Neurodynamique : Faut-il étirer les nerfs pour les soigner ?

 « Si le nerf est irrité, pourquoi mobiliser le nerf lui-même ? » Bob Elvey

Une revue narrative (Ellis 2021) sur les techniques de mise en tension des nerfs vient d’être publiée dans le Journal of Manual & Manipulative Therapy. 

Elle détaille les potentiels effets de ces techniques et discute de leur intérêt. Je reprendrais dans ce billet certains de leurs points de vue et je complèterais par d’autres références ne figurant pas dans leur article. 

Ce billet commence par la présentation des techniques neurodynamiques, puis détaille le rationnel physiologique du concept, ensuite il aborde l’efficacité de ces techniques dans la prise en charge des problèmes de nerfs pour enfin conclure sur le cadre clinique de l’utilité de ces techniques.

Les tests neurodynamiques : 

Les tests de provocation neurodynamiques sont généralement utilisés dans le cadre de la prise en charge des douleurs irradiantes.

Ces tests tentent de déterminer si les symptômes d’un patient sont liés à l’augmentation de la mécanosensibilité nerveuse (voir ci-dessous) :

Les deux types possibles de mécanosensiblité du nerf en cas d’inflammation ou de compression

Ils mettent en place une combinaisons spécifiques de mouvements du rachis et des membres en appliquant des forces mécaniques à une partie du système nerveux (Coppieters et Nee 2015). 

L’exemple ci-dessous (Walsh 2005) illustre la combinaison du test de provocation du nerf médian (Upper Limb Neural Provocation Test).

L’exemple du nerf médian ci-dessus, nous montre que d’autres structures non neurales sont mises en tension par cette manœuvre. 

Il serait logique de penser que ces tests ne sont pas spécifiques du tissu neural.

Ceci étant la douleur produite par injection d’une solution saline soit dans le mollet, soit dans l’éminence thénar, n’est ni reproduite, ni augmentée en appliquant une différentiation structurelle au nerf médian (cadran F du schéma ci-dessus), au nerf sciatique ou au Slump test (Coopieters et al 2005, Coppieters et al 2006). 

Ces données suggèrent que ces tests peuvent potentiellement être utilisés pour distinguer une douleur nociceptive musculaire, d’une douleur liée à l’augmentation d’une mécanosensibilité nerveuse.

Ces tests neurodynamiques ont fait l’objet de multiples études biomécaniques sur le tissu neural (in-vitro, in-vivo et ex-vivo), ainsi que d’études de fiabilité et de validité clinique (Coppieters et Nee 2015) qui permettent de les considérer utiles pour mettre en évidence uniquement la mécanosensibilité du SNP.

La prise en charge neurodynamique

Dans cadre du traitement des douleurs irradiantes les techniques neurodynamiques font référence aux méthodes thérapeutiques qui réduisent la charge sur le SNP tout en facilitant le mouvement entre les interfaces mécaniques et le SNP (Coppieters et Nee 2015) : 

  • Soit les techniques ciblent la mobilisation du nerf lui-même (par techniques de glissement : le ‘sliding’ ou ‘gliding’, ou par mise en tension : le ‘tensioning’) ; 
  • Soit, elles ciblent les interfaces mécaniques (Coppieters 2008).

L’indication de mobiliser le SNP et/ou les structures qui l’entourent dépend de nombreux facteurs : les mécanismes neurophysiologiques impliqués, l’irritabilité du SNP, le stade de guérison des tissus, la pathoanatomie, les réponses aux tests…. 

Les premiers cliniciens qui ont commencé à conceptualiser l’idée de mobiliser le système nerveux comme approche thérapeutique, ont créé des techniques qui ressemblaient aux tests neurodynamiques : les techniques de mise en tension ou de neurotension (les ‘tensioners’).

Un exemple de neurotension du nerf médian (figure ci-dessous) serait : en position de rotation latérale/abduction 90°, partir du coude fléchi, poignet fléchi, et de tendre le coude et le poignet : 

                                                            Tensioning par Coppieters et al 2008

Certains cliniciens ont ensuite constaté que ces techniques pouvaient être agressives et ont développé le concept des techniques de neuroglissement : il s’agit ici de bouger deux articulations de telle sorte qu’un mouvement contrebalance l’augmentation de la tension nerveuse causée par un autre mouvement. 

Un exemple de neuroglissement/sliding du nerf médian (figure ci-dessous) serait : en position de rotation latérale/abduction 90°, de partir du coude fléchi, poignet en extension, et de tendre le coude tout en fléchissant le poignet : 

            Sliding par Coppieters et al 2008

Lors des techniques de neuroglissement, il y a moins de contraintes de tension nerveuse alors que l’excursion du SNP par rapport aux structures environnantes est beaucoup plus importante (Coppieters 2008).

Le rationnel physiologique des techniques neurodynamiques : 

Les suppositions physiologiques ont évolué avec le temps et la recherche. 

Historiquement le paradigme de mise en tension des nerfs répondait à un raisonnement de causalité linéaire identique à celui des muscles trop tendus (ou pas assez souples) « causant » la douleur musculaire.

Ce raisonnement découlait de la réponse aux tests de mise en tension du nerf. Ceux-ci en plus de provoquer de la douleur, mettait en évidence une restriction de mobilité le long de la course du nerf, induisant ainsi le postulat que le nerf a un problème de « tension » ou de « glissement ».

Schaclock 2005, décrit les termes de ‘dysfonction de tension neurale’ et de ‘dysfonction de glissement neural’ étant la cause du problème de nerf. Pour traiter la douleur et le problème de nerf, la solution serait de traiter la « dysfonction » d’élasticité ou de mobilité en tirant dessus ou en redonnant du glissement.

Plusieurs études mettent en évidence que la restriction de mouvement détectée lors des tests n’est pas due à un défaut de compliance du nerf (dysfonctionnement de tension ou de glissement) mais est due à la protection du nerf par une réponse musculaire (Hall 1998, Balster 1997, Coppieters 1999, vanderHeide 2001). On abandonne le terme de Test de Tension Neural pour le terme de Test de Provocation Neural (Schmid 2018).

A ce jour, il n’existe  aucune relation de causalité linéaire entre une « dysfonction » de compliance nerveuse et un trouble du système nerveux périphérique (Walsh 2011).

Aujourd’hui l’objectif thérapeutique de ces différentes techniques s’est recentré sur la restauration de l’homéostasie du SNP. Il est fondé sur certaines études in-vitro, in-vivo animales et humaines.

Les revues d’Ellis 2021 et de Walsh 2011, fournissent plusieurs données physiologiques intéressantes : 

  • Une étude in-vitro montre qu’une tension répétée de 0.1 à 1% d’étirement sur des neurones sensitifs et moteurs dans une boite de Petri permet la croissance nerveuse. Une autre étude ex-vivo chez des rats, montre que la même tension (0.1-1%) sur des ganglions de racine dorsale permet la repousse nerveuse. Par contre avec des niveaux d’étirement supérieur cela provoque de la mort neuronale.
  • Sur des modèles animaux in-vivo, sur lesquels on a généré des lésions nerveuses, la mobilisation neurale diminue la secrétion de cytokines pro-inflammatoire, réduit la fibrose neurale, permet la régénération neurale et augmente la production de récepteurs opioïdes endogènes.
  • La structure de l’axoplasme est celle d’un fluide de Bingham répondant à une mécanique non-newtonienne (Rubinson 1978). Ses propriétés mécaniques d’élasticité et d’écoulement dépendent de contraintes de cisaillement et déformation (un peu comme le dentifrice ou la mayonnaise). Grâces à de nouvelles techniques d’imagerie comme l’élastographie par onde de cisaillement, on peut mesurer l’indice de rigidité du nerf qui est différente sur des nerfs sains et des nerfs malades (neuropathies chimiques et mécaniques). Les techniques de neurotension semblent améliorer l’indice de rigidité du nerf.
  • Enfin certaines études suggèrent que les techniques de neuroglissement pourraient participer à la dispersion des fluides et de l’oedème endoneural en cas de neuroinflammation (Schmid 2018)

L’efficacité des techniques neurodynamiques : la balance bénéfice/risque

Les bénéfices des techniques : 

Plusieurs revues systématiques concluent un peu toutes la même chose : le faible niveau méthodologique de la plupart des études ne permet pas de conclure définitivement de l’efficacité des techniques neurodynamiques.

Ceci étant les données montrent que, quand on compare les échantillons à des groupes contrôles ou à un placebo, le traitement neurodynamique aide sur la diminution de la douleur et sur la récupération fonctionnelle dans les problèmes de douleur radiculaire cervical, lombaire, et dans le syndrome du canal carpien (Basson 2017, Núñez de Arenas-Arroyo 2021). 

Maintenant, si on compare ces techniques uniquement à d’autres traitements de thérapie manuelle ou à de l’exercice physique, il n’y a pas de supériorité de l’efficacité des techniques neurodynamiques (Basson 2017, Su 2016) dans la prise en charge des douleurs neuropathiques.

