, Yu-Qiu Zhang Pain regulation by non-neuronal cells and inflammation Science04 Nov 2016 : 572-577
  • SLUKA K.A.,(2009). Mechanism and Managment of Pain for the Physical Therapist. IASP Press.
  • Smart KM, Blake C, Staines A, Doody C., 2010.Clinical indicators of ‘nociceptive’, ‘peripheral neuropathic’ and ‘central’ mechanisms of musculoskeletal pain. A Delphi survey of expert clinicians. Man Ther, 15, 80-87.
  • Woolf CJ. Central sensitization: Implications for the diagnosis and treatment of pain. PAIN.  152 (2011) S2–S15

Le FEU bio-psycho-social de la douleur et son COUVERCLE

Un schéma métaphorique de compréhension de la douleur et un outil de neurosciences.

Les études épidémiologiques montrent que la biomécanique, l’anatomie, les anomalies tissulaires ne sont pas des facteurs prédictifs de la douleur, ils sont peu ou pas associés à la douleur:

  • Les discopathies, déchirures annulaires et arthrose facettaires ne sont pas prédictifs de lombalgie (McCullough 2012 ; Brinjinkji et al 2015, Nakashima 2015) ;
  • Par exemple, sur une population définie, les hernies discales sont associées à un risque 2 fois moins important d’apparition de lombalgie (Jarvik 2005) !!!
  • La posture n’est pas associée à la douleur et n’en est pas un facteur prédictif d’apparition : que ce soient aussi bien les asymétries posturales rachidiennes (thoracique, lombaire) (Lederman 2010) ou la forme des courbures vertébrales (Christensen et Hartvigsen 2008) ;
  • La posture assise (Richard 2016) ni même encore le fait de rester longtemps assis au quotidien (Roffey 2010, Chen 2009) ne sont des facteurs de risques d’apparition de douleur ;
  • La souplesse musculaire des ischio-jambiers et/ou du psoas n’a pas de relation avec les douleurs lombaires (Hellsing 1988)
  • Et bien d’autres facteurs structurels comme : la position du bassin, la différence de longueur de jambes, l’hyperlordose ne sont pas associées aux douleurs lombaires ( Nourbakhsh et Arab 2002)

Ce sont nos facteurs constituants et même s’ils peuvent parfois être des facteurs de risques (MacAullife et al 2016, Brinjinkji et al 2016) , ils sont insuffisants pour être responsables de la douleur. On peut les voir comme le petit bois d’allumage, qui est nécessaire mais pas suffisant pour allumer un feu (métaphore empruntée à Greg Lehman).

En revanche, la littérature scientifique nous montre que la fatigue, le manque de sommeil, la surcharge psychique (Auvinen 2010, Jarvik et al 2005, Paanalahti 2016), sont des facteurs prédictifs d’apparition de la douleur. Ils représentent l’allumette qui allume le feu et qui déclenche la douleur.

Les croyances négatives, la peur-évitement du mouvement, la thérapie manipulative passive, sont des facteurs d’entretien et de passage à la chronicité (Kendall 1998, Ramond Roquin 2015, Wertli et al 2014)

Rapporté au modèle Bio-Psycho-Social de la douleur (Loeser, Turk, Moseley) :

  • Les différentes flammes sont les composantes de la douleur : (incluant nociception, croyances, attitudes environnement social etc..)
  • On alimente ces flammes en soufflant dessus de différentes façons (schéma ci-dessous)

feubps2017

Ce schéma peut être un outil utile à différents niveaux :

D’abord pour les patients. Quand une douleur apparaît, cela leur permet d’identifier dans quel contexte la douleur est apparue:

  • En période de fatigue (en ce moment je travaille trop, je n’ai pas eu de vacances)
  • Y a t-il eu un manque de sommeil récemment (je n’ai pas beaucoup, ni bien dormi ces derniers temps)
  • Une surcharge physique (j’ai repris le footing en courant 2 heures d’un coup alors que d’habitude je n’ai pas l’habitude de faire autant de sport)
  • Une surcharge psychique (y a-t-il eu un contexte plus difficile de stress psychique récemment)

Tous ces contextes sont des facteurs de sensibilisation du système nerveux qui peuvent allumer l’alarme en déclenchant le feu de la douleur. Dans ces cas là il ne sert à rien d’essayer d’identifier une défaillance mécanique (bassin bloqué, décalé etc..) mais essayer de voir sur quel contexte je vais pouvoir agir.

