6 recommandations pour pimper votre examen neurologique

Book Club 2022 : « Cedric Bender, Lucy Dove, and Annina B Schmid. Does your bedside neurological examination for suspected peripheral neuropathies measure up? Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy »

La prise en charge des douleurs liées aux troubles nerveux fait partie du champ de compétence de la thérapie manuelle, ainsi que l’accompagnement et la récupération des neuropathies périphériques (ce dernier étant plus du domaine de la kinésithérapie).

L’examen neurologique est l’outil essentiel dans cette prise en charge car ses intérêts sont multiples.

Tout d’abord, quand cet examen neurologique est normal, il permet tout d’abord de rassurer un.e patient.e qui pourrait avoir une représentation de sa douleur assez effrayante comme un nerf « pincé », « bloqué » ou « comprimé », par un disque « écrasé, usé » ou une colonne vertébrale « tassée ». 

Ensuite il permet aussi de diagnostiquer un vrai trouble neurologique (myélopathie, radiculopathie, neuropathie…) et d’évaluer l’urgence de la situation.

Enfin quand le problème de nerf est déjà mis en évidence, l’examen neurologique permet le suivi de la récupération, si celle-ci est envisageable.

Dans une atteinte nerveuse par compression, plusieurs phénomènes physiopathologiques sont possiblement mis en jeu (ischémie, œdème, neuroinflammation, démyélinisation,  sensibilisation centrale…). Ces phénomènes donnent des signes cliniques divers et variés de perte de fonction neurologique (hypoesthésie, perte de force motrice, diminution de réflexe…) et de gain de fonction neurologique (mécanosensibilité neurale, allodynie, hyperalgésie, fourmillement, picotement…)

Ceux-ci sont résumés dans le schéma ci-dessous, traduit et adapté d’A. Schmid et al 2020 : 

Ce sont ces symptômes et signes cliniques qui nous permettent d’évaluer la situation globale d’une atteinte nerveuse

Deux revues de la littérature (Tawa et al 2016 et Tawa et al 2017), concluent que concernant le diagnostic des radiculopathies et des compressions de racines nerveuses, non seulement l’imagerie n’est pas un gold standard (ils conseillent donc de corréler l’imagerie à l’examen neurologique), mais aussi que l’examen neurologique, dû entre autre au faible nombre d’études de précision diagnostic, à la variabilité de réalisation de l’examen et à la mésentente sur l’utilité de certains tests, ne nous permet pas d’établir de règles strictes de réalisation de l’examen neurologique.

C’est dans cet esprit que Bender, Dove et Schmid 2022, proposent dans le JOSPT 6 défis à relever concernant l’évaluation et la prise en charge des neuropathies périphériques, ainsi que des suggestions construites sur des principes neuroscientifiques à jour, afin d’élever le niveau de l’examen neurologique et de surmonter ces défis.

Ils décident de concentrer leur attention essentiellement sur les signes de perte de fonction étant donné que le gain de fonction n’est pas spécifique aux neuropathies.

Associé à cet article ils fournissent généreusement des vidéos de démonstration qui détaillent leurs recommandations : lien

Voici résumé les 6 défis et recommandations proposés par Bender, Dove et Schmid 2020 : 

Défi 1 : Repenser l’approche de l’évaluation des dermatomes

Ca fait déjà un bail qu’on en parle !!!

L’examen de la sensibilité se résume souvent à la recherche des zones classiques des dermatomes pour détecter l’atteinte d’une racine et même si c’est plus rapide, cela présente plusieurs limites (dont certaines ont déjà été discutées précedemment) : le chevauchement des racines ne permet pas d’être précis, la prévalence des neuropathies plus importantes que des radiculopathies ne justifie pas que l’on se focalise sur ces zones uniquement.

Recommandation 1: 

  • Tester la sensibilité selon un schéma circonférentiel avec un coton ou pinceau en faisant deux cercles autour des bras/jambes supérieurs et inférieurs et puis les doigts un par un (palmaire/plantaire et dorsal) afin de couvrir la plupart des dermatomes et des territoires sensitifs (se référer aux vidéos pour plus de détails);
  • Quand un changement est identifié, préciser la zone avec une approche en étoile (se référer aux vidéos pour plus de détails).