Dans le cas du syndrome du canal carpien, les techniques neurodynamiques n’apporte aucun bénéfice à un traitement d’attelle et de mobilisation de tendons (Page 2012).

Les raisons possibles pour laquelle on ne voit pas d’efficacité propre de ces techniques, pourrait être due au fait que dans la plupart des études :

  • Il ne semble pas y avoir d’indication claire sur la durée, le dosage, la fréquence ou le type de technique à utiliser (Walsh 2005);
  • Il n’y a pas encore de phénotypage des patients, c’est-à-dire que l’intervention n’est pas adaptée à la bonne classification.

Pour comparaison nous pouvons prendre l’exemple de la prise en charge médicamenteuse des douleur neuropathiques par compression du nerf sciatique. Une revue systématique montre que l’efficacité des anti-inflammatoires non stéroïdiens, des corticostéroïdes, des antidépresseurs, des neurotropes, des myorelaxants et des opioïdes, n’est pas mieux que celle du placebo (Pinto 2012). 

Maintenant si l’on regarde dans la méthodologie de cette revue de littérature, l’éligibilité d’inclusion des études comprenaient pour le terme ‘sciatique’ des diagnostics complètement différents : radiculopathie, douleur radiculaire, compression de racines nerveuses, douleur irradiant sous le genou…

L’utilité d’une classification ou d’un phénotypage : 

Aujourd’hui il existe un phénotypage de douleurs neuropathiques qui permettent d’adapter au mieux le type de traitement en fonction du résultat du testing quantitatif sensoriel (Baron 2017).

Ci-dessous sont présentés sur 902 patients présentant des douleurs neuropathiques, une classification en sous-groupe : 

  • Un groupe nommé « Groupe Perte de Fonction » pour lequel on retrouve :  une perte de fonction sur les grosses fibres (seuil de détection à la vibration au pinceau) et sur les petites fibres mécaniques (seuil de détection de la douleur à la pression et à la piqure) et thermiques (détection du chaud et du froid) ;
  • Un groupe nommé « Groupe Hyperalgésie Mécanique » pour lequel on retrouve :  un gain de fonction sur les petites fibres mécaniques (hyperalgésiee à la piqûre, à la pression, une allodynie au pinceau et un wind-up augmenté) avec une perte de fonction sur les grosses fibres et les petites fibres thermiques ;
  • Un groupe nommé « Groupe Hyperalgésie Thermique » pour lequel on retrouve :  un gain de fonction sur les petites fibres thermiques (hyperalgésie au froid et au chaud) avec une perte de fonction sur les grosses fibres.

Différentes études montrent que les sous-groupes ne sont pas répondant aux mêmes médicaments : par exemple le groupe perte de fonction répond mieux aux opioïdes, le groupe hyperalgésie mécanique à la prégabaline (Lyrica), et le groupe hyperalgésie thermique à l’oxcarbazépine (Trileptal).

Concernant la thérapie manuelle, une équipe australienne a conduit une démarche similaire de création de classification à laquelle ils ont appliqué un traitement neurodynamique adapté à la classification.

Dans un premier temps ils ont proposé une sous-classification des lombalgies irradiantes dans le membre inférieur selon les mécanismes neurophysiologiques impliqués dans le problème de nerf. 

En fonction des signes et symptômes retrouvés à l’examen clinique ils ont décrit 4 groupes de patients (Schafer et al 2009 a) : 

  • Un groupe « Sensibilisation Neuropathique (SN) » défini par un score supérieur à 12 au LANSS (Leeds Assessment of Neuropathic Symptoms and Signs, qui est un questionnaire de dépistage de douleur neuropathique comme le DN4)
  • Un groupe « Dénervation (D) » défini par une perte de fonction d’au moins 2 sur 3 tests neurologiques (Réflexe, Force Motrice, Sensibilité)
  • Un groupe « Sensibilisation Nerveuse Périphérique (SNP) » défini par des tests de mécanosensibilité positifs à la provocation (SLUMP, Lasègue, Léri) et/ou à la palpation des nerfs (allodynie à la palpation des nerfs sciatique, tibial, fibulaire ou fémoral)
  • Un groupe « Musculosquelettique (M) » ne répondant à aucun des critères ci-dessus et pour lesquels les tests de provocation déclenchaient une douleur référée somatique. 

Ils ont ensuite soumis cette classification à 5 experts qui ont triés 40 patients pour vérifier la fiabilité de cette classification selon l’algorithme ci-dessous (Schäfer et al 2009 b) : 

Après avoir démontré la fiabilité de cette classification ils ont appliqué cet algorithme pour trier 77 patients, à qui ils ont appliqué sept interventions de mobilisation neuronale deux fois par semaine, intégrant deux techniques de mobilisation passive visant la mobilisation des structures neurales dans le foramen intervertébral : une technique de mobilisation d’interface lombaire et une technique de sliding par le nerf sciatique (Schafer et al 2011).

Le principal résultat de cette étude était une réponse positive au traitement, défini comme l’obtention d’un Changement Minimal Cliniquement Important (CMCI) sur la douleur, l’incapacité et sur le changement global perçu par le patient, évalués par les questionnaires : EVA, RMDQ et GPC.

La proportion de répondeurs était significativement plus importante dans le groupe SNP (56% des patients atteignant le CMCI) que dans les trois autres groupes (NS 11%, p=0,02 ; D 15%, p=0,026 et M 11%, p = 0,016).

Il semble donc que ce ne sont pas les techniques neurodynamiques qui soient efficaces mais bien leur utilisation au sein d’une classification basée sur les mécanismes neurophysiologiques impliqués dans le problème de nerf.

Les risques potentiels de la neurotension

Dans le cas des douleurs neuropathiques les techniques de neurotension seraient susceptibles d’aggraver la situation.

Tout d’abord on sait que ces tests déclenchent des douleurs et des paresthésies chez des personnes asymptomatiques (Coppieters 2001).

D’autre part plusieurs revues montrent que la mise en tension des racines nerveuses est délétère et pourrait être source de radiculopathie et de douleur neuropathique (Kitab 2009, Berthelot 2018).

Différentes études physiologiques animales montrent aussi que la mise en tension des racines et des nerfs, qu’elle soit maintenue (Haftek 1970, Kwan 1992, Lundborg 1973, Ogata 1986) ou répétée (Watanabe 2001), diminue la perfusion du nerf, et entraine un défaut de conduction.

D’autres études in vivo montrent les mêmes conséquences sur les racines lombaires par mise en tension du nerf sciatique (Takamori 2011) ou sur la mise en tension du nerf médian chez les personnes atteintes du canal carpien (Ginanneschi 2015). 

Les enregistrements électriques in vitro et in vivo montrent des décharges ectopiques suite à l’étirement physiologique ou la compression de nerfs inflammés (Bove 2003, Dilley et Lynn 2004, Greening 2005), « qui pourraient conduire à une cascade de changements au sein du système nerveux central, dont certains peuvent entraîner de la douleur chronique » (Greening 2007)

Pour mettre en perspective ce risque il convient de dire que ces effets délétères dépendent des caractéristiques de la mise en tension, telles que l’allongement, la durée, la charge et la fréquence et du tissu nerveux (et qu’il n’existe quasiment aucune preuve clinique de bon dosage !!!!).  

Sont détaillés ci-dessous les résultats d’études que vous retrouverez dans les  articles de Walsh 2005, Berthelot 2018 et d’Ellis et al 2021,  : 

  • Chez les animaux en fonction des nerfs un étirement au-delà de 6 à 8 % de la longueur du nerf, entraine une diminution de perfusion avec perte de conduction, entre 11 à 18%, l’occlusion est complète;
  • 3 à 5 % d’étirement suffisent à déclencher de la mécanosensibilité d’un nerf inflammé sur des modèles animaux;
  • Le nerf médian se déchire à partir de 20% d’étirement.
  • Après 2 à 11 minutes d’occlusion l’enregistrement EMG montrent que les muscles autour des nerfs deviennent irritables.  
  • En fonction du temps de mise en tension prolongée certaines pertes de fonction peuvent être irrécupérable (12% d’étirement pendant 50 minutes, faut le vouloir !!!)
  • Les pertes de fonction enregistrées apparaissent après la répétition de traction (60-120 cycle/heure, faut vraiment le vouloir !!! ).

Si on compare les valeurs de tension à la vraie vie de tous les jours : 

  • Une abduction d’épaule 180° provoque un étirement du plexus brachial de 3 à 23% en fonction des personnes;
  • Certains mouvements combinés du membre supérieur exposeront les nerfs médian, radial et ulnaire à une tension respective de 18%, 12% et 10%;
  • Se pencher en avant tend le nerf sciatique de 10,5%, un test de Lasègue (SLR) tend le nerf sciatique de 12 %

En prenant du recul sur le fait que les mesures sont faites soit sur des animaux soit sur des cadavres, et que les tissus vivants n’ont pas vraiment la même compliance (Ma et al 2013), on constate tout de même que certains mouvements sont dans des limites de mise en contrainte dommageable pour les nerfs. 

