5 conseils pour améliorer votre prise en charge des neuropathies grâce aux neurosciences

Comme promis, je commence les résumés commentés de certains articles choisis. Le premier article du « Book Club 2018 » est celui de l’équipe d’Annina Schmid.

Article intro

J’ai choisi cet article car j’aime bien la synchronicité des évènements : Philip Moulaert , ancien assistant et ami de Bob Elvey, m’a passé le flambeau cette année pour les séminaires en France d’approche neurodynamique. Et le premier séminaire que j’organise commence en Mars de cette année, avec un elearning en neurosciences inclus disponible en ligne au mois de février.

Cet article, tout frais de ce mois-ci, tombe à pic car il reprend tous les points abordés de l’approche neurodynamique léguée par Bob Elvey, que nous aborderons.

Au travers le résumé de celui ci, je vous donne 5 conseils pour approcher les douleurs irradiantes avec ou sans neuropathies un peu différemment des approches classiques.

Avant de résumer cet article, je précise que je suis fan des travaux d’A. Schmid, non seulement car elle publie dans mon champ d’expertise clinique et de recherche (les douleurs neuropathiques et neurogéniques) et j’avoue que ces travaux confirment souvent mes biais, j’ai d’ailleurs suivi ses formations avec l’agence epb.

Pour cette raison, j’invite les experts en neurodynamique à lire l’article en entier, d’abord car il est complet et surtout pour aussi se faire leur propre opinion.

Cet article aborde la prise en charge des atteintes neuropathiques par compression  :

Notre approche diagnostique et thérapeutique souvent empirique, s’est construite sur une vision biomédicale et biomécanique de la douleur des nerfs. Cet article challenge certaines croyances actuelles avec les données des neurosciences cliniques.

Point numéro 1 : La distibution de la douleur en dehors des dermatomes ou des territoires sensitifs doit être considérée comme la norme et non comme l’exception, elle ne peut pas exclure l’absence d’une neuropathie.

Il est démontré par plusieurs travaux que les symptômes de douleur neuropathique ne suivent pas toujours des trajets précis en suivants soit un schéma électrique de racine nerveuse ou encore sur un dermatome précis. Plusieurs raisons à cela  :

  • L’atteinte d’un nerf entraine une réponse neuroinflammatoire à plusieurs endroits du système nerveux (le ganglion de la racine dorsale réagit, mais aussi cellules gliales de la corne postérieure de la moelle)
  • La variabilité de chevauchements des territoires nerveux et le fait que d’autres structures plus profondes puissent êtres impliquées (sclérotomes, myotomes, dynatomes…)
  • Ces mécanismes neurophysiologiques expliquent pourquoi les symptômes peuvent non seulement se diffuser à plusieurs endroit d’un membre sous la même dépendance d’une racine. Annina donne l’exemple dans son séminaire d’un syndrôme du canal tarsien qui comprime le nerf tibial peut créer une neuroinflammation du ganglion de la racine dorsale L4 qui elle même se distribue dans plusieurs nerfs (fibulaire, saphène etc…) et peut donner des douleurs radiculaires projetées dans d’autres territoires que celui du nerf tibial !!
  • D’autre part la neuroinflammation médullaire peut atteindre l’autre côté

Et dans ce sens , on comprend pourquoi 2/3 des patients présentant un syndrome du canal carpien ne suivent pas le schéma classique et décrivent des symptômes en dehors de ces territoires (Calliendro et al 2006, Murphy et al 2009) et de temps en temps, sur la main controlatérale à la compression.

NDLA 1 : De la même façon dans une ancienne étude (Slipman 1998)  chez des patients présentants des névralgies cervicobrachiales devant bénéficier d’une infiltration sous contrôle radiologique, une stimulation mécanique de chaque racine  rapportait des douleurs ne correspondant pas au dermatomes (ils ont appelés cela dynatomes).

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La figure ci-dessus (traduite et résumée de Slipman 1998) représente les endroits des douleurs rapportées suite à la stimulation mécanique des nerfs spinaux inflammés. L’hémi-corps gauche représente la face antérieure, le gauche la face postérieure

NDLA 2 : Dans une une étude similaire plus récente (Furman et al 2019) chez des patients présentant des douleurs radiculaire lombosacrées,  devant bénéficier d’infiltration épidurales transforaminales, ont été enregistré à plusieurs moment de l’infiltration les douleurs rapportées par les patients. Au membre inférieur les dynatomes ne correspondent pas aux dermatomes, et un certain nombre de racines inflammées étaient asymptomatiques.

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La figure ci-dessus (traduite et résumée de Furman et al 2018) représente les endroits des douleurs rapportées durant les différents moments de la procédure d’infiltration  des nerfs spinaux inflammés.

CONSEIL N°1 : Soyez vigilant , ce n’est pas parce qu’un trajet ne suit pas un dermatome précis ni un territoire précis que l’on peut écarter une neuropathie par compression ou par sténose. Un examen neurologique standard avec les tests de provocation de douleur doit être exécutés devant toute douleur irradiante ou tout symptôme neurologique.

Point numéro 2 : L’examen neurologique standard doit inclure une analyse des fibres de petits calibres (fibres Aδ et C), autrement dit, il est insuffisant d’appuyer son examen neurologique sur les l’analyse des grosses fibres (Aα ou A β)

Jusqu’à présent l’EMG, la prise de réflexe, et la sensibilité épicritique sont considérés comme le gold standard de l’examen neurologique standard. Pour autant 25 % des patients atteints de neuropathies (par exemple Syndrôme du Canal Carpien) ne présentent aucun signes à ces examens.

En fait ces examens n’intéressent que 20% des fibres qui constituent un nerf périphérique (Aα ou A β).

Les études récentes montrent que si les grosses fibres se démyelinisent, elle restent souvent intactes lors d’une neuropathie débutante (Schmid 2013) alors que les petites fibres sont atteitnes très rapidements : les travaux d’A . Schmid (Schmid et al 2014) démontrent qu’une atteinte des une des fibres de petits calibres (mesurée par la perte à la biopsie sous cutanée et par le seuil de détection thermique altéré) sont précurseurs de l’atteintes des grosses fibres.

Pour investiguer les fibres Aδ et C, en clinique, il faut un  Quantitative Sensory Testing (pour les seuils thermiques) et le pinprick.

CONSEIL N°2 : Si le QST coûte un bras, on peut très facilement ajouter à l’examen un cluster valide et peu couteux incluant le pinprick (neuropen ou roulette de wartenberg) et des pièces chaudes/froides pour les seuils de T°C (ou un Tip-Therm).

Points numéro 3 : La valeur et les pièges des tests neurodynamiques

Les tests neurodynamiques ont été introduit historiquement par Robert Elvey, puis ont suivi Butler et Schaclock.

Ceux-ci ont suggérés au début, que ces tests étaient des tests diagnostiquant un désordre neural du à une tension anormale du nerf. Ils en ont concluent que c’étaitent des tests de mise en tension neural. En dépit d’études existantes certains ont continué à véhiculer la notion et le nom de tests de tension neural.

NDLA 3 : Pour plus d’explications sur l’histoire de cette approche voir la note de bas de page en italique *

Depuis la nomenclature a évolué et on parle de test de provocation neural (et non de tension) ou de tests neurodynamiques, malheureusment la nomenclature n’est pas uniformisée et laisse des confusions dans le monde médical.

L’auteur précise donc que ce sont uniquement des tests de mécanosensitivité.

Et même si ils ont fait l’objet d’étude de validité :

  • La reproduction des symptômes et la différentiation de l’atteinte structurelle doit être bien différenciée pour avoir un test positif (Nee et al 2012)
  • Leur performance clinique est mis en doute sur le diagnostic des neuropathies,
  • A eux seuls ils ne suffisent pas pour poser un diagnostic de neuropathie (car ils ne test pas la fonction nerveuse) (Baselgsia 2017)
  • Les tests neurodynamiques négatifs n’excluent pas la neuropathie (il existent plusieurs études montrant un nombre importants de faux négatifs)
  • Mais surtout ils doivent être pris en compte dans un examen complet avec des mouvements actifs qui mettent en évidence la protection du tissu neural (Hall et Elvey 1999)

A. Schmid distingue bien les douleurs neuropathiques de la mécanosensitivité : de nombreuses études montrent une présence de mécanosensitivié sans lésion nerveuse.

NDLA 4 : On revient ici à la vieille définition de l’IASP qui distinguait les termes de douleur neurogénique (mécanosensitivité) et douleur neuropathiques (lésion ou maladie du nerf).

Et donc elle classe la sensibilisation nerveuse périphérique (mécanosensitivité) comme une douleur nociceptive véhiculée par les nervi nervorum.

Ceci étant on peut aussi avoir de la mécanosensitivité lors d’une douleur neuropathique (mécanosensitivité axonale).

NDLA 5 : Les études sur la mécanosensitivité (Dilley et Bove 2008) on été fait au début sur de la mécanosensitivité axonale, et précisent que l’on fait pas la différence entre mécanosensivité axonale et celle véhiculée par les nervi nervorum. Le diagnostic de douleur neuropathique se dépiste grâce à certains questionnaires comme le DN4 ou le PDQ.