Défi 2 : Tester toutes les fibres nerveuses (grosses et petites)

C’est non Négociable !!!

Le dépistage neurologique se concentrent traditionnellement uniquement sur le tact épicritique, la force musculaire et les réflexes ostéotendineux. Ces tests fournissent des informations sur les grosses fibres, mais ne donnent pas d’infos sur les 80% des fibres restantes que sont les petites fibres (nociception, chaud/froid).  Et pourtant il existe plusieurs situations cliniques ou les neuropathies ne touchent que les petites fibres.

Recommandation 2 : 

  • Tester la sensibilité nociceptive avec un neurotip (ou une épingle) de la même manière qu’avec le coton (circonférentielle) : se référer aux vidéos pour plus de détails;
  • Tester ensuite le chaud/froid (avec une pièce de monnaie) dans la zone anormale détectée avec le neurotip : se référer aux vidéos pour plus de détails;

Défi 3 : La comparaison avec le côté controlatéral

Attention aux pièges !!!

Chez certain.e.s patient.e.s atteints de radiculopathie, traumatisme nerveux ou neuropathie post zostérienne, les mécanismes de perte sensitive semblent s’étendre au côté controlatéral. 

De nombreuses neuropathies périphériques peuvent être bilatérales (par exemple, la polyneuropathie diabétique, la sténose spinale lombaire, le syndrome du canal carpien) et elles peuvent aussi masquer les déficits sensitifs et moteurs lors de la comparaison avec le côté opposé. 

Recommandation 3 :
Lors de l’interprétation des changements en présence de déficits moteurs ou sensitifs bilatéraux, la comparaison controlatérale n’est plus utile. 

  • Pour les tests moteurs, l’évaluation d’autres groupes musculaires et réflexes à distance peut fournir des informations supplémentaires. Par exemple chez un.e patient.e âgé.e de plus de 60 ans présentant un douleur irradiante sans déficit sensorimoteur mais avec une abolition bilatérale des réflexes achilléens (ce qui est normale chez environ 35 % des patient.e.s de cette tranche d’âge). Tester d’autre réflexes ou essayer des manœuvres de facilitation (précharge ou Jendrassik) pour affiner la compréhension d’une suspicion ou non d’atteinte neurologique.
  • Pour la sensibilité, l’évaluation d’une zone proximale adjacente non affectée (par exemple, l’abdomen, la poitrine, le membre proximal) pourrait apporter des informations supplémentaires dans l’interprétation globale. Par exemple un.e patien.e présentant des douleurs et des fourmillements distaux dans les deux jambes qui pourraient être expliqué par une sténose spinale lombaire, en cas de perte de sensibilité bilatérale, on peut utiliser comme zone de référence l’abdomen ou la partie proximale du membre inférieur pour aider à l’interprétation. 

Défi 4 : Les éléments à prendre en compte pour tester le myotome

La fatigabilité !!!

Tout comme pour les dermatomes, il n’y a pas de test musculaire de référence permettant de différencier une atteinte de racine ou d’un tronc nerveux périphérique car il y existe un recouvrement des racines. D’autre part chez les patient.e.s costaud.e.s ou la force est relativement préservée (M4 ou M4+), on pourrait rater une neuropathie/radiculopathie.

Recommandation 4

Afin de différencier un myotome d’un territoire moteur, il suffit de connaitre sa neuroanatomie (NDLR 😉). Plus sérieusement les auteurs donnent un exemple concret lorsque l’on suspecte une racine ou un nerf (entre C8 et nerf radial qui innerve le long extenseur du I) de tester un muscle innervé par le nerf et non par la racine (exemple le brachioradial) et de tester un muscle innervé par la racine et non le nerf (exemple l’abducteur du V).

Pour ne pas rater une fatiguabilité (M4), pensez évaluer la fonction motrice avec un effort physique ou en utilisant des tests répétés et les interpréter dans le contexte des autres résultats.