Mais surtout on a aucun moyen dans la vie de tous les jours ni dans l’examen clinique de déterminer l’importance de la tension du nerf.

L’application pratique de ces informations est que :

Les tests de provocation, doivent être mis en place avec prudence, douceur et lenteur en ayant le feedback continuel du patient sur ce qu’il ressent (douleur, paresthésies…) car le clinicien n’a aucun moyen valide de déterminer le pourcentage de mise en tension exacte ;

Les techniques de neurotension doivent être encadrées d’une évaluation et d’un suivi régulier de la fonction système nerveux périphérique pour vérifier que l’homéostasie du SNP est respectée.

En conclusion …

Les techniques neurodynamiques avec l’application d’une tension optimale favoriseraient  l’homéostasie du nerf.

Il n’y a pas d’études qui soutiennent le dosage approprié (durée, fréquence ou amplitude) dans l’application des techniques, ce qui laisse seul le clinicien déterminer ces paramètres.

L’utilisation de ces techniques sans classification n’est pas mieux que faire n’importe quelle autre technique ou exercice.

Quand le nerf est mécanosensible les techniques de neurotension sont contre-indiquées.

Les techniques de neurotension ont un risque d’aggravation qui dépend du pourcentage d’étirement du nerf, lui-même ne pouvant pas être déterminer cliniquement.

L’évaluation de la fonction (examen neurologique avec testing quantitatif sensoriel) doit être suivi régulièrement tout au long du traitement si on décide d’utiliser ces techniques.

Si vous souhaitez en savoir plus sur la prise en charge des douleurs irradiantes liées aux problèmes de nerfs, je vous invite à venir me rencontrer en présentiel.

PS : Il y a forcément un biais de sélections et d’interprétation dans cet article étant donné que j’ai retiré les techniques de neurotension dans ma pratique, jugeant la balance bénéfices/risques défavorable.

Ceci étant voici à titre d’indication en fonction des situations cliniques quelles seraient les techniques les plus appropriées :

Bibliographie

Balster SM, Jull GA. (1997) Upper trapezius muscle activity during the brachial plexus tension test in asymptomatic subjects. Man Ther.

Basson A et al (2017). The effectiveness of neural mobilization for neuromusculoskeletal conditions: a systematic review and meta-analysis. J Orthop Sports Phys Ther

Bove GM et al. (2003) Inflammation induces ectopic mechanical sensitivity in axons of nociceptors innervating deep tissues. Journal of Neurophysiology 

Dilley A, Lynn B. (2004) Stretch responses of axons in regions of local inflammation in rat peripheral nerves. Comparative Biochemistry and Physiology A-Molecular and Intergrative Physiology 

Coppieters MW, Stappaerts KH, Everaert DG, Staes FF.(1999) A qualitative assessment of shoulder girdle elevation during upper limb tension test 1. Man Ther.

Coppieters MW et al (2001) Addition of Test Components During Neurodynamic testing:Effect on Range of Motion and Sensory Responses. J Orthop Sports Phys Ther.

Coppieters MWet al. (2005) The impact of neurodynamic testing on the perception of experimentally induced muscle pain. Man Ther.

Coppieters MW et al. (2006). An experimental pain model to investigate the specificity of the neurodynamic test for the median nerve in the differential diagnosis of hand symptoms. Arch Phys Med Rehabi. 

Coppieters MW, Butler DS. (2008) Do ‘sliders’ slide and ‘tensioners’ tension? An analysis of neurodynamic techniques and considerations regarding their application. Man Ther.

Coppieters M, and Nee RJ. (2015) Neurodynamic management of the peripheral nervous system. In:Jull G, Moore A, and Falla D, et al. editors. Grieve’s Modern Musculoskeletal Physiotherapy. 4th ed Elsevier.

Ellis R et al. (2021). Neurodynamics: is tension contentious? J Man Manip Ther. 

Ginanneschi F et al. (2015) Sensory axons excitability changes in carpal tunnel syndrome after neural mobilization. Neurol Sci. 

Greening J, Dilley A, Lynn B. (2005) In vivo study of nerve movement and mechanosensitivity of the median nerve in whiplash and non- specific arm pain patients. Pain. 

Haftek J. (1970) Stretch injury of peripheral nerve: acute effects of stretching on rabbit nerve. J Bone Joint Surg Br. 1970

Hall T, Zusman M, Elvey R, (1998) Adverse mechanical tension in the nervous system? Analysis of straight leg raise.Manual Therapy.

Kitab SA, Miele VJ, Lavelle WF, et al. (2009) Pathoanatomic basis for stretch-induced lumbar nerve root injury with a review of the literature. Neurosurgery

Kwan M, et al. (1992) Strain, stress, and stretch of peripheral nerve: rabbit experiments in vitro and in vivo. Acta Orthop Scand. 

Lundborg G, Rydevik B. (1973) Effects of stretching the tibial nerve of the rabbit. A preliminary study of the intraneural circulation and the barrier function of the perineurium. J Bone Joint Surg Br. 

Ma Z, et al 2013 In vitro and in vivo mechanical properties of human ulnar and median nerves. J Biomed Mater Res A.

Ogata K, Naito M (1986) Blood flow of peripheral nerve effects of dissection, stretching and compression. J Hand Surg Br. 

Page M, O’Connor D, Pitt V, et al. (2012) Exercise and mobilisation interventions for carpal tunnel syndrome Cochrane Database Syst Rev.

Rubinson KA, Baker PF(1979) The flow properties of axoplasm in a defined chemical environment: influence of anions and calcium. Proc R Soc Lond B Biol Sci. 

Schäfer A et al. (2009a) Classification of low back- related leg pain—a proposed patho-mechanism-based approach. Man Ther.

Schäfer A et al. (2009b) Interrater reliability of a new classification system for patients with low back related leg pain. J Man Manip Ther.

Schafer A et al. (2011) Outcomes differ between subgroups of patients with low back and leg pain following neural manual therapy: a prospective cohort study. Eur Spine J.

Schmid AB, Hailey L, Tampin B. (2018) Entrapment Neuropathies: Challenging Common Beliefs With Novel Evidence. J Orthop Sports Phys Ther.

Su Y, Lim ECW.  (2016) Does Evidence Support the Use of Neural Tissue Management to Reduce Pain and Disability in Nerve-related Chronic Musculoskeletal Pain? The Clinical Journal of Pain.

Takamori Y, Arimizu J, Izaki T, Naito M, Kobayashi T. (2011) Combined measurement of nerve root blood flow and electrophysiological values: intraoperative straight-leg-raising test for lumbar disc herniation. Spine 

vanderHeide B, Allison G, Zusman M. (2001) Pain and muscular responses to a neural tissue provocation test in the upper limb. Man Ther.

Walsh M. (2005) Upper limb neural tension testing and mobilization: fact, fiction, and practical approach. J Hand Ther. 

Walsh MT. (2011) Interventions in the disturbances in the motor and sensory environment. J Hand Ther.

Watanabe M et al (2001) The implication of repeated versus continuous strain on nerve function in a rat forelimb model. J Hand Surg Am. 

Mieux comprendre la prise en charge des tendinopathies en thérapie manuelle (le modèle du continuum de Cook et Purdam)

Capture d_écran 2017-07-10 à 14.19.40

 

Ce post fait suite au précédent « ce qu’il faut savoir sur les tendinopathies » (traduit du Dr P. Malliaras) dont les conseils sont tirés d’une compréhension nouvelle sur la physiologie du tendon et des dernières recherches.

En 2009 Jill Cook et Craig Purdam présentent un modèle pathologique pour expliquer la présentation clinique de la tendinopathie induite par la charge.

Jusqu’à présent ce modèle de compréhension est le plus à jour en terme de preuves histologiques et d’applications thérapeutiques concrètes.

Ce modèle à été revu en 2015 par un update.

Le post ci dessous est à but informatif afin que les thérapeutes puissent comprendre le modèle physiopathologique de la tendinopathie.

 

  1. Le Tendon normal :

 

Le tendon est une structure complexe, constitué de fibres collagène au sein d’une matrice extra cellulaire.

Les facteurs clés du tendon sont les tenocytes qui produisent cette matrice extra cellulaire.

Entre les fibres de collagène , la décorine (protéoglycane) est maintenue par des chaines de GAG, permet la viscoélasticité du tendon.

Tendon1

Image remaniée disponible sur la vidéo explicative ici

Cette structure permet de réagir à la mise en charge. Lors d’une mise en charge normale avec des phases de réccupération, l’activité cellulaire est stimulée et le tendon renforce progressivement sa structure.

Cette configuration permet au tendon de s’adapter et de résister à la charge de 8 fois le poids du corps (c’est un truc à dire au patient pour lui donner confiance !!)

Capture d_écran 2017-07-10 à 14.28.38

 

  1. Stade 1 : Tendinopathie réactive

Quand le tendon est soumis à la charge l’espace entre les fibres de collagène est réduit et cela augmente la pression extra cellulaire.