Le thérapeute manuel pourra vous aider à mettre un COUVERCLE (image ci dessous) sur le feu :

  • Il donnera du sens à votre douleur en vous donnant des outils pour comprendre votre douleur (la douleur n’est pas synonyme de blessure ou de blocage) et vous faire sentir ce qu’il se passe dans votre corps;
  • En fonction de votre condition il vous permettra de gérer au mieux cette situation en vous donnant les meilleures options de mouvement adapté et cohérent avec vos sensations ;
  • Son action manipulative vous permettra de changer votre perception corporelle : diminution de la douleur, de la raideur, et augmentation de l’amplitude de mouvement, afin d’optimiser le temps de votre récupération.

couverclecorrigebps

Pour les thérapeutes manuels ce schéma peut aussi être utile :

  • Pour comprendre le contexte et comprendre avec le patient l’apparition du symptôme : laissez le raconter son histoire afin de saisir quels sont les facteurs psycho-sociaux qui ont pu participer à l’apparition de son symptôme ;
  • Pour comprendre le degré de sensibilisation du signal d’alarme avec toutes ces composantes ;
  • Pour évaluer le « petit bois » et avoir une notion du terrain du patient ;
  • Pour mettre un couvercle sur le feu par un choix de technique et une stratégie thérapeutique adaptée : éducations aux neurosciences ( gestion des croyances : la douleur est une alarme que l’on peut moduler), mise en exposition progressive, utilisation de focus externes ou internes, autoperception corporelle, offrir des options et non des corrections etc..
  • Et surtout ne pas souffler dessus avec des mots alarmistes, des croyances limitantes ou des pensées virales : changer vos mots et vous changerez leurs maux !!

 Si vous souhaitez aller plus loin dans les neurosciences de la douleur un elearning d’une dizaine d’heure de cours est aussi disponible ici en Français

Références :

Auvinen . Is insufficient quantity and quality of sleep a risk factor for neck, shoulder and low back pain? A longitudinal study among adolescents. Eur Spine J (2010) 19:641–649

Brinjkji et al. Systematic Literature Review of Imaging Features of Spinal Degeneration in Asymptomatic Populations. Am JNR 2015. http://dx.doi.org/10.3174/ajnr.A4173

Christensen ST, Hartvigsen J 2008. Spinal curves and health: a systematic critical review of the epidemiological litera- ture dealing with associations between sagittal spinal curves and health. J Manipulative Physiol Ther, 31(9):690 –714.

Hellsing AL 1988c. Tightness of hamstring- and psoas major muscles. A prospective study of back pain in young men during their military service. Ups J Med Sci, 93(3):267– 276.

Jarvik JG, Hollingworth W, Heagerty PJ, et al. Three-year incidence of low back pain in an initially asymptomatic cohort: clinical and imaging risk factors. Spine 2005;30:1541– 48; discussion 1549

Kendall N.A.S, Linton S.J., et al. (1998) Psychosocial Yellow Flags for acute low back pain: ‘Yellow Flags’; as an analogue to ‘Red Flags’; Europ. Journ. of Pain 2(1):87-89

Loeser, J. (1982) Concepts of pain. In Stanton-Hicks, M. & Boas, R. (Eds), Chronic Low-back Pain (pp 145-148). New York : Raven Press

Mc Auliffe et al. Can ultrasound imaging predict the development of Achilles and patellar tendinopathy? A systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med. 2016 Dec;50(24):1516-1523

McCullough et al Radiology: Volume 262: Number 3—March 2012 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3285226/

Nourbakhsh et Arab. Relationship Between Mechanical Factors and Incidence of Low Back Pain . J Orthop Sports Phys Ther 2002;32:447–460.

Paanalahti, K., Wertli, M.M., Held, U. et al. . Spinal pain—good sleep matters: a secondary analysis of a randomized controlled trial . Eur Spine J (2016) 25: 760.

Ramond-Roquin A, Bouton C, Bègue C, Petit A, Roquelaure Y and Huez J-F . Psychosocial risk factors, interventions, and comorbidity in patients with non-specific low back pain in primary care: need for comprehensive and patient-centered care. Front. Med. 2015 ; 2:73.

Richards KV, Beales DJ, Smith AJ, O’Sullivan PB, Straker LM. Neck Posture Clusters and Their Association With Biopsychosocial Factors and Neck Pain in Australian Adolescents. Phys Ther. 2016 Oct;96(10):1576-1587.

Roffey DM, Wai EK, Bishop P, Kwon BK, Dagenais S. Causal assessment of occupational sitting and low back pain: results of a systematic review. Spine J. 2010 Mar;10(3):252-61.

Turk, DC & Flor, H. (1999) Chronic Pain: a behavioural perspective. In Gatchel, RJ. & Turk, DC. (Eds). Psychosocial Factors in Pain: Critical Perspective (p18-34). New York: Guilford Press

Wertli, MM. et al. The role of fear avoidance beliefs as a prognostic factor for outcome in patients with non specific low back pain: a systematic review. Spine J. 2014;14(5):816-36.