CONSEIL N° 3 :  4 points importants à retenir

  • Les tests neurodynamiques testent uniquement la mécanosensitivité, utilisez les dans ce sens ;
  • Ce n’est pas parce qu’ils sont négatifs que l’on peut écarter une neuropathie, l’examen neurologique complet permet de le dire;
  • Les signes de mécanosensitivité ne veulent pas dire qu’il y a forcément une douleur neuropathique (l’algorithme de Shafer et al 2009 en fin d’article permet de mieux orienter son diagnostic).
  • En cas de neuropathie sévère ces tests peuvent être négatifs (car disparition de leur petites fibres nociceptives) !!!

 

Point numéro 4 : L’approche de traitement neurodynamique va bien au-delà d’une vision biomécanique du tissu neural

Plusieurs revues systématiques ont démontrées le bénéfice et l’efficacité de l’approche neurodynamique dans le traitement des névralgies cervicobrachiales ou des lombosciatalgies (Basson et al 2017)

L’approche thérapeutique s’est construite essentiellement sur des principes biomécaniques.

En effet plusieures études cadavériques et in vivo, semblent montrer que certaines techniques neurodynamiques, en particulier les techniques de « glissement » (sliding), permettent d’améliorer la course longitudinale du nerf par rapport à ses interfaces anatomiques.

Ces effets seraient intéressants notemment dans la prise en charge du Syndrôme du Canal Carpien dans lequel on constate une diminution de l’excursion du nerf médian au cours de sa course.

Ceci-étant, ce gain de course longitudinale n’a pas été observé sur d’autres nerfs. Et à la suite de certaines chirurgies de canal carpiens sévères, l’excursion du nerf n’est pas amélioré alors que les symptômes s’estompent.

Les derniers travaux en neurosciences suggèrent que les effets de la thérapie neurodynamique ont des effets immédiats d’hypoalgésie (Beltran 2015, Beneciuk 2009), et de dispersion de l’œdème endoneural (Gilbert et al 2015, Brown 2011) chez l’être humain. Certaines études animales montrent des effets anti-inflammatoire à distance du site de la lésion (ganglion de la racine dorsale et système nerveux central). La stimulation probable des opioïdes endogènes doit faciliter aussi la réparation nerveuse.

CONSEILS n° 4 : Envisager l’action de votre traitement neuro dynamique avec un prisme neurobiologique et non biomécanique : « diminution de la sensibilité du système nerveux, amélioration de sa fonction et du  temps de sa réparation ».

Accordez votre accompagnement et votre discours au patient dans cet optique : « votre nerf va guérir, il a eu un gros coup de soleil (si c’est mécanosensitif), nous allons le faire glisser pour l’aider à avoir moins mal »

Point numéro 5 : Même si il existe des processus centraux, si l’atteinte sténotique nerveuse est identifiable et répond au traitement, elle restera le point essentiel de la prise en charge.

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Avec l’avènement des neurosciences et la compréhension, nous savons aujourd’hui que dans une atteinte neuropathique, des changements plastiques vont s’oppérer au sein du système nerveux central (Fernandez de la Penas 2009) : sensibilisation centrale, perturbation de la modulation de la douleur (inhibition et facilitation descendante) mais aussi une neuroinflammation médullaire ainsi que de neuroforamen (Albrechts et al 2018) . Ces phénomènes expliquent certaines symptomatologies comme l’hyperalgésie diffuse.

Bien que la sensibilisation centrale explique les douleurs persistantes quand les triggers périphériques sont absentes.

Pour autant dans le cas des atteintes nerveuses périphériques, il est démontré des soulagement immédiats sur des symptômes chroniques d’hyperalgésie diffuse suite à des infiltrations ou chirurgies décompressives.

CONSEIL N°5 : Votre approche thérapeutique même si elle sera baignée dans une approche bio-psycho-sociale doit porter une attention principalement à l’atteinte périphérique si elle est identifiable et qu’elle répond au traitement.

L’algorithme de Shafer et al 2009 (traduit ci-dessous) est très utile pour orienter l’application ou non  de l’utilisation des techniques neurodynamiques.

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Si vous souhaitez aller plus loin dans les neurosciences de la douleur un elearning d’une dizaine d’heure de cours est aussi disponible ici en Français

*«  Le précurseur de l’approche neurodynamique est Robert Elvey qui publia le premier article sur la prise en charge et la mobilisation neurodynamique en 1986.

En 1998 Robert Elvey avec Max Zusman et Toby Hall, reviennent sur leurs erreurs, et publient dans Manual Therapy un article intitulé : « Adverse mechanical tension in the nervous system? » démontrant que c’était une ineptie neurophysiologique d’étirer un nerf mécanosensitif ou pathologique et préconisent de se focaliser sur les processus et les réactions neurophysiologiques impliquées dans la symptomatologie.

 Le problème c’est que parallèlement Schaclock 1995 et de Butler 1991 ont fondé leur techniques sur modèle de traitement biomédical de la douleur sous couvert d’étirements nerveux utilisant une biomécanique basée entre autre sur les travaux de Louis (un français) et de Breig qui avaient étudié la biomécanique nerveuses sur des cadavres.

Butler est enseignant (et non un praticien), Schacklock a une pratique clinique hospitalière , au début ses protocoles étaient compliqués, interminables et absolument pas validés cliniquement. Il faut aussi rappeler que dans leur protocoles étaient décrits des techniques d’étirement. L’essor commercial de leurs techniques a inondé le monde de la thérapie manuelle alors que leur modèle était faux et c’est encore celui ci que l’on trouve un peu partout dans le monde de la physiothérapie.

Depuis Butler a changé radicalement son discours et dit même regretter l’écriture de ses premiers livres (Mobilisation of the Nervous System et Sensitisation of the Nervous system). Mickael Schaclock a lui aussi adapté son discours, même si il reste très mécaniste et biomédical.

 L’approche de Robert Elvey et de son équipe en a été tout autre, c’est une approche basée sur les mécanismes neurophysiologiques impliqués. Elle a été nourrit par beaucoup de publications : Toby Hall, Axel Schafer, Mickael Coppieters, Andrew Dilley, Jane Greening, Peter O’Sullivan…Ils ont tous une approche physiologique et non biomécanique. Ce courant de chercheurs est à l’origine des classifications basées sur les mécanismes et les cadres de raisonnement clinique multidimensionnel incluant les facteurs bio-psycho-sociaux, les tests neurodynamiques, l’évaluation des mécanismes neurophysiologiques, l’analyse du contrôle moteur … »

Partie 1 :

Caliandro P, La Torre G, Aprile I, et al. Distribuion of paresthesias in carpal tunnel syndrome reflects the degree of nerve damage at wrist. Clin Neurophysiol. 2006;117:228-231. https://doi. org/10.1016/j.clinph.2005.09.001

Murphy DR, Hurwitz EL, Gerrard JK, Clary R. Pain patterns and descriptions in patients with radicular pain: does the pain necessarily follow a specific dermatome? Chiropr Osteopat. 2009;17:9. https://doi.org/10.1186/1746-1340-17-9

Slipman et al. Symptom Provocation of Fluoroscopically Guided Cervical Nerve Root Stimulation: Are Dynatomal Maps Identical to Dermatomal Maps? Spine. 1998;23: 2235-42.

Michael B. Furman, Stephen C. Johnson, Induced lumbosacral radicular symptom referral patterns: A descriptive study, The Spine Journal (2018), https://doi.org/10.1016/j.spinee.2018.05.029.

Partie 2 :

Schmid AB, Bland JD, Bhat MA, Bennett DL. The relationship of nerve fibre pathology to sensory function in entrapment neuropathy. Brain. 2014;137:3186-3199. https://doi.org/10.1093/ brain/awu288

Schmid AB, Coppieters MW, Ruitenberg MJ, McLachlan EM. Local and remote immune-mediated in ammation after mild peripheral nerve compression in rats. J Neuropathol Exp Neurol. 2013;72:662-680. https://doi.org/10.1097/ NEN.0b013e318298de5b

Partie 3 :

Baselgia LT, Bennett DL, Silbiger RM, Schmid AB. Negative neurodynamic tests do not exclude neural dysfunction in patients with entrapment neuropathies. Arch Phys Med Rehabil. 2017;98:480-486. https://doi.org/10.1016/j.apmr.2016.06.019

Dilley A et Bove G. Disruption of axoplasmic transport induces mechanica sensitivity in intact rat C-fibre nociceptor axons. J Physiol 586.2 (2008) pp 593–604

Nee RJ, Jull GA, Vicenzino B, Coppieters MW. The validity of upper-limb neurodynamic tests for detecting peripheral neuropathic pain. J Orthop Sports Phys Ther. 2012;42:413-424. https://doi. org/10.2519/jospt.2012.3988