Si celle ci est répétée dans le temps (sans phase de repos permettant la protéolyse), elle pourrait être à l’origine de la réorganisation cellulaire que l’on remarque dans les tendinopathies.

La mécanotransduction modifie la forme des tenocytes. Cela augmente la production d’agreccan (protéoglycane plus grosse et hydrophyle). Les cellules imbibent d’eau la matrice extra cellulaire.

Celle-ci augmente et écarte les fibres de collagène, c’est pour cela que le tendon s’épaissit. Il n’y a pas de présence de cellules inflammatoires ni d’oèdeme.

Les tenocytes libèrent des substances nociceptives (acetylcholine et glutamate) qui peuvent être source de douleur.

TEndon2

Image remaniée disponible sur la vidéo ici

A ce niveau l’état du tendon est intacte et réversible, Cook et Purdam décrivent ce stade comme « une adaptation à court-terme liée à la surcharge qui épaissit le tendon, réduit le stress et augmente la raideur »

 

Cette adaptation à court terme se voit dans plusieurs cas cliniques :

  • La répétition de mise en charge trop importante sur un tendon normal;
  • La mise en charge d’un tendon qui n’a pas l’habitude de la charge ((stress shielded);
  • Un choc direct sur le tendon (ex : pattellaire).

Il est intéressant de noter que si un tendon est protégé de toute charge (« stress shielded »), il sera métaboliquement moins apte à réagir à une charge anormale.

La démarche de récupération implique :

  1. Réduire la charge en compression directe du tendon et en tension (donc pas d’étirement !!!)
  2. Une remise en charge adaptée et progressive en étant attentif à l’état de sensibilisation de la zone.
  3. Effet antalgique :
    • Bien qu’il n’y ait pas d’inflammation l’équipe de Cook et Purdam ne sont pas contre l’utilisation d’AINS en phase aigüe à visée antalgique, mais leur avis n’est pas partagé.
    • Les exercices isométriques ont aussi un  effet antalgique.

 

Capture d_écran 2017-07-10 à 13.42.18

Les zones de compression de tendons ont été décrites par Cook et Purdam 2012 :

Tendon 5 compression

Et ils donnent des conseils pour modifier ces compressions avec le niveau d’efficacité correspondant :

Tendon6 stratégie

 

Les points clés à retenir (Magnusson et al 2010, Cook et Purdam 2009) :

  • Les tendons sont des structures métaboliquement actives qui répondent à la mise en charge;
  • La mise en charge entraine une création de proteïnes et une destruction de collagène;
  • Sans un repos suffisant (de 24H après l’effort), la perte de collagène peut entrainer une faiblesse dans la structure du tendon;
  • Il n’y a pas d’œdème inflammatoire car la tendinopathie n’est pas un processus inflammatoire (c’est pour cela que le terme de tendinite est abandonnée);
  • Une néovascularisation et la création de nerfs pendant la phase réactive de la tendinopathie disparaît avec la guérison;
  • La pathogénèse de la tendinopathie peut être accélérée par la surcharge répétée.

 

 

  1. Stade 2 : Tendon Remanié

Lors de cette phase, il apparaît les changements structurels réversibles du type :

  • Augmentation du nombre de cellules (chondrocytes et myofibroblastes)
  • Augmentation de toutes les protéoglycanes, en général.
  • Production de collagène de type 3
  • Croissance d’une néovascularisation à l’intérieur de la matrice
  • Croissance de fibres nerveuses sensibles à la substance P

 

Tendon3

Cette pathologie a été retrouvé chez les jeunes sportifs, mais peut aussi apparaître dans différentes populations en fonction de l’âge et du contexte de mise en charge (les personnes agées raides peuvent développer ce type de modification sous faible charge).

Ces tendons sont épaissis avec des changements plus localisés dans une zone du tendon et sont diagnostiqués par l’échographie.

Une certaine réversibilité de la pathologie est encore possible avec la gestion de la charge et l’exercice pour stimuler la structure matricielle.

  1. Stade 3 : Tendinopathie dégénérative

Les changements structurels deviennent permanents avec moins d’activité cellulaire.

Le collagène de type III remplace le collagène de type I : ces fibres sont plus fines et plus fragile, donc mois résistantes à la mise en tension et à la mise en charge.

Tendon4

Il y a peu de capacité de réversibilité des changements pathologiques à ce stade. Il existe une hétérogénéité considérable de la matrice dans ces tendons, avec des îlots de pathologie dégénérative intercalés entre d’autres stades de la pathologie et du tendon normal.

La récupération n’est pas impossible car certaines études ont montrées certains changements avec une mise en charge adaptée mais la récupération morphologique ne peut pas être complète.

Ce stade n’est pas forcément symptomatique (de nombreuses études montrent ces anomalies sur de patients asymptomatiques).

Ceci étant les parties dégénératives du tendon apparaissent mécaniquement silencieuses et structurellement incapables de transmettre la charge de traction, ce qui peut entraîner une surcharge dans la partie normale du tendon et se traduire par une tendinopathie réactive dans la partie non atteinte (Cook et al 2015) :

 

Tendon8cook

 

Le cas clinique se présente souvent chez un patient qui présente un tendon sensible depuis quelques temps, et qui remarque une zone plus dure et noduleuse à la palpation. Si dans le même temps la douleur augmente proportionnellement à l’entrainement, le patient pourrait développer une tendinopathie réactive sur un tendon dégénératif chronique.

Dans ce cas les principes liés à la prise en charge de la tendinopathie réactive s’appliquent : gestion de la charge (évitement compression/tension), démarche antalgique (médicaments, isométriques) jusqu’à la disparition de la douleur.

Pour un tendon douloureux chronique sans augmentation soudaine de douleur, il sera conseillé, pour modifié la structure du tendon de faire un mix avec  : un travail sur la  modification de la charge, des exercices (isométriques/exentriques) de renforcement et une remise en situation progressive au sport pratiqué.

Dans ce cas il est important de noter quels sont en pratique les situations qui aggravent les symptômes pendant l’entrainement (le workbook de Greg Lehman peut être très utile).

Les phases de repos seront tout aussi importantes (3 jours entre les efforts intenses mais certains sportifs n’auront besoin que d’un jour)

 

4. La prise en charge en thérapie manuelle, quoi faire et que disent les preuves ?

 

Tout d’abord pour résumer la prise en charge selon le continuum (figure ci-dessous) :

Capture d_écran 2017-07-10 à 14.19.40

Elle est doit être guidée par le stade dans lequel le tendon se situe.

Cook et Purdam le décrivent ainsi en quelques mots : « une personne âgée avec un tendon dur et noduleux a plus de chance de développer un tendon dégénératif, inversement, un jeune athlète après une surcharge aigue avec un gonflement fusiforme de son tendon a plus de chance d’avoir une tendinopathie réactionnelle ».

Pour comprendre qu’est ce peut apporter la thérapie manuelle passive dans la prise en charge dans la tendinopathie :

  • Il faut d’abord constater que l’exercice et la remise en charge adaptée sont le plus efficace, et que la thérapie manipulative passive (massage, manipulation, ultrason…) ne fonctionne pas ou même entretient la tendinopathie (voir post précedent )
  • Et c’est tout a fait logique lorsque l’on regarde les phénomènes histologiques des différents stades de la tendinopathie, le tendon se renforce par la mise en charge (donc par de l’actif et non du passif).
  • D’autre part les techniques passives n’accélèrent pas la guérison des tissus et même si il fallait croire que les techniques ostéopathiques peuvent aider à « drainer » l’inflammation, il n’y a pas d’inflammation dans la tendinopathie, ce n’est donc pas justifié.

 

Que pourrait donc bien faire un ostéopathe de plus qu’un kinésithérapeute dans la prise en charge d’une tendinopathie sachant que ce dernier est bien plus compétent que lui en terme de protocole de remise en charge et d’exercices (isométrique, excentrique, contrôle moteur, force, puissance, endurance, variabilité etc…) ?

Pour information voici l’exemple d’un programme de physiothérapie sur la prise en charge des tendinopathies achiléennes (Sibernagel et Crossley 2015) :

Tendon7Sibernagel

 

En 2015 Cook et al revisitent leur modèle de départ et soulèvent tout de même un point important. Les caractéristiques structurelles de modifications pathoanatomiques du tendon ne suggèrent pas qu’il existe une relation directe entre la structure, la douleur et la dysfonction. Il existe pléthore d’études sur des sujets asymptomatiques montrant des anomalies structurelles sans douleur (voir nociception versus douleur)

Dans une tendinopathie il s’agit de gérer la structure, la fonction et LA DOULEUR.

Cette douleur peut empécher la bonne récupération de la fonction et de la structure si elle n’est pas bien gérée. Rappelez vous des composantes de la douleur dans le modèle Bio-Psycho-Social : la catastrophisation, la peur, la souffrance, la détresse… que cette douleur peut entrainer. Dans ce cas la douleur peut maintenir un cercle vicieux et il est important de faire sentir au patient que son corps peut aller mieux.