Défi 5 : Interpréter les résultats des réflexes

Prendre du recul !!!

Deux informations importantes à propos des réflexes :

  • Il n’existe pas de couverture complète des niveaux segmentaires par les réflexes;
  • Ils ne fournissent pas d’informations précises sur le niveau touché (environ 30% des patient.e.s présentant une radiculopathie L5 ont un réflexe patellaire réduit).

Recommandation 5
Même si les peuvent donc fournir des informations objectives importantes, il est important d’interpréter les résultats dans le contexte d’un examen neurologique complet et d’un cadre de raisonnement clinique solide.

Défi 6 : Celui du suivi…

Quantifier, Quantifier, QUANTIFIER !!!

Tout comme l’on prend des marqueurs et que l’on quantifie la douleur ou bien les amplitudes pour mesurer les progrès ou la détérioration dans le champ musculo-squelettique, nous devrions en faire de même pour le système nerveux périphérique. Cela pourrait nous permettre de motiver/rassurer un patient quand cela s’améliore (car la régénération nerveuse prend du temps) ou de le réorienter si cela stagne ou si cela se détériore.
Recommandation 6
+ Il existe des solutions pratiques et peu onéreuses pour aider les cliniciens à quantifier l’étendue des déficits sensitifs (monofilaments, Diapason Rydel Seiffer, neuropen…) :

+ Cartographier la zone de perte sensitive;

+ Pour la motricité utiliser l’échelle l’échelle à 5 points du British Medical Research Council ou un dynamomètre;

+ Pour le test des réflexes même si la validité et la fiabilité des échelles est inconnue chez les patient.e.s atteint.e.s de neuropathies, l’échelle Normal-Aboli-Réduit-Hyper peut être utilisée pour quantifier.

En conclusion: 

Ces recommandations sont du pain béni pour améliorer notre approche des neuropathies. Elles proposent une méthode simple pour évaluer et quantifier les données pour pouvoir les interpréter dans un cadre d’un raisonnement clinique cohérent et solide. J’ai assisté à un séminaire d’A. Schmid en 2018 et depuis ma compréhension clinique s’est vraiment affinée ainsi que ma prise en charge.

Si vous avez déjà assisté à un séminaire organisé avec Anaïs Rot, Bryan Littré et/ou moi-même, vous savez déjà que nous pratiquons cette évaluation mais que nous y ajoutons aussi un élément en plus dans ce bilan.

Pour ceux qui ne nous ont pas encore rencontré, nous vous proposons donc un septième défi avec une suggestion/recommandation non référencé pour l’instant 😉 : 

Défi Bonus : Le bilan en charge

Un véritable « game changer » !!!

Il existe aujourd’hui dans la littérature des preuves que certain.e.s patient.e.s présentant des imageries standards normales avec des symptômes positionnels (perte de fonction, douleur). On arrive chez eux.elles à corréler la pathoanatomie aux symptômes uniquement quand on leur fait des imageries dynamiques en charge.

Proposition bonus :

  • Faites votre examen clinique en charge dans la position des symptômes
  • Modifiez la position de charge et comparez : exemple d’un.e patient.e qui présente des douleurs irradiantes dans le membre inférieur associées à des engourdissements en position allongée ou debout, chez qui vous retrouvez une perte de sensibilité et de force que vous quantifiez en position debout. Refaite le bilan neurologique en flexion assis et requantifiez  la force et la sensibilité, si elle est améliorée cela vous indique que l’ischémie n’est que transitoire et cela vous donne un début de solution.

Si vous souhaitez venir vous amusez avec nous sur la prise en charge des douleurs liées aux troubles de nerveux c’est ici.

Comment ne plus vous sentir coupable ou impuissant face à la douleur persistante de votre patient ?

42462619_531644490615779_5023185937408983040_n

 Une ostéopathe installée depuis moins d’un an me témoignait récemment son mal-être et sa difficulté à gérer certaines situations : « A 60 euros la séance, il y a intérêt que ça marche !! » lui retorquait une patiente avant même le début de sa séance.