Hall TM, Elvey RL. Nerve trunk pain: physical diagnosis and treatment. Man Ther. 1999;4:63-73. https://doi.org/10.1054/math.1999.0172

Partie 4 :

Basson A, Olivier B, Ellis R, Coppieters M, Stew- art A, Mudzi W. The effectiveness of neural mobilization for neuromusculoskeletal conditions: a systematic review and meta-analysis. J Orthop Sports Phys Ther. 2017;47:593-615. https://doi. org/10.2519/jospt.2017.7117

Beltran-Alacreu H, Jiménez-Sanz L, Fernández Carnero J, La Touche R. Comparison of hypoalgesic effects of neural stretching vs neural gliding: a randomized controlled trial. J Manipulative Physiol Ther. 2015;38:644-652. https://doi. org/10.1016/j.jmpt.2015.09.002

Beneciuk JM, Bishop MD, George SZ. E ects of upper extremity neural mobilization on thermal pain sensitivity: a sham-controlled study in asymptomatic participants. J Orthop Sports Phys Ther. 2009;39:428-438. https://doi.org/10.2519/ jospt.2009.2954

Brown CL, Gilbert KK, Brismee JM, Sizer PS, James CR, Smith MP. The effects of neurodynamic mobilization on uid dispersion within the tibial nerve at the ankle: an unembalmed cadaveric study. J Man Manip Ther. 2011;19:26-34. https:// doi.org/10.1179/2042618610Y.0000000003

Gilbert KK, Smith MP, Sobczak S, James CR, Sizer PS, Brismée JM. Effects of lower limb neurodynamic mobilization on intraneural fluid dispersion of the fourth lumbar nerve root: an unembalmed cadaveric investigation. J Man Ma- nip Ther. 2015;23:239-245. https://doi.org/10.117 9/2042618615Y.0000000009

 

Partie 5 :

Fernández-de-las-Peñas C, de la Llave-Rincón AI, Fernández-Carnero J, Cuadrado ML, Arendt- Nielsen L, Pareja JA. Bilateral widespread mechanical pain sensitivity in carpal tunnel syndrome: evidence of central processing in unilateral neuropathy. Brain. 2009;132:1472-1479.

Albrechts D et al . Neuroinflammation of the spinal cord and nerve roots in chronic radicular pain patients. Pain. 2018; 159 : 968–977.

Partie en italique :

Butler D S 1991 Mobilisation of the Nervous System. Churchill Livingstone, London

Butler D 2001 Sensitisation of the Nervous system. Noi group Publication.

Elvey R. Treatment of Arm Pain with abnormal brachial plexus tension. The Australian Journal 1986 ; 32(4) : 225-230.

Hall T, Zusman M, Elvey R. Adverse mechanical tension in the nervous system? Analysis of straight leg raiseManual Therapy (1998) 3(3), 140-146

Shacklock M. Neurodynamics. Physiotherapy 1995 ; 81(1) :9-16s

Mieux comprendre la prise en charge des tendinopathies en thérapie manuelle (le modèle du continuum de Cook et Purdam)

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Ce post fait suite au précédent « ce qu’il faut savoir sur les tendinopathies » (traduit du Dr P. Malliaras) dont les conseils sont tirés d’une compréhension nouvelle sur la physiologie du tendon et des dernières recherches.

En 2009 Jill Cook et Craig Purdam présentent un modèle pathologique pour expliquer la présentation clinique de la tendinopathie induite par la charge.

Jusqu’à présent ce modèle de compréhension est le plus à jour en terme de preuves histologiques et d’applications thérapeutiques concrètes.

Ce modèle à été revu en 2015 par un update.

Le post ci dessous est à but informatif afin que les thérapeutes puissent comprendre le modèle physiopathologique de la tendinopathie.

 

  1. Le Tendon normal :

 

Le tendon est une structure complexe, constitué de fibres collagène au sein d’une matrice extra cellulaire.

Les facteurs clés du tendon sont les tenocytes qui produisent cette matrice extra cellulaire.

Entre les fibres de collagène , la décorine (protéoglycane) est maintenue par des chaines de GAG, permet la viscoélasticité du tendon.

Tendon1

Image remaniée disponible sur la vidéo explicative ici

Cette structure permet de réagir à la mise en charge. Lors d’une mise en charge normale avec des phases de réccupération, l’activité cellulaire est stimulée et le tendon renforce progressivement sa structure.

Cette configuration permet au tendon de s’adapter et de résister à la charge de 8 fois le poids du corps (c’est un truc à dire au patient pour lui donner confiance !!)

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  1. Stade 1 : Tendinopathie réactive

Quand le tendon est soumis à la charge l’espace entre les fibres de collagène est réduit et cela augmente la pression extra cellulaire.

Si celle ci est répétée dans le temps (sans phase de repos permettant la protéolyse), elle pourrait être à l’origine de la réorganisation cellulaire que l’on remarque dans les tendinopathies.

La mécanotransduction modifie la forme des tenocytes. Cela augmente la production d’agreccan (protéoglycane plus grosse et hydrophyle). Les cellules imbibent d’eau la matrice extra cellulaire.

Celle-ci augmente et écarte les fibres de collagène, c’est pour cela que le tendon s’épaissit. Il n’y a pas de présence de cellules inflammatoires ni d’oèdeme.

Les tenocytes libèrent des substances nociceptives (acetylcholine et glutamate) qui peuvent être source de douleur.

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Image remaniée disponible sur la vidéo ici

A ce niveau l’état du tendon est intacte et réversible, Cook et Purdam décrivent ce stade comme « une adaptation à court-terme liée à la surcharge qui épaissit le tendon, réduit le stress et augmente la raideur »

 

Cette adaptation à court terme se voit dans plusieurs cas cliniques :

  • La répétition de mise en charge trop importante sur un tendon normal;
  • La mise en charge d’un tendon qui n’a pas l’habitude de la charge ((stress shielded);
  • Un choc direct sur le tendon (ex : pattellaire).

Il est intéressant de noter que si un tendon est protégé de toute charge (« stress shielded »), il sera métaboliquement moins apte à réagir à une charge anormale.

La démarche de récupération implique :

  1. Réduire la charge en compression directe du tendon et en tension (donc pas d’étirement !!!)
  2. Une remise en charge adaptée et progressive en étant attentif à l’état de sensibilisation de la zone.
  3. Effet antalgique :
    • Bien qu’il n’y ait pas d’inflammation l’équipe de Cook et Purdam ne sont pas contre l’utilisation d’AINS en phase aigüe à visée antalgique, mais leur avis n’est pas partagé.
    • Les exercices isométriques ont aussi un  effet antalgique.

 

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Les zones de compression de tendons ont été décrites par Cook et Purdam 2012 :

Tendon 5 compression

Et ils donnent des conseils pour modifier ces compressions avec le niveau d’efficacité correspondant :

Tendon6 stratégie

 

Les points clés à retenir (Magnusson et al 2010, Cook et Purdam 2009) :

  • Les tendons sont des structures métaboliquement actives qui répondent à la mise en charge;
  • La mise en charge entraine une création de proteïnes et une destruction de collagène;
  • Sans un repos suffisant (de 24H après l’effort), la perte de collagène peut entrainer une faiblesse dans la structure du tendon;
  • Il n’y a pas d’œdème inflammatoire car la tendinopathie n’est pas un processus inflammatoire (c’est pour cela que le terme de tendinite est abandonnée);
  • Une néovascularisation et la création de nerfs pendant la phase réactive de la tendinopathie disparaît avec la guérison;
  • La pathogénèse de la tendinopathie peut être accélérée par la surcharge répétée.

 

 

  1. Stade 2 : Tendon Remanié

Lors de cette phase, il apparaît les changements structurels réversibles du type :

  • Augmentation du nombre de cellules (chondrocytes et myofibroblastes)
  • Augmentation de toutes les protéoglycanes, en général.
  • Production de collagène de type 3
  • Croissance d’une néovascularisation à l’intérieur de la matrice
  • Croissance de fibres nerveuses sensibles à la substance P

 

Tendon3

Cette pathologie a été retrouvé chez les jeunes sportifs, mais peut aussi apparaître dans différentes populations en fonction de l’âge et du contexte de mise en charge (les personnes agées raides peuvent développer ce type de modification sous faible charge).

Ces tendons sont épaissis avec des changements plus localisés dans une zone du tendon et sont diagnostiqués par l’échographie.

Une certaine réversibilité de la pathologie est encore possible avec la gestion de la charge et l’exercice pour stimuler la structure matricielle.

  1. Stade 3 : Tendinopathie dégénérative

Les changements structurels deviennent permanents avec moins d’activité cellulaire.

Le collagène de type III remplace le collagène de type I : ces fibres sont plus fines et plus fragile, donc mois résistantes à la mise en tension et à la mise en charge.

Tendon4

Il y a peu de capacité de réversibilité des changements pathologiques à ce stade. Il existe une hétérogénéité considérable de la matrice dans ces tendons, avec des îlots de pathologie dégénérative intercalés entre d’autres stades de la pathologie et du tendon normal.