Greg Lehman dans son modèle de parapluie BPS, propose avant de remettre en charge de désensibiliser le système nerveux.

Tendon greg

 

C’est dans la partie de désensibilisation que la thérapie manuelle passive pourrait avoir un rôle à jouer : diminuer la sensibilisation du système d’alarme.

Les techniques passives de thérapie manuelle permetteraient de modifier la sensibilisation du système d’alarme.

En effet elles pourraient créer un changement de perception transitoire (actions neurobiologiques périphériques et centrales) qui permettrait : une meilleure mobilité, moins d’allodynie, une diminution des symptômes, des modifications sensori-motrice…(Bialosky 2009, Sampath 2015, Lascurain 2016, D’Alessandro 2016 )

Bialosky simplifié 2

A mon humble avis, c’est bien la seule contribution que l’ostéopathe pourra apporter à un patient souffrant d’une tendinopathie : du confort dans la perception de sa manière de bouger avec moins de douleur.

Ce qui dans certaines situations peut être très complémentaire d’une réhabilitation qui pour n’importe quelle raison peut stagner.

Le danger est de faire croire au patient que notre traitement va le soigner, ou même l’aider à récuperer plus vite : c’est tout simplement faux et surtout le patient pourrait croire qu’il a besoin de thérapie passive pour guérir.

Le pire serait de lui faire croire que sa tendinopathie s’est installée à cause d’un « pseudo-déséquilibre » biomécanique que nous aurions la prétention de corriger, ou encore que nos manipulations le  protègent d’une future tendinopathie.

Rappelez vous que le  corps est  solide et adaptable : un tendon achilléen peut supporter 8 fois le poids du corps alors que dans la course à pied lors de l’appui monopodal, il n’est soumis qu’à 2,5 fois le poids de son corps.

Mon conseil, est que si vous connaissez un kinésithérapeute à côté de chez vous qui est sensibilisé au modèle de Cook et Purdam, confiez lui la prise en charge de  la réhabilitation de la tendinopathie. Il sera bien plus à jour que vous sur les différentes options de prise en charge (y compris l’échographie du tendon).

Accompagnez simplement vos patients quand ceux-ci en sentent le besoin au cours de leur réhabilitation en étant conscient de l’état du tendon (réactionnel ou dégénératif).

Si ce n’est pas le cas vous pouvez vous former sur ces approches auprès de Jill Cook et Ebony Rio ou encore Eyal Lederman ou Ben Cormack.

 

louisgiffordVoici en conclusion les mots de Louis Gifford :

« Si votre thérapeute ne fait qu’un “TRAITEMENT PASSIF” et oublie la partie active de réccupération fonctionnelle (i.e comment bouger et réccupérer progressivement), alors de mon point de vue, VOUS PERDEZ VOTRE TEMPS.”

 

 

 

 

 

Bialosky, J.E., Bishop, M.D., Price, D.D., Robinson, M.E., George, S.Z., 2009. The mechanisms of manual therapy in the treatment of musculoskeletal pain: a comprehensive model. Manual Therapy ; 14: 531-538

Cook JL etPurdam CR. Br J Sports Med 2009;43:409–416. doi:10.1136/bjsm.2008.051193

Cook JL, et al. Br J Sports Med 2016;0:1–7. doi:10.1136/bjsports-2015-095422

Cook JL, Rio E, Purdam CR, et al. Br J Sports Med Published doi:10.1136/ bjsports-2015-095422

D’Alessandro G, Cerritelli F and Cortelli P (2016) Sensitization and Interoception as Key Neurological Concepts in Osteopathy and Other Manual Medicines. Front. Neurosci.

Lascurain et al 2016. Mechanism of Action of Spinal Mobilizations A Systematic Review. SPINE Volume 41, Number 2, pp 159–172

Magnusson SP, Langberg H, Kjaer M. The pathogenesis of tendinopathy: balancing the response to loading. Nat Rev Rheumatol 2010;6:262–8.

 

Sampath et al. Measureable changes in the neuro-endocrinal mechanism following spinal manipulation. Medical Hypotheses 85 (2015) 819–824

Sibernagel et Crossley  A Proposed Return-to-Sport Program for Patients With Midportion Achilles Tendinopathy: Rationale and Implementation J Orthop Sports Phys Ther 2015;45(11):876-886. Epub 21 Sep 2015. doi:10.2519/jospt.2015.5885

 

 

Neurophysiologie au cabinet, Chapitre 2/2  : Nociception, Sensibilisation, Douleur

Sans titre.png

Ce chapitre est dense : il explique les bases de la compréhension nociception / douleur. Il essaye de résumer et simplifier le schéma ci-dessus (que j’ai mis pour les geek de neurophysio !!)

Il fait suite au chapitre introductif « La douleur n’est pas synonyme ni de lésion tissulaire, ni de nociception »

Quand on regarde les exemples du chapitre précédent on comprend donc que les axiomes suivants sont essentiels à intégrer dans notre pratique clinique (L. Moseley, Painfull Yarns) :

  • « La nociception n’est ni nécessaire ni suffisante pour que la douleur existe »
  • « La quantité de douleur dont vous faites l’expérience n’est pas forcément proportionnelle aux dommages tissulaires, elle dépend de combien votre corps croit que vous êtes en danger »

Pour comprendre un peu plus en détails et maitriser ces concepts voici un bout de neuroscience de la douleur et de neurophysiologie.

Sont abordés ci dessous la nociception, la sensisibilisation périphérique, la sensibilisation centrale, la modulation et la douleur.

La nociception correspond à l’activité dans les fibres nociceptives (Aδ et C).

La sensibilisation, c’est l’augmentation du volume de cette activité, elle peut être périphérique (nocicepteurs ou sur le trajet du nerf) ou centrale (médullaire ou corticale) (ci-dessous)

sensibilisation volume

NOCICEPTION EN DETAIL : des nocicepteurs jusqu’au cortex

Schéma global nociception


La nociception
est un processus d’encodage neural d’un stimulus nociceptif et de sa transmission du corps vers le cerveau : il correspond à l’activité des fibres afférentes à haut seuil de stimulation (Aδ et C) et de leur projection.

En plus simple la nociception c’est le processus de détection d’une menace et la transmission du message de danger vers le cerveau.

Ce processus ce déroule en plusieures étapes :

I-Phase de détection d’une menace (Premier nocicepteur):

Les « clochettes à danger », ou nocicepteurs sont des terminaisons nerveuses libres. Elles réagissent à la stimulation d’un danger potentiel :

clochette

  • Mécanique (EnaC) : changement de pression des tissus (coup, pincement, étirement, coupure, piqure …);
  • Chimique (ASIC) : changement de pH (inflammation, adrenaline, acide lactique..);
  • Thermique  (TRPV): changement de température.

Nocicepteurs moléculaire

Une fois la « clochette » stimulée, elle dépolarise la membrane (ouverture de canaux ioniques) du nerf dans laquelle elle est enfouie et transforme son message en influx électrique  : c’est la transduction.

Depolarisation

2. transmission

Puis il transmet cet influx électrique le long du premier nocicepteur  ; c’est la transmission.

Le message nociceptif se transmet  dans les fibres Aδ et C :

  • Les fibres C réceptionnent l’information des nocicepteurs polymodaux (chimique, thermique, mécanique) et thermiques (chaud et brûlure)
  • Les fibres Aδ réceptionnent l’information des nocicepteurs mécaniques (piqûre, pincement, torsion), et thermiques (froid)

terminaison libreCes fibres sont peu ou pas myélinisées et de petit calibre. La vitesse de transmission est beaucoup plus lente (0,5 à 40 m/s) que celle des fibres Aα (80-120m/s) qui véhiculent la proprioception ou les Aβ (40-90m/s) qui véhiculent le tact fin :

Fibres et vitesses

 

Ces fibres nerveuses arrivent dans la corne postérieure de moelle dans des couches bien individualisées, afin de traiter spécifiquement l’information entrante.

corne postérieur moelle

II- La Sensibilisation Périphérique ou  Augmentation potentielle de la menace dans les tissus.

La définition est la suivante :

« Réactivité augmentée des neurones nociceptifs en périphérie et diminution de leur seuil d’excitation à la stimulation de leurs champs réceptifs. » Woolf 2011

Cela veut tout simplement dire augmentation du volume : pour un même message d’intensité identique, celui ci sera amplifié dans le temps et dans l’espace.