Ces situations sont celles où le patient attend un geste miraculeux , qu’on lui fixe son corps-objet sans qu’il n’ait besoin de rien faire.

Pourquoi ces patients ont-ils ces attentes-là, qui a bien pu leur faire croire cela ?

J’avais écrit un billet sur comment nos croyances pouvaient être à l’origine d’une « descente aux enfers » de certains patients. Mais cette descente aux enfers peut tout aussi bien toucher le thérapeute honnête qui n’arrive pas à soigner la douleur du patient :

Si le patient a toujours mal c’est de la faute du thérapeute qui n’a pas corrigé la bonne dysfonction ou que celui-ci n’a pas fait la bonne manipulation.

Ce mode de prise en charge est à double tranchant : il nourrit l’orgueil spirituel du praticien quand les résultats sont là, et d’autre part en cas d’échec du traitement, cela entretien la culpabilité du praticien qui se dira : « je ne sais pas bien manipulé, je n’ai pas manipulé le bon endroit,  je n’ai pas appris la bonne technique, ou encore il me manque les techniques secrètes du dernier gourou à la mode qui arrive à guérir le monde entier avec ses mains magiques ».

Capture d_écran 2018-07-01 à 19.34.17

Ce billet de blog reprend  l’éditorial sorti ce mois-ci dans le BJSM par Jeremy Lewis et P O’Sullivan (1), dont le titre est :  « Est-il temps de redéfinir la façon dont nous prennons en charge les patients présentant des douleurs musculosquelettiques non-traumatique ? » qui tombe à point nommé.

Cet article soulève certains points cruciaux, dont notamment la souffrance des cliniciens qui n’arrivent plus à faire face à leur échec car nous nous sommes enfermés dans un modèle biomédical de causalité linaire dans lequel « douleur = défaut corporel ».

Voici les points importants de l’article, que je permet d’étoffer avec d’autres références.

  1. Nos approches actuelles de la prise en charge de la douleur musculo-squelettique échouent

Nous sommes mauvais !!! Bien qu’à titre individuel dans nos cabinets nous soyons certainement les héros de nos patients, quand on regarde les chiffres de ce que coûte la douleur musculosquelettique chronique, c’est du lourd : aux USA c’est plus d’un demi billion (1012) de dollars entre les coûts directs et indirects (2), ce qui fait plus que les coûts combinés du cancer du diabète et des maladies cardiovasculaires !!

Et cela ne s’améliore pas dans le temps : entre 1990 et 2015, les AVI (Années Vécues avec Invalidité) dues aux lombalgies ont augmentés de 54% (3)

GLobal burden

Lewis et O’Sullivan soulignent qu’ « aucun diagnostic patho-anatomique peut expliquer de façon cohérente l’expérience douloureuse ou le handicap vécu par un patient dans la majorité des douleurs persistantes  non traumatiques » en revenant sur 2 points importants :

1.1 Tout d’abord il y a une prévalence élevée des changements structurels chez des patients asymptomatiques 

Il y a beaucoup d’études qui le démontrent (voir schéma ci-dessous) ou encore l’article sur la Nociception et la Douleur

LEWIS IMAGERIE

ET POURTANT…Combien de patients se voient affubler de ces diagnostics pour soi-disant expliquer leur douleur ?

Ce type d’information peut amener le patient à croire que son corps est défectueux, endommagé, fragile et a besoin de protection.

Pour exemple une revue systématique (4) utilisant une analyse croisée (33 articles et 10293 patients souffrant de douleur d’épaule) a démontré que :

  • Plus il y avait de catastrophisme et de kinésiophobie, plus la douleur et l’invalidité était importante ;
  • Et inversement plus le niveau des attentes de guérison et le sentiment d’auto-efficacité étaient élevés, moins la douleur et l’invalidité était élévée.