La récupération n’est pas impossible car certaines études ont montrées certains changements avec une mise en charge adaptée mais la récupération morphologique ne peut pas être complète.

Ce stade n’est pas forcément symptomatique (de nombreuses études montrent ces anomalies sur de patients asymptomatiques).

Ceci étant les parties dégénératives du tendon apparaissent mécaniquement silencieuses et structurellement incapables de transmettre la charge de traction, ce qui peut entraîner une surcharge dans la partie normale du tendon et se traduire par une tendinopathie réactive dans la partie non atteinte (Cook et al 2015) :

 

Tendon8cook

 

Le cas clinique se présente souvent chez un patient qui présente un tendon sensible depuis quelques temps, et qui remarque une zone plus dure et noduleuse à la palpation. Si dans le même temps la douleur augmente proportionnellement à l’entrainement, le patient pourrait développer une tendinopathie réactive sur un tendon dégénératif chronique.

Dans ce cas les principes liés à la prise en charge de la tendinopathie réactive s’appliquent : gestion de la charge (évitement compression/tension), démarche antalgique (médicaments, isométriques) jusqu’à la disparition de la douleur.

Pour un tendon douloureux chronique sans augmentation soudaine de douleur, il sera conseillé, pour modifié la structure du tendon de faire un mix avec  : un travail sur la  modification de la charge, des exercices (isométriques/exentriques) de renforcement et une remise en situation progressive au sport pratiqué.

Dans ce cas il est important de noter quels sont en pratique les situations qui aggravent les symptômes pendant l’entrainement (le workbook de Greg Lehman peut être très utile).

Les phases de repos seront tout aussi importantes (3 jours entre les efforts intenses mais certains sportifs n’auront besoin que d’un jour)

 

4. La prise en charge en thérapie manuelle, quoi faire et que disent les preuves ?

 

Tout d’abord pour résumer la prise en charge selon le continuum (figure ci-dessous) :

Capture d_écran 2017-07-10 à 14.19.40

Elle est doit être guidée par le stade dans lequel le tendon se situe.

Cook et Purdam le décrivent ainsi en quelques mots : « une personne âgée avec un tendon dur et noduleux a plus de chance de développer un tendon dégénératif, inversement, un jeune athlète après une surcharge aigue avec un gonflement fusiforme de son tendon a plus de chance d’avoir une tendinopathie réactionnelle ».

Pour comprendre qu’est ce peut apporter la thérapie manuelle passive dans la prise en charge dans la tendinopathie :

  • Il faut d’abord constater que l’exercice et la remise en charge adaptée sont le plus efficace, et que la thérapie manipulative passive (massage, manipulation, ultrason…) ne fonctionne pas ou même entretient la tendinopathie (voir post précedent )
  • Et c’est tout a fait logique lorsque l’on regarde les phénomènes histologiques des différents stades de la tendinopathie, le tendon se renforce par la mise en charge (donc par de l’actif et non du passif).
  • D’autre part les techniques passives n’accélèrent pas la guérison des tissus et même si il fallait croire que les techniques ostéopathiques peuvent aider à « drainer » l’inflammation, il n’y a pas d’inflammation dans la tendinopathie, ce n’est donc pas justifié.

 

Que pourrait donc bien faire un ostéopathe de plus qu’un kinésithérapeute dans la prise en charge d’une tendinopathie sachant que ce dernier est bien plus compétent que lui en terme de protocole de remise en charge et d’exercices (isométrique, excentrique, contrôle moteur, force, puissance, endurance, variabilité etc…) ?

Pour information voici l’exemple d’un programme de physiothérapie sur la prise en charge des tendinopathies achiléennes (Sibernagel et Crossley 2015) :

Tendon7Sibernagel

 

En 2015 Cook et al revisitent leur modèle de départ et soulèvent tout de même un point important. Les caractéristiques structurelles de modifications pathoanatomiques du tendon ne suggèrent pas qu’il existe une relation directe entre la structure, la douleur et la dysfonction. Il existe pléthore d’études sur des sujets asymptomatiques montrant des anomalies structurelles sans douleur (voir nociception versus douleur)

Dans une tendinopathie il s’agit de gérer la structure, la fonction et LA DOULEUR.

Cette douleur peut empécher la bonne récupération de la fonction et de la structure si elle n’est pas bien gérée. Rappelez vous des composantes de la douleur dans le modèle Bio-Psycho-Social : la catastrophisation, la peur, la souffrance, la détresse… que cette douleur peut entrainer. Dans ce cas la douleur peut maintenir un cercle vicieux et il est important de faire sentir au patient que son corps peut aller mieux.

Greg Lehman dans son modèle de parapluie BPS, propose avant de remettre en charge de désensibiliser le système nerveux.

Tendon greg

 

C’est dans la partie de désensibilisation que la thérapie manuelle passive pourrait avoir un rôle à jouer : diminuer la sensibilisation du système d’alarme.

Les techniques passives de thérapie manuelle permetteraient de modifier la sensibilisation du système d’alarme.

En effet elles pourraient créer un changement de perception transitoire (actions neurobiologiques périphériques et centrales) qui permettrait : une meilleure mobilité, moins d’allodynie, une diminution des symptômes, des modifications sensori-motrice…(Bialosky 2009, Sampath 2015, Lascurain 2016, D’Alessandro 2016 )

Bialosky simplifié 2

A mon humble avis, c’est bien la seule contribution que l’ostéopathe pourra apporter à un patient souffrant d’une tendinopathie : du confort dans la perception de sa manière de bouger avec moins de douleur.

Ce qui dans certaines situations peut être très complémentaire d’une réhabilitation qui pour n’importe quelle raison peut stagner.

Le danger est de faire croire au patient que notre traitement va le soigner, ou même l’aider à récuperer plus vite : c’est tout simplement faux et surtout le patient pourrait croire qu’il a besoin de thérapie passive pour guérir.

Le pire serait de lui faire croire que sa tendinopathie s’est installée à cause d’un « pseudo-déséquilibre » biomécanique que nous aurions la prétention de corriger, ou encore que nos manipulations le  protègent d’une future tendinopathie.

Rappelez vous que le  corps est  solide et adaptable : un tendon achilléen peut supporter 8 fois le poids du corps alors que dans la course à pied lors de l’appui monopodal, il n’est soumis qu’à 2,5 fois le poids de son corps.

Mon conseil, est que si vous connaissez un kinésithérapeute à côté de chez vous qui est sensibilisé au modèle de Cook et Purdam, confiez lui la prise en charge de  la réhabilitation de la tendinopathie. Il sera bien plus à jour que vous sur les différentes options de prise en charge (y compris l’échographie du tendon).

Accompagnez simplement vos patients quand ceux-ci en sentent le besoin au cours de leur réhabilitation en étant conscient de l’état du tendon (réactionnel ou dégénératif).

Si ce n’est pas le cas vous pouvez vous former sur ces approches auprès de Jill Cook et Ebony Rio ou encore Eyal Lederman ou Ben Cormack.

 

louisgiffordVoici en conclusion les mots de Louis Gifford :

« Si votre thérapeute ne fait qu’un “TRAITEMENT PASSIF” et oublie la partie active de réccupération fonctionnelle (i.e comment bouger et réccupérer progressivement), alors de mon point de vue, VOUS PERDEZ VOTRE TEMPS.”

 

 

 

 

 

Bialosky, J.E., Bishop, M.D., Price, D.D., Robinson, M.E., George, S.Z., 2009. The mechanisms of manual therapy in the treatment of musculoskeletal pain: a comprehensive model. Manual Therapy ; 14: 531-538

Cook JL etPurdam CR. Br J Sports Med 2009;43:409–416. doi:10.1136/bjsm.2008.051193

Cook JL, et al. Br J Sports Med 2016;0:1–7. doi:10.1136/bjsports-2015-095422

Cook JL, Rio E, Purdam CR, et al. Br J Sports Med Published doi:10.1136/ bjsports-2015-095422

D’Alessandro G, Cerritelli F and Cortelli P (2016) Sensitization and Interoception as Key Neurological Concepts in Osteopathy and Other Manual Medicines. Front. Neurosci.

Lascurain et al 2016. Mechanism of Action of Spinal Mobilizations A Systematic Review. SPINE Volume 41, Number 2, pp 159–172

Magnusson SP, Langberg H, Kjaer M. The pathogenesis of tendinopathy: balancing the response to loading. Nat Rev Rheumatol 2010;6:262–8.

 

Sampath et al. Measureable changes in the neuro-endocrinal mechanism following spinal manipulation. Medical Hypotheses 85 (2015) 819–824

Sibernagel et Crossley  A Proposed Return-to-Sport Program for Patients With Midportion Achilles Tendinopathy: Rationale and Implementation J Orthop Sports Phys Ther 2015;45(11):876-886. Epub 21 Sep 2015. doi:10.2519/jospt.2015.5885

 

 

La Dermo-Neuro-Modulation ou DNM

DNM

Suite aux conférences dispensées sur l’Effet physiologique des manipulations/ Neurosciences/modèle bio-psycho-social, plusieures personnes sont venus me demander ce que je pensais de la Dermo-Neuro-Modulation ou DNM.