« La douleur n’est ni synonyme de lésion tissulaire, ni de nociception »

clou-joueCette affirmation semble si simple, mais est trop souvent oubliée en pratique au cabinet quand nous gérons la douleur d’un patient.

Ce n’est pas de notre faute, car nous avons appris la neurophysiologie de la douleur (pour ceux qui s’en souviennent) avec les termes suivants, qui sont érronés :

  • Les nocicepteurs sont des récepteurs à la douleur, et c’est faux ;
  • Les voies nociceptives , sont les voies de la douleur et c’est encore faux ;
  • Le stimulus douloureux déclenche un signal douloureux et se transmet par un message de douleur, et c’est toujours faux.

Il est donc très logique, devant un symptôme douloureux de chercher à comprendre : quels sont les messages douloureux et les récepteurs ou les voies de la douleur impliqués dans cette douleur.

A force d’entretenir cette démarche, nous nous focalisons sur la douleur et nous rappelons au patient qu’il a mal, et qu’il faut trouver la cause de cette douleur pour la traiter.

Et à force de chercher une possible cause, on trouve, ou on croit trouver, ou mieux encore, on invente une cause ; qu’elle soit anatomique, biomécanique, posturale ou autre (dysfonction somatique, blocage, subluxation, lésion primaire ou déséquilibre fluidique/énergétique pour les plus inventifs…).

C’est tout a fait conforme au modèle biomédical de la douleur.

Rappelez vous (voir chapitre 1) que ce modèle n’est pas forcément le plus approprié pour prendre en charge une douleur qui n’est pas d’origine pathologique et/ou traumatique.

Avant de nous attaquer à la physiologie de la nociception et de la douleur (chapitre suivant) voici quelques exemples de lésions/nociception sans douleur ou de douleur sans lésion/nociception :

Lésions sans douleur:

Vous êtes vous déjà rendu compte de manière fortuite d’une echymose sur une partie de votre corps sans vous souvenir de vous être cogné ou blessé ? C’est une lésion des capillaires et des veines, et pourtant celle ci n’a pas forcément déclenché de douleur.

D’autres témoignages sont plus frappant . Plusieurs soldats ont rapporté ne pas avoir senti s’être fait touché par des balles sur le champ de bataille (Butler et Moseley, Explain Pain).

Le témoignage de Ronald Reagan sur son expérience de douleur lors de la tentative d’assasinat est identique, il raconte qu’il n’a pas senti la balle lui traverser les poumons, mais a senti la douleur sur sa cage thoracique uniquement au moment où son garde du corps s’est jeté sur lui pour le protéger. Il s’est même dit sur le moment que celui-ci avait du lui casser quelques côtes. La douleur s’est intensifiée à la vue du sang sur sa chemise.

betany

Certains surfeurs ont le même type de témoignage. C’est le cas de Betany Hamilton, adolescente à l’époque, qui s’est fait arracher le bras par un requin tigre : « j’étais juste sous le choc et je n’ai ressenti aucune douleur. Heureusement car les choses ne se seraient pas passées aussi bien si j’avais eu mal »

Je vous invite à lire le livre d’Aron Ralston qui raconte comment il s’est coupé le bras pour sortir du ravin dans lequel il était piégé, pour comprendre combien la douleur n’est pas forcément proportionelle au dommage tissulaire.

Maintenant si l’on sort de simples témoignages et que l’on étudie des populations asymptomatiques (donc sans douleur) on se rend compte qu’à différents endroits du corps, on trouve des images radiologiques témoignants de « lésions » :

  • Sur une population de hockeyeurs professionnels asymptomatiques 54 % présentent des déchirures de labrum (Sylvis et al 2010, http://ajs.sagepub.com/content/39/4/715). Cette étude a été poursuivie et les auteurs concluent que ces pathologies ne produisent pas de symptômes ni perte de performances sur une période de 4 ans chez la plupart des joueurs. Gallo et al 2014 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24996873
  • Sur une population asymptomatique (20 à 68 ans), 61 % des patients montrent des anormalités (ménisque, ostéophyte, arthrose) sur au moins 3 des 4 articulations du genou (Beattie et al 2005 : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15727883)
  • L’étude de Guermazi et al 2012 montre qu’il n’y a pas de différence statistiquement significative des anomalies trouvées à l’IRM entre les personnes présentant des douleurs de genoux et les personnes asymptomatiques (dans son étude on peut même constater que les personnes asymptomatiques présentent plus de lésions méniscales que les personnes douloureuses !!)guermazi-2012Prévalence des anomalies dans les genoux détectées par IRM chez les adultes sans arthrose du genou
  • Sur une population d’athlètes professionnels lanceurs (baseball et tennis), 40% présentent une déchirure partielle ou totale de coiffe sur l’épaule dominante, toutes les épaules non dominantes étant saine. Sur cette étude de cohorte prospective sur 5 ans, aucun athlètes ne présentera ni de douleur ni de symptômes problématiques sur l’épaule. Connor et al 2003 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12975193
  • Plusieurs autres études montrent que sur 1109 patients asymptomatiques, les ruptures de coiffent varient entre 11 et 68% (Teunis et al 2104) http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25441568
  • La revue de Brinjikji et al 2014 (http://dx.doi.org/10.3174/ajnr.A4173), a beaucoup fait parler d’elle. En effet sur 3110 sujets asymptomatiques et classés par catégorie d’âge, à 40 ans 50 % de la population présente une hernie discale, et à 70 ans c’est 80% de la population !!brinjiki2014