Ce discours et ces croyances entrainent  des comportements de peur-évitement de l’activité et pousse les patients à la recherche d’interventions pour corriger ces défauts structurels : chirurgie, correction posturale, structurelle…

1.2 Nous avons inventé des thérapies pour régler des « problématiques » qui n’existent pas ou qui sont indétectables : lésion primaire, torsion de sacrum, trigger point, MRP, déséquilibre postural… et nous continuons à entretenir ces paradigmes (« correction » de dysfonction, de postural, « rééquilibrage » musculaire) : « La douleur c’est due à une sursollicitation d’une zone hypermobile à cause d’une zone en dysfonction à distance » (le type de phrase que j’entendais encore l’autre jour dans la bouche d’un confrère qui sermonait un étudiant).

Pour plus d’information sur les références à propos de ces inventions vous pouvez lire le billet sur les croyances en thérapie manuelle.

Il n’est pas étonnant que cette mode ai entrainé une augmentation exponentielle des interventions chirurgicales dites « réparatrices » (coiffe des rotateurs, ablation des ménisques, réparation du labrum, tenodèse du biceps, décompression sub-acromiale, prothèse discale, vertébroplastie…), alors que les preuves montrent que ces interventions ne sont pas forcément plus efficaces qu’un placebo (5) (6) (7).

Heureusement qu’il y a des ostéopathes qui prétendent « absorber les hernies discales » (bien évidemment sans aucune preuve à l’appui) pour éviter la chirurgie : une forme de chirurgie psychique (je vous invite à voir la vidéo hilarante de James Randià ce sujet)

LEWIS HERNIE DISCALLEWIS CHIR PSY

Dans un modèle de prise en charge comme celui-ci le patient attend qu’une intervention passive lui procure la guérison sans que ce dernier n’ai besoin de s’impliquer.

  1. Que pourrions nous apprendre des modèles de prise en charge d’autres maladies chronique non musculosquelettiques ?

« La lombalgie est une affection complexe qui s’accompagne de multiples facteurs contribuant à la douleur et à l’invalidité associée, notamment des facteurs psychologiques, des facteurs sociaux, des facteurs biophysiques, des comorbidités et des mécanismes neurophysiologiques » (8).

Quand cet état d’invalidité devient persistent Lewis et O’Sullivan proposent de les considérer de la même façon que nous aborderons les autres maladies chroniques.

Ils prennent l’exemple du diabète de type 2.  Dans ce cas là nous savons que ce sont des stratégies actives qui ciblent les facteurs psychosociaux et les comorbidités. Et même si on peut administrer un traitement (la metformine), l’objectif n’est pas focaliser sur « trouver un traitement » mais plutôt de fournir une stratégie qui en même temps, contrôle le problème et limite l’impact sur le bien-être du patient.

  1. La nécessité d’une nouvelle approche

Lewis et O’Sullivan  proposent d’avoir le même type d’approche  que nous avons avec la douleur musculosquelettique, qu’avec les autres maladies chroniques : forte alliance thérapeutique, éducation, hygiène de vie (sommeil, arrêt du tabac, gestion du stress..) dans le but de construire une auto-efficacité chez le patient pour qu’il reprenne le contrôle et qu’il soit responsable de sa santé.

La thérapie manuelle peut être dans ces conditions une aide très utile pour diminuer la douleur, retrouver de la mobilité et redonner confiance au mouvement, mais ce n’est pas le traitement en soi.

Le patient n’est plus vu comme un objet que l’on corrige mais comme un sujet avec lequel on construit une alliance et une interaction afin que celui-ci puisse donner du sens à son symptôme et connecter avec ses propres boites à pharmacies internes.

En recadrant ainsi la prise en charge le patient ne sera plus dans une attente passive d’une intervention magique et cela réduira probablement aussi le stress et le burnout de tous ces cliniciens en échec thérapeutique qui sont incapables de tenir de telles promesses.

  1. Les opportunités et les freins de cette approche

Nous devons recadrer ce qui est actuellement réalisable en terme de gestion de douleur musculo-squelettique non traumatique en ayant des conversations honnêtes et ouvertes sur le niveau et le type de soin que l’on peut offrir et des résultats que l’on peut en attendre.

Les possibles freins viendront autant des praticiens que des patients.