Récemment le Groupe Gestion de la Douleur (sur FB) a introduit une discussion sur ce concept, et je remercie les participants d’avoir échangé leur point de vue avec moi pour étayer ma compréhension.

Mon analyse sera un peu biaisée et incomplète car :

  • Je connais un peu son inventeur, et je suis assez fan de son discours, et certains de mes posts sont teintés de certaines de ses idées. Je suis Diane Jacobs sur les forums et les sites de thérapie manuelle depuis quelques temps (on fait partie des mêmes groupes d’échanges en neurosciences);
  • Je n’ai pas suivi la formation  DNM;
  • Je viens de finir les 2 bouquins (celui de 2007 et celui de 2016) et j’ai regardé plusieures vidéos pratiques disponible sur le net.

C’est Diane Jacobs qui a dévellopé la notion d’operator/interactor. C’est à dire de considérer le patient comme un sujet avec lequel on interagit et non pas comme un objet sur lequel on opère (et que l’on prétend corriger).

Je vous invite à aller voir son blog : http://humanantigravitysuit.blogspot.fr/?m=1 et de lire ce qu’elle écrit sur le « social grooming » ou encore son modèle de « treatment continuum », c’est vraiment brillant.

Elle fournit gratuitement beaucoup de supports réflexifs ainsi que les sources qu’elle utilise, le tout disponible sur son site.

Diane Jacobs est thérapeute manuelle depuis plus de 30 ans (en fait 40 car elle était physio pendant 10 ans) et elle est praticienne (c’est important de le mentionner car beaucoup de formateurs ne sont souvent que des enseignants qui n’ont pas de pratique clinique et qui dévellopent des concepts tirés par les cheveux à des années lumières de la réalité clinique du patient).

Elle dit avoir conçu cette méthode après avoir suivi les formations de D. Butler sur le système neurodynamique dans les années 90 et aurait appliqué le concept aux nerfs sous cutanés. Elle même et certains de ses élèves parlent même d’action « microneurodynamique » !!

Le premier livre (disponible en libre accès sur ce lien)

La première édition du bouquin de 2007 est assez décevante. Le livre a très peu d’intérêt (en tout cas pour ceux qui sont intéressés par l’Evidence Best Practice), il très conceptuel et dénué de toute analyse critique de l’action thérapeutique manuelle, c’est une réduction simpliste de la vision biomédicale du traitement du système nerveux périphérique basé sur des vieilles croyances neurodynamiques biomécanistes dépassées ( type Schaclock et Butler à leur débuts) et appliqué au système nerveux sous-cutané.

Un peu comme le bouquin de Barral (que je déconseille) sur le traitement des nerfs périphériques.

Le livre de 2016 : un bijou de neuroscience, un avenir pour la thérapie manuelle

A l’opposé, le dernier livre de 2016 vaut vraiment le détour. On sent dès le début l’évolution de D. Jacobs dans son discours.

Elle maitrise parfaitement les neurosciences, son écriture et sa réflexion en sont imprégnées.

La métaphore graphique du livre est très parlante : les racines de l’arbre représentant le système nerveux central, le tronc les tronc nerveux et les branches et les feuilles le systèmes nerveux périphérique sous cutanés.

L’introduction présente un rafraichissement sur sa vision de la thérapie manuelle, une vision bio-psycho-sociale, dans laquelle le patient et le praticien inter-agissent ensemble pour dénouer une situation : la douleur. Et c’est ce que propose Diane, traiter la douleur et non les tissus.

Elle introduit son concept de DNM : le concept est attirant en soi, il prône une vision de modulation des entrées dans la neuromatrice par l’interface de la peau et par l’inter- action entre le patient son praticien à différents niveaux.

La partie vraiment passionnante est la dernière partie qui est théorique et pratique.

Rien que pour cela vous n’aurez pas gaspillé votre argent, du chapitre 1 au chapitre 7 (en sautant la fin du 5 et le 6 sur lesquels je reviendrais) c’est du pur bonheur : neurosciences, analyse critique et  perspective d’évolution de la thérapie manuelle, le tout très bien référencé.

A- La dernière partie

Le chapitre 1.

Deux parties, une première partie qui nous raconte l’histoire du développement phylogénétique du système nerveux, à la manière de ce générique de dessin animé « il était une fois la vie » : son style narratif nous emporte de la même façon, dans son histoire bien menée et référencée, au cours de laquelle elle aborde l’histoire du système nerveux central et périphérique avec leur utilité à travers les âges. La seconde est plus technique sur les caractéristiques des entrées sensorielles.

Le chapitre 2 parle de la douleur et du système nerveux. Les parties classiques sur la nociception, sensibilisation, modulation, neuromatrice, et le codage prédictif qui sont dévellopés brillament : entre autre l’exemple du système « fight or flight » et « faint and be ready to die » avec la modulation descendante, est décrit avec une précision physiologique très fine.

L’auteur y ajoute des touches philosophiques percutantes, elle aborde les thèmes de  cognition incarnée versus prediction incarnée.

Le Chapitre 3 est une analyse critique de la thérapie manuelle et des effets supposés de nos traitements. Non seulement bien référencé et bien construit, ce chapitre aborde avec plein de bon sens et d’humilité, la prise en charge du patient. C’est le chapitre incontrounable du livre qui vous donne toutes les clés pour révolutionner votre pratique.

Le Chapitre 4 est dédié à la peau, comme seul organe auquel on accède vraiment et avec lequel on inter-agit. Elle développe le toucher affectif, l’intéroception et les fibres non-nociceptive et de leur action sur le cortex insulaire, avec son jeu de mot YES-iception (à l’inverse de Nociception)

Le chapitre 7 est nommé Social Grooming-Less is more.

Le titre fait référence au toilettage (Grooming) en citant la phrase de Crislip :

« Une réduction marquée du stress est remarquée chez les singes et autres animaux qui se toilettent souvent entre eux. Le toucher est une bonne chose et n’a pas besoin d’être emballé dans des explications farfelues pseudoscientifiques pour être bénéfique »

Cela résume la conclusion de ce livre, dans laquelle Diane Jacobs nous délivre avec beaucoup d’humilité et de simplicité,  ses hypothèses, ses biais de confirmations, et ses trucs pratiques qu’elle met en place avec ses patients.

B- La partie « technique manipulative » et sa justification :

La partie technique est présentée avant la partie théorique en début de livre et représente plus des 2/3 du livre.

Les schémas des nerfs superficiels sont intéressants car ils reflètent un travail de dissection et donne une vision de ces nerfs sous-cutanés qui sont souvent oubliés en anatomie descriptive.

Les techniques sont à peu près tout le temps les mêmes du moment que l’on a compris le principe dans le chapitre 7.

Le modèle est assez simple et se décrit par plusieurs principes résumés:

  1. le twizzling :

Pour comprendre le terme il faut visualiser les bonbons américains (les twizzlers) qui sont torsadés sur eux même en plusieurs couches.

twizzler

Son postulat de base est une comparaison avec la modélisation des travaux de Lundborg 1988 :

lundborglundborg2.png

Elle considère que ces nerfs dans leur contenant conjonctif (le tube neural) peuvent subirent ce type de torsade (twizzling) qui pourrait réduire la vascularisation et sensibiliser la structure nerveuse.

D’après ce postulat il s’agirait de redonner du mouvement au tube neural dans son environnement par l’intermédiaire de mouvements appliqués sur la peau.

  1. Peu importe la direction du mouvement, ce qui guide son action est l’interaction avec le patient : elle lui demande quelle position l’améliore le mieux.

Elle décrit par la suite plusieurs types de directions de mouvements, tantôt pour cisailler, distracter, diminuer la charge…sur la peau.

  1. La position quadrupédique est préconisée car supposé raccourcir et élargir le tube neural (mais je ne pourrais pas détailler cet axiome)
  1. La mobilisation des rameaux cutanés par une prise indirectes aux nerfs (à la partie opposé du membre). Elle explique par un modèle théorique à partir d’un ballon qu’elle compare à une partie du corps (trop simpliste à mon goût, mais l’idée est défendable)

C- La fin du chapitre 5 et le chapitre 6 seraient à mon avis les seuls points qui pourraient prêter à confusion avec le reste du discours du bouquin.

J’avais mal compris le concept en lisant le bouquin et Diane Jacobs m’a envoyé un mail pour m’aider à mieux comprendre.

Précédemment j’avais compris son concept « micro-neurodynamique » comme semblant être l’application de ce qu’ont fait Shacklock et Butler* avec des gros tronc nerveux, et cela semble ne pas être le cas puisque la DNM n’étire pas les nerfs

D’après D.J : « Le traitement  consiste  en un élargissement et un raccourcissement des tunnels neuronaux (par exemple, en plaçantes patients ou leur membres dans des positions fléchies (par exemple, en quadrupède) pour créer un relâchement neural, puis par l’intermédiaire de la peau de mobiliser les nerfs cutanés sensitifs »

La notion de « pseudo » syndrômes canalaires des nerfs sous-cutanés est au centre du concept.