Plusieurs phénomènes et systèmes peuvent sensibiliser les « clochettes à danger »

  1. La soupe inflammatoire

Lors d’une lésion et/ou une inflammation, les cellules sanguines libèrent une « soupe périphérique » de substances chimiques (histamine, prostaglandine, bardikinine…) interagissant entre elles et sensibilisant les nocicepteurs. Ce processus est responsable de l’hyperalgésie primaire.

soupe infla
SLUKA K. 2009

Exemple d’hyperalgésie primaire : 

Quand vous allez sur la plage et que vous restez longtemps au soleil. Les rayons du soleil stimulent vos nocicepteurs thermiques (si vous ne mettez pas d’écran total) pour vous prévenir de vous protéger. Si vous restez trop longtemps au soleil, votre peau va brûler, c’est le coup de soleil. Du coup pour réparer vos tissus le corps produit une inflammation, celle ci va rendre plus sensible votre peau le temps de la réparation, et donc les stimulus thermiques non douloureux en tant normal, le seront : si vous prennez une douche, l’eau chaude vous redéclenchera la douleur. C’est l’hyperalgésie primaire.

  1. Le reflexe d’axone : La stimulation des nocicepteurs remonte au ganglion dorsal spinal, celui ci peut produire en réponse des neuropeptides (substance P et CGRP) qui sensibilisent en périphéries les nocicepteurs (les clochettes sont resensibilisée par le centre!!)

3.reflexe axone

  1. Le système nerveux sympathique :

4.sympathique

Sensibilisation sympathique

3.1 Activation des nocicepteurs silencieux : par reflexe de la première stimulation nociceptive le système sympathique peut, aider à recruter des neurones non excités directement (neurones silencieux (« S ») ), augmentant l’information nociceptive.

3.2 Le « réflexe sympathique » va aussi en périphérie augmenter la vaso-dilatation et donc l’extravasion de bradykinine (BK) qui a un rôle dans la sensibilisation des nocicepteurs et dans l’inflammation.

Tous ces phénomènes augmentent la taille du champ réceptif de l’information nociceptive initiale (wind-up), quand vous vous piquez, la zone douloureuse s’étend autour de la piqûre:

champ receptif

III- Le message nociceptif atteint la moelle et rencontre le deuxième nocicepteur :

La transmission du message nociceptif entre les deux nerfs se fait dans la corne dorsale de la moelle.

5.Corne post

Les fibres nociceptives (C et Aδ) communiquent avec un deuxième neurone. Celui ci peut être spécifique à la nociception ou non spécifique. C’est le cas des neurones WDR (Wide Dynamic Range, pour neurone à large gamme dynamique) qui reçoivent les informations des fibres Aβ, Aδ et C. Ils sont à l’origine de l’allodynie.

Ce passage de relais est modulée (voir chapitre 1 théorie de la porte) :

  • Le message peut être accentué, par plusieurs facteurs, comme par exemple la facilitation descendante ou bien la sensibilisation centrale ;
  • Le message peut être diminué, entre autre, par l’inhibition descendante, ou l’activité dans les grosses fibres myélinisées.

Il existe plus de 400 neurones controlant le passage de l’information entre le premier neurone et le second neurone.

Sur site il existe des cellules non-neurales (microglie astrocyte) libérant des neurotransmetteurs excitateurs ou inhibiteurs modulant ce passage.

3.1 Modulation endogène excitatrice : Sensibilisation centrale et facilitation descendante

3.1.1 La facilitation descendante s’explique par la libération de cholécystokinine (CCK) ou de monoxyde d’azote (NO) par les neurones descendant à la jonction entre le premier et le deuxième neurone.

Dans ce cas l’information en provenance de la fibre C sera amplifiée par le WDR

6. Faciliatation 

3.1.2 La sensibilisation centrale

La définition officielle de l’ IASP est la suivante : « Réactivité accrue des neurones nociceptifs dans le système nerveux central face à des stimuli normaux ou inferieurs à leur seuil d’activation. »

Je préfère celle de Smart et al 2010 : « Amplification du signal neurologique au niveau du système nerveux central générant une hypersensibilisation », car cette définition reprend l’idée de volume augmenté.

Cela peut se produire par un certain nombre de mécanismes  qui s’expliquent par une plasticité médullaire, s’adaptant aux stimuli afférents, ou à des informations descendantes (facilitation descendante par libération de CCK).

Ces mécanismes variés sont les suivants :

  • Les canaux NDMA et AMPA sont augmentés (figure ci-dessus sur la facilitation);
  • La substance P augmente et est libérée en périphérie et sensibilise la périphérie (diminution des seuils et wind-up, un peu comme dans le réflexe d’axone ci-dessus);
  • Il existe des bourgeonnements (sprouting) entre les différentes couches de la corne postérieure de moelle, ce qui perturbe le traitement de l’information et qui peut stimuler la zone intermédiolatérale (orthosympathique):

corne post moelle sprouting

  • La microglie (en marron dans la figure ci-dessous) active et stimule le second neurones (WDR en orange) en libérant des neurotransmetteurs exitateurs (NO, apsartate, Glutamate, figure ci-dessus)
  • Disinhibition : c’est la mort des neurones inhibiteurs (en vert dans la figure ci-dessous), aussi bien de ceux sur site, que les descendants.

Se centrale new
Baron 2006, à droite corne postérieure de moelle zoomée, en orange le WDR, en marron la microglie, en vert l’inhibition descendante et les cellules inhibitrices, en rouge les fibres C, en bleu les fibres Abeta et Adelta

Cette plasticité modifiée devient un relais actif d’augmentation du signal nociceptif : le seuil d’activation des neurones diminue (il devient plus facilement excitable) et le champ réceptif augmente (la zone de surveillance s’étale).

Elle explique l’allodynie et l’hyperalgésie secondaire (voir image ci-dessous) :

  • Hyperalgésie : Pour un stimulus nociceptif de faible intensité, le cerveau perçoit trop de douleur.
  • Allodynie : Pour un stimulus non nociceptif (la plume), le WDR transmet une information nociceptive qui sera traduit en douleur. Le cerveau confond la plume et le chalumeau.

SE central allodynie hyperalgésieSi la majeure partie de la littérature se concentre sur les changements physiologiques dans la moelle épinière, il a également été démontré des changements de traitement sensoriel supra-spinale avec des augmentations de l’activité cérébrale dans le cortex cingulaire antérieur, l’insula et le cortex préfrontal.

Se centrale cortex

3.2 Modulation endogène inhibitrice

Heureusement la modulation inhibitrice existe. Elle permet de diminuer le signal.

Il y a plusieurs mécanismes pouvant activer cette inhibition.

  • Le gate contrôle (voir chapitre 1) : les fibres de gros calibre (Aβ) sont prioritaires au passage dans la corne postérieure par rapport aux des fibres nociceptives, quand vous vous cognez, si vous frottez la douleur diminue ;theorie-porte-modifiee
  • La modulation conditionnée de la douleur (ancien CIDN) : une stimulation nociceptive peut en inhiber une autre. Cela passe par l’activation de la substance grise périaqueducale (SGPA) et la moelle rostro ventrale, qui stimule les voies serotoninergique et noradrénergique ;

CID

  • L’inhibition descendante : elle provient de contrôle supra corticaux, elle est associée à des phénomènes centraux plus complexes (analgésie placebo, hypnose, focus externe…). Le cortex cingulaire, cortex préfrontal dorsolatéral, l’amygdale, l’insula y participent. Les neurones descendants libèrent des endorphines (GABA …) qui ralentit le passage de l’information nociceptive dans le WDR.

8.Inhibition

Ces libérations de neurotransmetteur inhibiteur sont 18 à 33 fois plus efficaces que les drogues de synthèses : gratuit, sans ordonnance et sans effet secondaire (Loh et al 1976).

ET LA DOULEUR ?

C’est un mélange subtile de nociception, sensibilisation (périphérique/centrale) facilitation, inhibition, dishinibition, et surtout d’un CODAGE PRÉDICTIF CORTICAL*  de l’information nociceptive et non-nociceptive (Iannetti et Moureaux 2010).

C’est le système d’alarme tout entier.

Ben Cormack donne cette métaphore, la nociception, c’est le voyant qui s’allume quand vous n’avez plus d’essence, il vous informe du danger de la panne d’essence.

Le niveau de douleur est similiare à la réaction que vous allez avoir face à ce voyant allumé :

  • Certains d’entre vous vont se dire, ce n’est pas grave, et le voyant vous n’y ferez pas attention, mais vous aller gérer le fait de trouver une station pour refaire le plein ;
  • D’autre, en fonction de leur stress actuel, de leur expérience passée (si vous êtes déjà tombé en panne), de l’endroit paumé dans lequel vous êtes sans station essence, vous allez réagir et ne porter votre attention que sur le voyant (hypervigilence, catastrophisation).
  • Et certains ne verront même pas le voyant (ceux qui continuent malgré la douleur) et tomberont en panne.

Lorimer Moseley donne une définition différente de celle de l’IASP :

« La douleur une expérience émergente consciente qui sert à susciter une réponse comportementale de protection vis à vis de tous les éléments de preuve plausible de menace. »

Lorsqu’on a mal, cela signifie que le corps a répondu plusieurs questions : quelle est la meilleure situation que je puisse de te proposer pour que tu agisses de façon cohérente en ce moment ?