D’un côté les cliniciens seront confrontés à leur croyance et leur manque de connaissance de la douleur. Mais aussi leur identité professionnelle, les pressions financières pourront être problématiques : nous avons  a été formé à « entretenir » le dos des gens en les manipulant plusieurs fois par an et à les rendre dépendant de nos soins.

D’un autre côté c’est aussi un véritable défi d’accepter les croyances et les attentes des patients tout en recadrant leur besoin : arriver à redonner le contrôle de la situation à un patient qui au départ était venu chercher un diagnostic structurel nécessitant d’être réparé.

Enfin le dernier point sur lequel revient l’éditorial est la nécessité que tout le monde soit de la partie (médias, institutions, écoles, politiques…) car aujourd’hui même si la recherche va dans ce sens, si vous allez fureter sur le monde de l’internet ou de la presse à sensation et vous verrez que l’information délivrée par le monde médical/parmédical, ou encore les propositions de formation en matière de douleur : elle est encore traditionnelle avec la promotion des facteurs structurels et biomécaniques.

Si vous souhaitez aller plus loin dans les neurosciences de la douleur un elearning d’une dizaine d’heure de cours est aussi disponible ici en Français

(1) Lewis J, O’Sullivan P. Is it time to reframe how we care for people with non-traumatic musculoskeletal pain? Br J Sports Med 2018;0:1–2. doi:10.1136/bjsports-2018-099198

(2) Institute of Medicine, Committee on Advancing Pain Research, Care and Education. Relieving Pain in America: A Blueprint for Transforming Prevention, Care, Education, and Research. National Academies Press (US), Washington (DC); 2011

(3) Global Burden of Disease, Injury Incidence, Prevalence Collaborators. Global, regional, and national incidence, prevalence, and years lived with disability for 310 diseases and injuries, 1990–2015: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2015. Lancet 2016;388: 1545–602.

(4) Martinez-Calderon, J., Struyf, F., Meeus, M., Luque-Suarez, A., The association between pain beliefs and pain intensity and/or disability in people with shoulder pain: A systematic review, Musculoskeletal Science and Practice (2018), doi: 10.1016/j.msksp.2018.06.010.

(5) Louw et al (2016). Sham Surgery in Orthopedics: A Systematic Review of the Literature . Pain Medicine 2016; 0: 1–15

(6) Schrøder CP, et al. Br J Sports Med 2017;0:1–8. doi:10.1136/bjsports-2016-097098

(7) Beard DJ et al Arthroscopic subacromial decompression for subacromial shoulder pain (CSAW): a multicentre, pragmatic, parallel group, placebo-controlled, three-group, randomised surgical trial.Lancet 2018; 391: 329–38

(8) Hartvigsen J, Hancock MJ, Kongsted A, et al.(2018) What low back pain is and why we need to pay attention. Lancet

5 conseils pour améliorer votre prise en charge des neuropathies grâce aux neurosciences

Comme promis, je commence les résumés commentés de certains articles choisis. Le premier article du « Book Club 2018 » est celui de l’équipe d’Annina Schmid.

Article intro

J’ai choisi cet article car j’aime bien la synchronicité des évènements : Philip Moulaert , ancien assistant et ami de Bob Elvey, m’a passé le flambeau cette année pour les séminaires en France d’approche neurodynamique. Et le premier séminaire que j’organise commence en Mars de cette année, avec un elearning en neurosciences inclus disponible en ligne au mois de février.

Cet article, tout frais de ce mois-ci, tombe à pic car il reprend tous les points abordés de l’approche neurodynamique léguée par Bob Elvey, que nous aborderons.

Au travers le résumé de celui ci, je vous donne 5 conseils pour approcher les douleurs irradiantes avec ou sans neuropathies un peu différemment des approches classiques.

Avant de résumer cet article, je précise que je suis fan des travaux d’A. Schmid, non seulement car elle publie dans mon champ d’expertise clinique et de recherche (les douleurs neuropathiques et neurogéniques) et j’avoue que ces travaux confirment souvent mes biais, j’ai d’ailleurs suivi ses formations avec l’agence epb.