L’auteur s’appuie sur le modèle du syndrôme canalaire. Elle parle de « micro-neuropathie » ou de sensibilisation des branches cutanées.

Et pourtant dans sa méthode, il n’y a aucun examen neurologique associé à un diagnostic qui pourrait justifier d’appliquer un traitement cohérent manipulatif.

Ne sont pas non plus abordés les mécanismes impliqués dans son outil  diagnostic : douleur par sensibilisation nerveuse périphérique (signe de mécanosensitivité), douleur nociceptive, douleur par sensibilisation nerveuse centrale ou douleur neuropathique.

Pas même l’utilisation d’un pinceau ou d’un pin-prick pour justifier une hyperesthésie, dysesthésie, qui témoigneraient de fibres C ou A delta « sensibilisées », ou bien même une hypoesthésie, pouvant témoigner de dénervation même légère des firbre Aß ou d’un problème d’ischémie transitoire des nerfs sous cutanés, comme elle le prétend.

Ces examens sont pourtant la base d’une approche neurodynamique pour voir si le traitement modifie la physiologie.

D’autre part de sa vision des syndrômes tunellaires repose sur le livre de Pecina 2001, qui cite plus de 50 syndrômes, soi-disant « tous bien démontrés » comme l’écrit Diane Jacobs. Je vous invite à lire la revue de Campbel et Landau 2008 à propos de ce bouquin des syndromes canalaires pour qui les auteurs disent: « la plupart des syndrômes tunellaires décrits sont si obscurs que la plupart des neurologues n’ en n’ont jamais entendu parler ».

Je ne fais pas ici une revue du bien fondé des syndrômes tunellaires, ni même de leur existence ou de leur non-existence. Seulement à part les vrais tunnels « ostéo-tendineux », comme le canal carpien, les foramen inter-vertébraux… Les passages dans les muscles ou les faciae sont des endroits dans lesquels les nerfs y glissent plûtot bien, ce sont des ligaments solides entourés de gras qui sont insaisissables, ils glissent dans les doigts (et je les dissèque tous les ans depuis plus de quinze ans). Les chirurgiens ont un peu « sur-inventé » des syndrômes qui n’avaient aucune existence clinique démontrée, uniquement que par la symptomatologie douloureuse et dès qu’un nerf traversait un muscle ou un fasciae, on justifiait acte chirurgical pour le traitement de la douleur, en déclarant que l’on décomprimait le nerf.

Le modèle de justification des techniques est donc, à mon sens spéculatif, et se base sur des modèles biomécaniques non vérifiés et probablement peu vérifiable.

D’ailleurs l’auteur à l’honnêté de le dire à plusieurs reprises dans son bouquin : elle rappelle que ce ne sont que des hypothèses, qu’elles ne sont pas vérifiées par des études, et qu’elle ne sait pas bien dans quelle direction les nerfs doivent bouger ou bien doivent être bougé.

C’est du coup dommage qu’elle se soit fendue d’un modèle explicatif de mobilisation en inventant une façon mécanique de modulation du tissu nerveux sous cutané.

Elle n’avait pas besoin de ce modèle pour justifier son « toucher attentif interactif » car tout le reste y est : non seulement elle aborde la complexité du système nerveux dans les chapitres précedents : le système interoceptif avec ces connexions insulaire et la diminution de la menace, le rôle du toucher affectif, la complexité de la neuromatrice etc…

Pour conclure sur mon avis  :

Je pense que cette formation pourrait apporter beaucoup :

  • Aux physios qui ont été baignés dans le modèle biomédical et qui aspirent à interagir différemment avec leurs patients : courez voire Diane Jacob, c’est peut être la meilleure introduction à une prise en charge avec un toucher attentif, qui est supporté par des bases solides en neurosciences.
  • Aux ostéopathes, qui pratiquent ces techniques que l’on vous appris avec les dogmes de la Sainte Eglise Ostéopathique (techniques fasciales, biodynamiques, cranio-sacrées ou autre techniques poétiques…) et que vous avez atteint ce moment d’analyse critique ou vous vous demandez quelle est la part de placebo dans votre imposition des mains. Courez voir Diane Jacobs, elle donnera du sens à vos techniques et un nouveau souffle à votre prise en charge.

A contrario la formation pourrait décevoir (ou pas, car je n’ai pas fait la formation) les thérapeuthes manuels en recherche d’evidence-best-practice car la technique en soi n’a aucune justification expérimentale démontrée (surtout ceux qui pratiquent l’approche neurodynamique).

Je conseillerais aux thérapeuthes manuels ayant déjà embrassé le modèle bio-psycho-social , les neurosciences, la thérapie cognitive et fonctionnelle, et qui ont déjà passé des heures d’apprentissage d’écoute attentive , de lire la partie théorique du bouquin.

Pour ma part, j’irais bien voir comment travaille Diane Jacobs, comment elle gère l’inter-action avec le patient, et j’assisterais à des consultations magistrales, si elle le proposait comme Peter O’Sullivan le fait. Maintenant je ne suis pas fana d’aller voir de « nouvelles techniques » de désensibilisation périphérique et centrale basées sur ces hypothèses biomécaniques anatomiques, qui me semblent réductionnistes .

Entre ce que j’ai lu du livre et des vidéos disponibles sur internet, la partie technique ressemble à de l’ « imposition attentive et intelligente » des mains en interaction avec un patient qui sert de porte d’entrée et de communication charnelle.

Références

  • Butler D S 1991 Mobilisation of the Nervous System. Churchill Livingstone, London
  • Butler D 2001 Sensitisation of the Nervous system. Noi group Publication.
  • Campbell et Landau Controversial Entrapment Neuropathie. Neurosurg Clin N Am 19 (2008) 597–608
  • Elvey R. Treatment of Arm Pain with abnormal brachial plexus tension. The Australian Journal 1986 ; 32(4) : 225-230.
  • Hall T, Zusman M, Elvey R. Adverse mechanical tension in the nervous system? Analysis of straight leg raiseManual Therapy (1998) 3(3), 140-146
  • Jacobs Diane 2016.Dermo Neuro Modulating: Manual Treatment for Peripheral Nerves and Especially Cutaneous Nerves.
    Lundborg G (1988) Nerve Injury and Repair, Churchill Livingstone, Edinburg.
  • Pecina MM, Krmpotic-Nemanic J, Markiewitz AD. 2001. Tunnel syndromes—peripheral nerve compression syndromes. 3rd edition. Boca Raton
  • Shacklock M. Neurodynamics. Physiotherapy 1995 ; 81(1) :9-16
  • Shacklock M. A new system of musculosqueletal treatment. Clinical Neurodynamics, Elsevier, 2005.

*«  Le précurseur de l’approche neurodynamique est Robert Elvey qui publia le premier article sur la prise en charge et la mobiisation neurodynamique et la mise en tension des nerfs en 1986. En 1998 Robert Elvey avec Max Zusman et Toby Hall, reviennent sur leurs erreurs, et publient dans Manual Therapy un article intitulé : « Adverse mechanical tension in the nervous system? » démontrant que c’était une ineptie neurophysiologique d’étirer un nerf mécanosensitif ou pathologique et préconisent de se focaliser sur les processus et les réactions neurophysiologiques impliquées dans la symptomatologie.

Le problème c’est que parallèlement Schaclock 1995 et de Butler 1991, 2001 ont fondé leur techniques sur modèle de traitement biomédical de la douleur sous couvert d’étirements nerveux utilisant une biomécanique basée entre autre sur les travaux de Louis (un français) et de Breig qui avaient étudié la biomécanique nerveuses sur des cadavres.

A l’époque,  Butler est surtout enseignant (et très peu praticien), Schacklock a une pratique clinique hospitalière, mais au début ses protocoles étaient compliqués et absolument pas validés cliniquement. Il faut aussi rappeler que dans leur protocoles étaient décrits essentiellemment des techniques d’étirement. L’essor commercial de leurs techniques a inondé le monde de la thérapie manuelle alors que leur modèle était faux et c’est encore celui ci que l’on trouve un peu partout dans le monde de la physiothérapie. Depuis Butler a changé radicalement son discours et dit même regretter l’écriture de ses premiers livres (Mobilisation of the Nervous System et Sensitisation of the Nervous system). Mickael Schaclock a lui aussi adapté son discours, même si il reste encore très mécaniste.

L’approche de Robert Elvey et de son équipe en a été tout autre, c’est une approche basée sur les mécanismes neurophysiologiques impliqués (validé aujourd’hui par plusieurs publications) : Toby Hall, Axel Schafer, Mickael Coppieters, Andrew Dilley, Jane Greening, Peter O’Sullivan (qui était l’étudiant d’Elvey)…Ils ont suivis une approche physiologique et non biomécanique. Ce courant de chercheurs est à l’origine des classifications basées sur les mécanismes et les cadres de raisonnement clinique multidimensionnel incluant les facteurs bio-psycho-sociaux, les test neurodynamiques, l’évaluation des mécanismes neurophysiologiques, l’analyse du contrôle moteur … »

Ce qu’il faut savoir sur les tendinopathies en 9 points

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Ce texte est traduit avec la permission du Pr Peter Malliaras, PhD.