Avant de répondre à cette question, le cerveau a scanné auparavant tous les systèmes du corps (immunitaire, endocrinien, cardiaque, digestif, autonome…) et les a déjà sollicité pour essayer de nous donner les meilleures options possibles.

Quand il estime qu’il faut faire quelque chose de plus, il nous envoie le signal la douleur. Ce système de codage prédictif est expliqué par les mathématiciens et les neuropsychologues (Friston 2012) qui ont défini le modèle du cerveau bayesien.

Le cerveau fait des maths, des probabilités inversées plus exactement (on appelle cela des inférences) : en fonction de toutes les informations qu’il reçoit de tous les systèmes, ils les échantillone dans la moelle, puis les scrute, les processe, les code et enfin il nous donne la perception de ce qu’il estime être le choix le plus approprié dans notre situation (M. Thacker parle de « Best Guess »)

Notre perception (de la douleur entre autre) n’est qu’une illusion d’un codage d’informations en provenance de notre environnement et de tout notre corps. Les meilleurs exemples de perceptions sont les illusions optiques. Ma préférée est la suivante (Anderson B. et Winawer Nature 2005)  :

9. illusion 1

Sur cette image on distingue clairement les pièces d’échecs blanches en haut et noir au dessous.

Sauf que si on modifie le fond sur lequel les pièces d’échecs sont posées voici ce que cela donne :

10.illusion 2

Ce sont exactement les mêmes pièces !!! Et même en le sachant maintenant, vous pouvez regarder l’image précédente vous serez incapables de voir que ces pièces sont les mêmes, votre perception vous donne des pièces blanches en haut et noirs en bas.

Les entrées visuelles de luminosité sont intégrées et codées, votre perception ne reflète absolument pas la mesure de la luminosité. Pour la douleur c’est la même chose, elle ne reflète pas de la mesure des dégats de votre organisme, ni même de combien de nocicepteurs sont impliqués.

Ce calcul mathématique fonctionnel que fait nos neurones, a été modélisé par S. Dehaene le définissant comme l’espace de travail neuronal global :

11. space Neuronal

Pour l’expérience consciente de la douleur, L.Moseley a simplifié cet embrasement de la neuromatrice (voir chapitre précédent), et l’a appelé Neurotag. Quand ce schéma s’allume dans le cerveau, il PRODUIT une expérience de douleur :

DOuleur

Gifford avait 10 ans d’avance et avait déjà proposé ce modèle de codage prédictif dans son Modèle de l’organisme mature (schéma ci-dessous traduit modifié et adapté de Gifford 1998 puis Puentedura et Louw 2012 ) :

13 Gilford modifié

Le système nerveux centrale analyse tous les signaux minutieusement :

Expériences passées : qu’est ce qui s’est passé en rapport au contexte de cette douleur auparavant (je suis resté bloqué 3 semaines  la dernière fois ?)

L’état émotionnel : l’anxiété, la peur de la douleur, la dépression…

Notre comportement : l’attention constante sur la douleur, la colère qu’elle génère, l’évitement du mouvement, la peur de bouger…

Nos croyances négatives :  » je suis asymétrique, dans ma famille c’est génétique , j’ai de l’arthrose c’est sans issue et cela ne fera que s’agraver, mon dos est fragile, je risque d’être paralysé « . Ces fausses idées nous laissent supposer que notre corps est fragile et que c’est une fatalité.

Nos expériences passées : « j’ai déjà eu mal au dos et la dernière fois c’était terrible, je ne veux pas revivre cela… »…

Notre environnement, notre état de fatigue, notre état de santé, notre sommeil, nos connaissances, notre culture, la représentation somatotopique corticale du Soi, le contrôle moteur (adaptatif et maladaptatif), les comportements bénéfiques passés dans des situations identiques observées chez nous ou chez les autres…

La production et la perception de DOULEUR nous permet de modifier notre comportement et notre physiologie.

C’est comme cela que des informations nociceptives, ne produiront pas forcément de douleur. Elles sont codées comme informations non importantes et le cerveau nous produit une perception de non douleur (Voir l’exemple de Betany Hilton la surfeuse dans l’artile précédent). Le meilleur choix pour Betany était de survivre, pas d’avoir mal.

A l’inverse des informations non-nociceptives pourront êtres codées et le cerveau nous produira la perception de douleur car il aura calculé que notre corps doit faire quelque chose pour changer la situation estimée comme dangereuse (l’exemple de l’ouvrier qui tombe sur le clou). Le meilleur choix est d’avoir mal (le clou dans la chaussure, lui dit d’aller tout de suite aux urgences).

Quels sont les messages clés de toutes ces informations dans notre pratique :

  • La nociception et la douleur sont deux phénomènes physiologiques différents, ils interagissent mais peuvent se produirent indépendamment :
      • La construction de l’expérience de la douleur (neurotag) repose sur de nombreux signaux sensoriels provenant pas uniquement des tissus (contexte, mémoire, raisonnement, émotion,vue, ouie, odorat,croyance..);
      • Cela fait mal quand le cerveau a décidé de quand et de où il considère qu’il y existe un problème, et pas nécessairement d’où vient vraiment le problème;
  • Quand un patient a mal, essayez de prendre en compte tous les signaux qui ont pu modifier ce codage prédictif (terrain, fatigue, sommeil, facteurs psycho-sociaux…), et qui expliquent l’entretien de sa douleur.
  • Nous avons une boite à pharmacie dans le corps qui module le système d’alarme, donc essayez d’utiliser les stratégies qui vont désensibiliser le patient :
    • en augmentant l’inhibition descendante
    • en diminuant la facilitation descendante
  • Banissez de votre discours  : douleur = lésion, blocage, dysfonction, asymétrie, déséquilibre, ils activent la facilitation descendante et la sensibilisation centrale !!!

Maintenant si vous souhaitez aller plus loin dans les neurosciences de la douleur un elearning d’une dizaine d’heure de cours est aussi disponible ici en Français

*Si il était impossible de ne pas parler du codage prédictif et du cerveau bayesien pour la douleur, un post spécial plus complet lui sera dédié plus tard.

REFERENCES (soulignées en gras les plus importantes):

  • Baron R. Mechanisms of Disease: neuropathic pain—a clinical perspective. Nature Clinical Practice 2006;2(2): 95-106
  • BUTLER, D. S., & Moseley. (2003). Explain pain. Adelaide: Noigroup Publications
  • GIFFORD L. Pain, the tissues and the nervous system : a conceptual model. Physiotherapy. 1998. 84(1):27-36.
  • Iannetti et Moureau. From the neuromatrix to the pain matrix (and back) Exp Brain Res 2010;205:1–12
  • Latremoliere A. Woolf C . Central Sensitization: A Generator of Pain Hypersensitivity by Central Neural Plasticity. The Journal of Pain 2009 ; 10(9): 895-926
  • Loh et al. Beta endorphin is a potent analgesic. Pro. Sci. Nat 1976. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC430793/
  • Ru-Rong Ji, Alexander Chamessian, Yu-Qiu Zhang Pain regulation by non-neuronal cells and inflammation Science04 Nov 2016 : 572-577
  • SLUKA K.A.,(2009). Mechanism and Managment of Pain for the Physical Therapist. IASP Press.
  • Smart KM, Blake C, Staines A, Doody C., 2010.Clinical indicators of ‘nociceptive’, ‘peripheral neuropathic’ and ‘central’ mechanisms of musculoskeletal pain. A Delphi survey of expert clinicians. Man Ther, 15, 80-87.
  • Woolf CJ. Central sensitization: Implications for the diagnosis and treatment of pain. PAIN.  152 (2011) S2–S15

Croyances, Thérapie Manuelle et Neurosciences : Cas Clinique

«  Aussi confiant que nous pouvons l’être de notre pratique clinique, celle-ci est biaisée car nous mettons à jour nos propres filtres d’interprétation grâce à ces mêmes filtres d’interprétation !

( … ) Dans une certaine mesure, nous sommes tous prisonniers de ces cadres de perception qui déterminent la façon dont nous considérons nos expériences. Un cycle d’auto-confirmation se développe souvent, de sorte que, nos hypothèses aveuglément acceptées façonnent les actions cliniques qui servent alors seulement à confirmer la véracité de ces hypothèses. » Brookfield 2000

Depuis les cinquante dernières années, de nombreuses études (Wolf 1959, Sternberg et al 2011, Witt et al 2012, Testa et Rossettini 2016) ont mis en évidence que si un praticien croit au traitement qu’il administre et est convaincu de son résultat, le patient aura des meilleurs résultats (effet Pygmalion), de la même façon si un praticien n’est pas persuadé du traitement proposé alors celui-ci sera moins efficace (effet Golem).