Incidence des dégénérescences rachidiennes sur une population asymptomatique

Au delà du fait que nous pourrions présupposer (comme ce que suggèrent les auteurs des différentes études) que ces images radiologiques ne sont que le résultat d’un processus évolutif de vieillissement naturel du corps (Greg Lehman parle de « rides » des articulations, O’Sullivan de « cheveux blancs ») , il n’en demeure pas moins que les hernies discales, les ruptures de coiffe ou les déchirures de labrum sont bien des « lésions », qui peuvent ne pas être douloureuses du tout.

Douleur sans lésion ni nociception :

Exemple d’amplification somatique :

botte-clou

Fisher et al 1995 (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2908292 ), rapporte dans le British Medical Journal le cas d’un ouvrier qui tomba sur un clou de 15 cm  transperçant sa botte au niveau de l’avant pied. L’homme était tellement à l’agonie qu’il a du être sédaté en salle d’urgence. Quand la botte a été coupée il s’est avéré que le clou était passé entre les orteils !! La douleur était provoquée uniquement par une perception erronée du danger.

L’allodynie en est un autre exemple : sans dommage tissulaire, un stimulus non nociceptif redéclenche de la douleur : en plus simple, le système nerveux confond la stimulation d’une plume à celle d’un chalumeau.

On retrouve ces signes cliniques dans certaines douleurs chroniques. Dans le cas des douleurs chroniques, il n’y a souvent aucun dommage tissulaire ou déficience anatomique présents (Van Wilgen et Keizer 2012 : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22341140).

L’algo-hallucinose (douleur fantôme) est aussi un cas de douleur sans nociception : les personnes décrivent des perceptions douloureuses sur des membres amputés.

En pratique au cabinet ?

Gardez toujours à l’esprit que la quantité de douleur dont le patient fait l’expérience n’est pas forcément proportionnelle aux dommages tissulaires, elle est proportionnelle au niveau de danger perçu par le cerveau.

Dans le cas de l’ouvrier tombé de l’échelle, c’est plutot clair : les processus centraux du système limbique ont suffit à eux seuls à générer cette douleur.

Dans le cas de la jeune surfeuse, le cerveau a préféré lui sauver la vie, plutôt que de lui signaler le danger de son bras arraché.

Dans le cas des douleurs chroniques, les facteurs psycho-sociaux peuvent être des sources de dangers potentiels qui augmentent et maintiennent cette douleur .

Par exemple une douleur d’entorse qui dure après le temps de guérison des tissus peut s’expliquer par plusieurs facteurs :

  • Comment le patient a géré sa guérison, a-t-il forcé sur sa blessure ?
  • A-t-il utilisé des comportements d’évitement par peur de se blesser ?
  • L’environnement et le contexte étaient ils peu propice à la diminution du système d’alarme (sommeil, fatigue, stress) ?

Une fois le danger maintenu dans le temps la neuromatrice (voir chapitre 1) prend le relais, et peut engendrer des associations (loi de Hebb : les neurones se déclenchant ensemble finissent par se connecter, par exemple mouvement=douleur) ou des systèmes de protection neuro-musculaire maladaptatifs au mouvement, qui se mettent en place pour protéger d’un faux danger.

Dans ce cas de « douleur d’origine centrale » (voir chapitre suivant), la stratégie thérapeuthique devra se concentrer d’avantage sur la désensibilisation du système nerveux (éducation aux neurosciences du patient, identification des facteurs psychosociaux et mise en exposition progressive etc…) que sur de la thérapie manuelle passive (manipulation, massage, écoute tissulaire…).

Au programme du prochain billet : Nociception, Sensibilisation Périphérique et Centrale , Modulation et Douleur.

Si vous souhaitez aller plus loin dans les neurosciences de la douleur un elearning d’une dizaine d’heure de cours est aussi disponible ici en Français

Conseils de lecture : 

Explain Pain de D. Butler et L.Moseley

Painfull Yarns, Lorimer Moseley

A guide to better movement, Todd Hargrove