Le lien de l’article original est disponible ici.

 

Il y a encore beaucoup d’inconnu sur les tendinopathies, et pourtant il y a des preuves scientifiques indiscutables que tous les cliniciens et tous les patients doivent connaitre. (Celles-ci sont disponibles dans les références à la fin du blog)

 

 1.  Le repos n’est pas bénéfique à la guérison de la tendinopathie.

La douleur peut se calmer, mais la reprise de l’activité est souvent douloureuse. Le fait de se reposer ne permet pas au tendon d’améliorer sa tolérance à la contrainte mécanique.

 

2. La tendinopathie n’est pas considérée comme une réaction inflammatoire classique même si il y a quelques cellules et molécules biochimiques inflammatoires impliquées.

Les anti-inflammatoires peuvent vous aider en cas de douleur très importante, mais leur effet n’est pas prouvé sur les cellules impliquées dans le processus pathologique.

3. Plusieurs facteurs de risque sont favorables à l’apparition d’une tendinopathie.

Le facteur principal est la sur-utilisation du tendon, ou simplement l’excès de certaines activités , incluant  :

  1. celles qui demandent au tendon d’emmagasiner de l’énergie (càd. marcher, courir, sauter);
  2. et celles qui exercent des contraintes de compression sur le tendon.

Certaines personnes sont plus exposées aux douleurs tendineuses à cause de facteurs prédisposants : biomécaniques (ex : faible capacité ou faible endurance musculaire, etc.), ou systémiques (ex : âge, ménopause, hypercholestérolémie, sensibilisation centrale etc.). Ces personnes peuvent déclencher une douleur au moindre changement d’activité.

4. La recherche montre que  le traitement le plus efficace  de la tendinopathie reste l’exercice.

 

Les tendons ont besoin d’être mis en charge progressivement afin d’améliorer leur tolérance aux contraintes mécaniques de la vie quotidienne.

Sans ce stimulus vital de remise en charge, il est très peu probable que la tendinopathie s’améliore.

5. Afin de diminuer la douleur tendineuse, il est important de modifier la mise en charge.

Il faut souvent, ou au moins temporairement, diminuer les contraintes qui demandent de l’emmagazinement d’énergie et de la compression.

6.La douleur n’est PAS synonyme de dommages tissulaires constatés à l’imagerie.

Les dommages tissulaires  sont fréquents chez des individus assymptomatiques. Ce n’est pas parce que l’on vous a diagnostiqué une « pathologie tissulaire sévère » à l’imagerie, ou même une « déchirure », que votre pronostic de guérison est moins bon.

D’autant plus que l’on sait aujourdhui que même avec les meilleures intentions du monde et les traitements les plus sophistiqués (exercices, infiltrations, etc.), la plupart du temps le tissu pathologique ne se modifie pas. Donc même si l’étude de l’aspect tissulaire est nécessaire, la majorité des traitements ne se focalisent pas sur la réparation tissulaire, mais sur l’amélioration de la douleur et de la fonction.

7. Les  traitements passifs seuls effectués sur le long terme n’améliorent que très rarement les tendinopathies :  le massage, les ultrasons, les infiltrations, les ondes de choc, etc…

L’exercice est souvent l’ingrédient essentiel là où les traitements passifs ne sont que les additifs. Il faut éviter les infiltrations multiples car elles ont de moins bon résultats.

8. L’exercice doit être individualisé et adapté à la plainte douloureuse et fonctionnelle du patient.

La mise en charge doit être progressive et adaptée à la réponse douloureuse, afin d’atteindre les objectifs de restauration fonctionnelle.

9. Les tendinopathies répondent très lentement aux exercices.

Vous devez être patient, vous assurez d’effectuer correctement et progressivement l’exercice approprié, ne succomber pas à la tentation des « raccourcis » de traitements, comme les infiltrations ou la chirurgie. La plupart du temps il n’y a pas de raccourcis.

 

Les précédents points sont des principes généraux, et dans certaines situations, les adjuvants comme l’infiltration ou la chirurgie sont appropriés dans la prise en charge de la tendinopathie.

 

REFERENCES

Abate M, Gravare-Silbernagel K, Siljeholm C, et al.: Pathogenesis of tendinopathies: inflammation or degeneration? Arthritis Research and Therapy. 2009, 11:235.

Cook J, Purdam C: Is compressive load a factor in the development of tendinopathy? British Journal of Sports Medicine. 2012, 46:163-168.

Littlewood C, Malliaras P, Bateman M, et al.: The central nervous system–An additional consideration in ‘rotator cuff tendinopathy’and a potential basis for understanding response to loaded therapeutic exercise. Manual therapy. 2013.

Malliaras P, Barton CJ, Reeves ND, Langberg H: Achilles and Patellar Tendinopathy Loading Programmes. Sports Medicine. 2013:1-20.

Petit manuel pratique pour intégrer les neurosciences à la prise en charge de la douleur au cabinet

 

VISUEL DOULEUR

 

 

Les 10 Trucs pratiques pour appréhender la douleur avec  les neurosciences

Ce texte est traduit avec la permission de Ben Cormack expert en gestion de la douleur.

La traduction reste fidèle au texte, mais n’est pas littérale, car j’y ai ajouté en italique quelques idées et références supplémentaires pour renforcer les propos de ce post. Le texte brut intégral en anglais est disponible sur son BLOG.

Les connaissances sur les neurosciences de la douleur se développent rapidement par le biais d’articles et/ou blogs destinés à tout le monde :  thérapeutes manuels, coach sportifs, médecins ou chirurgiens.

On pourrait exiger que tout thérapeute manuel doit avoir une compréhension de base sur le fonctionnement de la douleur.

Les opinions sur les neurosciences sont tranchées  : soit nous n’en connaissons pas assez, soit nous sommes tombés dans l’excès inverse.

Nous devons d’abord penser à comment appliquer ces découvertes académiques dans la vie pratique du cabinet : autant l’assimilation de toutes ces informations est importante pour nous, mais il est capital de mettre le patient au coeur du débat et de l’aider à intégrer cette avalanche de nouvelles informations scientifiques.

  1. Les neurosciences nous aident à comprendre ce qu’il NE FAUT PAS DIRE,  et non  CE QU’IL FAUT DIRE.

En intégrant les neurosciences, nous serons en mesure de comprendre,  à quel point nos mots peuvent affecter les patients sur la perception qu’ils ont d’eux même et de leur condition physique.

Trop souvent, par facilité et habitude, nous pouvons encore utiliser des mots qui fragilisent, plutôt que des mots qui rassurent.

Par exemple, vous pouvez éviter un effet nocebo, en restant à l’écart de certains termes (liste non exhaustive)  :

conneries

  • déchirure,
  • fissure,
  • instabilité ,
  • endommagé,
  • arthrose,
  • déplacé,
  • Lésion
  • Dysfonction
  • Blocage
  • hernie discale,  déséquilibre, courbure, posture, asymétrie…

Ces mots ont le pouvoir de perturber la perception et la croyance des patients dans leur capacité de récupération et d’autoguérison.

Le concept d’« idées virales » est une bonne image à propos des croyances négatives qui se répandent parmi les gens : elles se comportent comme des virus, elles se multiplient et se transmettent, mutent et créent des maladies. Ne participer pas à la contamination !!

Ce sont des termes inutiles au traitement, car ils ne sont pas corrélés à la douleur : ils n’en sont ni la cause, ni les facteurs prédictifs d’apparition de douleur*.

 Ils font surtout peur et de nombreux travaux montrent qu’ils fragilisent le patient, augmentent sa douleur et favorisent le passage à la chronicité : ce sont les drapeaux jaunes du modèle Bio-Psycho-Social*. (Kendall et al 1998Lee et al 2015Werti et al 2014Ramond-Roquin et al. 2015)

silence bulshit

Que dire alors ?

Il n’y a pas de recette miracle, cela demande de la pratique et surtout cela dépend de la personne que l’on a en face de soi.

Commencer par  CE QU’IL NE FAUT PAS DIRE est un bon début.

  1. Se former sur le sujet régulièrement (principe du long life learning)

L’une critique des processus éducatifs actuels en thérapie manuelle (physio, ostéo, chiro..) est que, ni dans la formation initiale, ni dans les cours spécifiques de traumatologie, ne sont abordés les mécanismes sous-jacents de l’expérience de la douleur.

Regarder des vidéos de vulgarisation ou lire des blogs  utilisant des concepts de neurosciences, est certainement le strict minimum si l’on veut s’informer. Cela doit être étayé ensuite, par des bases solides sur le fonctionnement de la douleur.