Vue sous cet angle, tous les thérapeutes devraient donc continuer à croire à ce qu’ils sentent, et croire en l’efficacité de leur diagnostic palpatoire et de leur traitement manuel  :

  • Que les kinésithérapeutes continuent de croire que le massage transverse profond diminue les adhérences et défibrose les « nœuds musculaires »  qu’ils croient sentir sous leur mains;
  • Que les chiropracteurs continuent de croire qu’en manipulant les vertèbres qu’ils sentent « déplacées » ils réaligneront la colonne ;
  • Que les ostéopathes continuent de croire que grâce à leur « perception subtile »,  ils peuvent réguler la vitalité (« respiration primaire », « marée » ou encore « souffle de vie » ) de leur patient en leur corrigeant leurs dysfonctions somatiques, viscérales ou crâniennes ;
  • Que les étiopathes/ostéopathes biomécaniciens, continuent de croire que leurs manipulations corrigent la biomécanique de leurs patients;
  • Que les fasciathérapeutes continuent de croire au « relâchement » myo-fascial qui équilibrera la tenségrité globale du corps.

Et pourquoi pas ?

Nos patients vont mieux, c’est donc que nos croyances sur nos traitements sont justes.

Sauf que la corrélation n’implique pas la causalité : voici l’exemple de  l’effet Cigogne

La démographie de la population alsacienne augmente de façon proportionnelle au nombre de cigognes. Il existe donc une corrélation positive entre ces deux évènements.  Mais cela apporte t-il la preuve  à la croyance populaire qui associe les cigognes aux naissances ?

Peut être que la localisation est plus envisageable (la natalité en milieu rurale est plus importante que dans les villes, et les nids de cigognes sont plus nombreux dans les villages que dans les villes), ou bien encore la période (pic de natalité du printemps qui correspondent à la période de migration des cigognes).

Même si ces 2 événements sont corrélés, il n’y a donc pas  forcément de cause à effet.

De la même façon ce n’est pas parce que le patient va mieux que le traitement manuel en est la cause. Il y a plein d’autres facteurs envisageables : l’évolution naturelle du symptôme, ou aussi les processus d’auto-guérisons qui sont sollicités par les attentes et les croyances du patient (Tracey 2010).

Nous ne pouvons donc pas justifier nos croyances à propos de nos traitements uniquement par le résultats de ces derniers.

Même si nos croyances ne l’expliquent pas,  du moment que ce la fonctionne, où est le problème?

Effectivement il n’y a pas de problème tant que cela fonctionne. Mais voyons un cas clinique d’une « descente aux enfers » d’un patient :

A la suite d’un week-end à la campagne, un patient consulte son généraliste pour des douleurs lombaires non spécifiques survenues sans raison apparente. Elles lui font mal quand il se penche en avant et cela l’empêche de mettre ses chaussettes le matin.

Après deux semaines de traitement anti-inflammatoire et antalgique, le médecin prescrit des radiographies. Les radios montrent un « pincement discal », du coup le médecin prescrit une IRM qui montre une petite « hernie discale ».

A la suite de ce diagnostic la douleur du patient augmente fortement et le médecin lui redonne des anti-inflammatoires plus puissants , mais voyant l’inefficacité de ceux-ci, il oriente finalement son patient vers une infiltration sous contrôle radiologique.

Les deux infiltrations ne fonctionnant pas, le radiologue lui indique une bonne adresse de chirurgien.

Mais le patient ne veut pas se faire opérer. Il va donc voir son kiné qui lui dit que sa « sangle abdominale est faible » et qu’il faut la renforcer pour protéger la hernie discale. Le patient renforce sa sangle abdominale pendant 2 mois mais rien ne change.

Il va ensuite voir un chiropracteur qui lui dit que certaines vertèbres ne sont pas bien « alignées »  et que sa colonne et son bassin ont besoin d’être bien « remis en place ». Après quelques manipulations la douleur disparaît complètement pendant quelques jours…et puis la douleur revient et empire.

Sa compagne qui le voit souffrir lui donne l’adresse de son thérapeute shiatsu. Le patient est très sceptique et cartésien, mais après que le thérapeute lui a appuyer sur quelques points douloureux dans les membres inférieurs la douleur disparaît. Le patient se dit que quelqu’un a trouvé la cause de sa douleur et que le « déséquilibre » est enfin réglé. Mais la douleur revient deux semaines après.

Le patient ne désespère pas, il consulte un acupuncteur qui lui « rééquilibre les énergies » en agissant sur ses « méridiens », un ostéopathe ensuite trouve sa « lésion primaire » à l’aide d’une « perception subtile » accessible qu’à certain élus, et en rééquilibrant sa vitalité, c’est le miracle : la douleur s’en va…pendant trois semaines…mais elle revient et devient constante et ce, quelques soient les mouvements et les positions.

Le patient devient de plus en plus frustré, personne ne trouve la cause de sa douleur, et les différents thérapeutes ont des discours complètement antagonistes. Le patient ne comprend plus ce qu’il lui arrive et se demande ce qu’il va devenir avec un dos si fragile (pas aligné, pas assez musclé, des fascia trop tendus, des énergies déséquilibrées et un MRP asynchrone témoignant d’une faible vitalité).

Finalement de peur de se fragiliser encore plus, il arrête le sport, s’empêche de porter ses jeunes enfants, devient anxieux de la moindre activité, désespère et devient aigri car il ne comprend pas pourquoi à son âge il est handicapé à ce point. Il ne comprend pas pourquoi on ne trouve la cause de sa douleur et personne ne peut lui expliquer son problème.

Ce type d’histoire arrive très fréquemment (70% à 80% des français sont confrontés au moins une fois à un symptôme douloureux pouvant être invalidant qui altère la qualité de vie) et nous nous sommes tous plus ou moins retrouvé confronter à ce type de patient au cabinet à un moment de son histoire.

skippy

Dans chacun des cas ci dessus, les thérapeutes suivant leur dogme, croyaient, en ce qu’il ressentaient et ont essayé de corriger les « anomalies » (lésion, hernie, blocage, asymétrie, tension, faiblesse, force vitale…) chez ce patient.

Pourquoi dogme ? Parce que jusqu’à présent, AUCUNE PREUVE SOLIDE n’a mis en évidence l’existence :

et la liste est encore très très  longue :

Le problème de ces croyances, c’est qu’ « elles contredisent l’axiome que le corps est solide, robuste et adaptable » (Greg Lehman) et elles volent au patient sa propre capacité à se soigner tout seul :

  • D’abord en lui faisant croire qu’il est fragile (décalé, déplacé, asymétrique, pas assez souple, peu musclé, trop lordosé, mauvaise posture…) et de nombreuses études montrent qu’elles augmentent la douleur et que ce sont des facteurs de passage à la chronicité. (Wertli et al 2104)
  • Ensuite elles objectifient le patient : le patient devient un corps-objet, qui dysfonctionne, et qui doit être réparé/équilibré, et pour cela il reçoit un traitement passif, et il est dans l’ attente que l’on corrige la cause de sa douleur. Les études montrent que ces soins passifs que nous dispensons, ont tendance à chroniciser la douleur (Kendall et al 1998).

Enfin, ELLES NE  FOURNISSENT AU PATIENT AUCUNE EXPLICATION RATIONNELLE * :

  • qui puisse donner du sens à sa douleur ;
  • qui puisse lui permettre de gérer son problème à l’aide de ses propres options corporelles.

Les neurosciences  ont fait des découvertes révolutionnaires ces 15 dernières années sur la douleur et elles permettent aujourd’hui  :

  • Non seulement d’apporter des réponses au patient sur le mécanisme de sa douleur et de comment il va pouvoir gérer son problème ;
  • Mais aussi, quelques soient nos différentes approches thérapeutiques, elles nous fournissent un discours commun universel (non fondé sur nos croyances respectives), que les patients peuvent comprendre ;
  • Et enfin elles apportent des hypothèses du bien fondé de notre « imposition des mains » dans l’accompagnement du patient à gérer sa problématique.

Malheureusement trop peu de thérapeutes y sont sensibilisé. Et c’est dans cette optique que les prochains post seront dédiés à la la construction tout au long de l’année, d’un petit manuel de « neurophysiologie appliquée à la prise en charge de la douleur » sur les différents post.

Ceci étant si vous souhaitez aller plus loin dans les neurosciences de la douleur un elearning d’une dizaine d’heure de cours est aussi disponible ici en Français

Pour conclure sur les croyances et la thérapie manuelle.

Je suis bien conscient de mes propres filtres de croyance, et quand je pose mes mains sur un patient, j’ai forcément des attentes en fonction de mes connaissances, notamment sur les effets physiologiques attendus. Et j’y crois, sinon les effets seront moindre, mais en aucun cas je n’effectue un geste ou je ne donne une indication au patient :

  • Qui puisse lui faire croire qu’il est fragile;
  • Qui puisse lui faire croire qu’il dépend de mes mains pour guérir ;
  • Qui  risque de lui spolier son autonomie et sa capacité d’autoguérison.

Laurent

* j’entends par rationnelle : qui est conforme à la raison,  qui paraît logique, raisonnable, conforme au bon sens ; qui raisonne avec justesse (autrement que par l’affirmation de dogmes farfelus)

Références

Continuer à lire … « Croyances, Thérapie Manuelle et Neurosciences : Cas Clinique »