Il ne suffit pas de quelques mots en vogue ou des analogies pour faire passer le message à l’auditoire, surtout quand il a l’habitude de poser des questions pièges.

A ce propos certains ouvrages sont incontournables (Explain Pain, Graded Motor Imagery…), mais les publications scientifiques sur le sujets sont pléthores et utiles pour les anglophones (e.g Nijs et al 2011Puentedura et al 2012…).

Certains webinars sont disponibles (avec un abonnement) sur des sites comme http://www.paincloud.com. 

Certaines questions de base doivent être bien maitrisées :

  • Qu’est ce que la douleur ?
  • Comment fonctionne la nociception ?
  • Qu’est ce que la sensibilisation centrale ?
  • Qu’est ce que la sensibilisation périphérique ?
  • Quels sont les mécanismes supra–spinaux impliqués dans l’expérience douloureuse ?
  • Que sont la facilitation et l’inhibition descendante ?
  • Pourquoi le stress, le contexte, et les émotions peuvent avoir une influence sur l’expérience douloureuse ?
  • Comment reconnaître en clinique les mécanismes neurophysiologiques impliqués dans les différents types de douleur? 
  • Quelles sont les caractéristiques d’une douleur nociceptive, neuropathique, ou d’origine centrale ?
  • Qu’est ce qu’un neurotag, la neuromatrice ?

Des formations auprès d’experts (en France ou à l’étranger : NOI group, Cor-Kinetic, Know Pain….) peuvent aussi vous aider à construire progressivement votre bagage.

Un elearning d’une dizaine d’heure de cours est aussi disponible ici en Français

  1. L’explication d’un sujet aussi complexe que la douleur demande de la pratique

difficile facile

«Expliquer la douleur» comme un expert peut nous mettre sous pression.

Avant tout, il faut connaître les principes fondamentaux de neurophysiologie, mais ensuite il faut apprendre à les articuler, et cela ne se fait pas en une nuit.

« Si tu n’arrives pas à expliquer les choses simplement, c’est que tu n’en sais pas assez » A. Einstein

De nombreuses études (Louw et al 2011) ont mis en évidence  que l’ « enseignement des neurosciences » aux patients, avait un impact sur l’amélioration de la qualité de vie des douleurs chroniques, et de nombreux autres effets positifs (incapacité, catastrophisation, santé mentale, maintient de l’inhibition descendante…).

Ceci étant, une explication complexe délivrée de façon nébuleuse, risque de créer chez le patient du doute et de la confusion dans la compréhension de sa problématique. Et au lieu de diminuer son expérience douloureuse, cela risquera d’envenimer la situation.

Avant de bien le faire avec les patients, entrainez-vous plusieurs fois, en dehors du contexte du cabinet.  Affrontez vos amis et vos collègues, pour prendre confiance et forger vos compétences communicationnelles.

Après tout, même les meilleurs enseignants s’entrainent !!

  1. Les analogies et les métaphores

toblerone Giffords

Plusieurs études ont démontré que l’utilisation de ces figures de styles, que nous utilisons dans la vie de tous les jours pour communiquer, sont efficaces pour expliquer la douleur.

Ceci étant elles dépendent de la culture et l’éducation de chacun. Donc si une analogie ne parle pas à un patient, trouvez-en une autre.

Pour cela construisez vos métaphores et analogies, avec vos expériences personnelles.  Vous pouvez aussi aller piocher sur les blogs, vidéos, ou alors dans certains livres (Painfull Yarns, Moseley L.)

  1. Remettez en cause le concept, et surtout pas vos patients

La meilleure façon de ruiner une relation praticien-patient, c’est de faire comprendre au patient qu’il n’a rien compris et qu’il est stupide.

C’est ce qui risque de se passer si vous remettez en cause ce qu’il croit penser. Certaines croyances sont comme de la superglue et si vous y ajouter de la confrontation, cela fait un mélange explosif qui détruira l’alliance thérapeutique.

Remettez en cause le concept, n’hésitez pas à vous excusez vous pour toutes les croyances que nos professions leur ont fait avaler depuis des décennies (médecins, chirurgiens, radiologues, kiné, ostéos, chiros, podologues…). Expliquez leur, qu’à notre décharge,  cela ne fait que 15 ans que nous avons fait un bond en terme de neurosciences  sur la douleur.

Si cela n’accroche pas, car leurs croyances sont trop ancrées, arrêtez tout, passez à autre chose, vous y reviendrez plus tard avec un autre exemple.

  1. Demandez à votre patient ce qu’il a compris de ce que vous lui avez dit

« Comment expliqueriez vous à vos amis et à votre famille ce que je viens de vous dire ? » Kieran O’Sullivan

C’est très important de s’assurer que l’information véhiculée soit bien perçue.

Tout malentendu doit être dissipé (espérons-le) avant qu’il ne se transforme en « idée virale » du type « on m’a dit que la douleur était dans ma tête ».

 Pour cela il peut être utile d’utiliser certains workbook (Greg Lehman) ou sites (http://www.retrainpain.org/francais). Demander au patient de le lire d’en faire le résumer et de le reporter à sa situation. Félicitez-le du travail de résumé, et apportez quelques informations complémentaires si nécessaire. Puis remettez ces informations dans le contexte du patient afin que cela donne du sens à sa problématique.

  1. Aucune recette ni protocole – Tout repose sur le patient

Ce qui marche avec une personne ne fonctionnera pas forcément avec une autre.

Certaines stratégies dans le domaine de la psychologie ont mis en avant la mise en exposition progressive.

 Pour cela les formations à l’entretien motivationnel permettent de guider le patient vers des buts qu’il fixe lui même en fonction de ses craintes et ses attentes. La thérapie cognitive et fonctionnelle (CFT) utilise ces méthodes et la combine à la thérapie manuelle.

  1. Le changement de paradigme n’est pas une science exacte et demande du temps

Comme déjà expliqué au point n°5, les croyances sont des ancrages profonds chez le patient, entretenues depuis longtemps par l’environnement social (famille, amis, collègues, thérapeutes, Dr Google…).

C’est rare qu’un patient sorte de votre consultation en ayant changé son point de vue sur sa situation et sur ses croyances.

Cela peut être un processus long et laborieux, et de temps en temps il sera plus simple pour certains patients de ne se reposer que sur vos traitements manuels passifs que d’entamer un changement.

  1. Le déclic du patient ne se fera pas forcément en votre présence

« It make sense », c’est ce que les patients disent de façon spontanée à la fin des consultations auxquelles j’ai assisté durant les workshop de Peter O’Sullivan. Cela m’a semblé si facile en apparence, mais de retour au cabinet il m’a fallu beaucoup de temps avant que ce moment se passe pendant la consultation. 

 Le plus souvent les patients ont une illumination à distance de la consultation, ils vous le témoigneront après : le changement de concept est un processus mystérieux qui peut se faire avec des déclics encore plus étranges.

  1. On ne peut pas parler de tolérance à un tissu anatomique 

L’un des éléments du modèle Bio-Psycho-Social* est le Bio comme biologique.

On peut aider les patients à leur faire prendre conscience de leur capacité bioplastique et du fait qu’il ne sont pas fragiles, mais cela ne signifie pas qu’ils vont accroitre d’un seul coup leur possibilité de mouvement.

C’est facile de comprendre le principe d’action : plus on bouge, plus il est facile de bouger de façon fluide et sécuritaire.

Mais on ne peut pas expliquer ce principe directement aux tissus anatomiques qui empêchent ce mouvement à cause de la douleur.

Cela serait plus facile si on pouvait parler directement de tolérance au tissu anatomique, mais  on s’adresse au patient.

Le but du travail sera de faire comprendre au patient que par la mise en situation progressive (pacing and graded exposure) il pourra  : diminuer sa sensibilisation nerveuse et augmenter la tolérance à la contrainte mécanique.

Pour cela les experts maniant les neurosciences et la prise en charge de la douleur vous donneront des applications pratiques dans différents domaines :

ou allerBen Cormack : Neurosciences et pratique clinique du mouvement

Philip Moulaert : Prise en charge des douleurs neurogéniques aigües et chroniques selon les Neurosciences.

Todd Hargrove : Neurosciences et méthode Feldenkrais

Greg Lehman : Réconciliation Neurosciences et Biomécanique

Eyal Lederman : Réhabilitation Neuro-Musculaire

Peter O’Sullivan : Thérapie Cognitive et Fonctionnelle, le plus complet à mon sens.

  1. Le Modèle Bio-Psycho-Social* est minoritaire dans les médias sociaux

 Pour les attentifs, j’avais dit 10 conseils et c’est le 11ième.

On pourrait penser que les médias sociaux sont inondés de neuroscience de la douleur, pour le plaisir de certains et le malheur des autres. Mais il suffit de regarder la réalité d’internet ou des formations, et c’est la douche froide : le monde actuel biomédical et son enseignement mettent encore en avant uniquement les facteurs biomécaniques et structurels dans la prise en charge de la douleur.

* Un post spécial sera consacré à la douleur et au modèle BPS de la prise en charge de la douleur.