Pour cette raison, j’invite les experts en neurodynamique à lire l’article en entier, d’abord car il est complet et surtout pour aussi se faire leur propre opinion.

Cet article aborde la prise en charge des atteintes neuropathiques par compression  :

Notre approche diagnostique et thérapeutique souvent empirique, s’est construite sur une vision biomédicale et biomécanique de la douleur des nerfs. Cet article challenge certaines croyances actuelles avec les données des neurosciences cliniques.

Point numéro 1 : La distibution de la douleur en dehors des dermatomes ou des territoires sensitifs doit être considérée comme la norme et non comme l’exception, elle ne peut pas exclure l’absence d’une neuropathie.

Il est démontré par plusieurs travaux que les symptômes de douleur neuropathique ne suivent pas toujours des trajets précis en suivants soit un schéma électrique de racine nerveuse ou encore sur un dermatome précis. Plusieurs raisons à cela  :

  • L’atteinte d’un nerf entraine une réponse neuroinflammatoire à plusieurs endroits du système nerveux (le ganglion de la racine dorsale réagit, mais aussi cellules gliales de la corne postérieure de la moelle)
  • La variabilité de chevauchements des territoires nerveux et le fait que d’autres structures plus profondes puissent êtres impliquées (sclérotomes, myotomes, dynatomes…)
  • Ces mécanismes neurophysiologiques expliquent pourquoi les symptômes peuvent non seulement se diffuser à plusieurs endroit d’un membre sous la même dépendance d’une racine. Annina donne l’exemple dans son séminaire d’un syndrôme du canal tarsien qui comprime le nerf tibial peut créer une neuroinflammation du ganglion de la racine dorsale L4 qui elle même se distribue dans plusieurs nerfs (fibulaire, saphène etc…) et peut donner des douleurs radiculaires projetées dans d’autres territoires que celui du nerf tibial !!
  • D’autre part la neuroinflammation médullaire peut atteindre l’autre côté

Et dans ce sens , on comprend pourquoi 2/3 des patients présentant un syndrome du canal carpien ne suivent pas le schéma classique et décrivent des symptômes en dehors de ces territoires (Calliendro et al 2006, Murphy et al 2009) et de temps en temps, sur la main controlatérale à la compression.

NDLA 1 : De la même façon dans une ancienne étude (Slipman 1998)  chez des patients présentants des névralgies cervicobrachiales devant bénéficier d’une infiltration sous contrôle radiologique, une stimulation mécanique de chaque racine  rapportait des douleurs ne correspondant pas au dermatomes (ils ont appelés cela dynatomes).

Slipman.png
La figure ci-dessus (traduite et résumée de Slipman 1998) représente les endroits des douleurs rapportées suite à la stimulation mécanique des nerfs spinaux inflammés. L’hémi-corps gauche représente la face antérieure, le gauche la face postérieure

NDLA 2 : Dans une une étude similaire plus récente (Furman et al 2019) chez des patients présentant des douleurs radiculaire lombosacrées,  devant bénéficier d’infiltration épidurales transforaminales, ont été enregistré à plusieurs moment de l’infiltration les douleurs rapportées par les patients. Au membre inférieur les dynatomes ne correspondent pas aux dermatomes, et un certain nombre de racines inflammées étaient asymptomatiques.

Capture d’écran 2020-01-12 à 11.18.09.png

La figure ci-dessus (traduite et résumée de Furman et al 2018) représente les endroits des douleurs rapportées durant les différents moments de la procédure d’infiltration  des nerfs spinaux inflammés.

CONSEIL N°1 : Soyez vigilant , ce n’est pas parce qu’un trajet ne suit pas un dermatome précis ni un territoire précis que l’on peut écarter une neuropathie par compression ou par sténose. Un examen neurologique standard avec les tests de provocation de douleur doit être exécutés devant toute douleur irradiante ou tout symptôme neurologique.

Point numéro 2 : L’examen neurologique standard doit inclure une analyse des fibres de petits calibres (fibres Aδ et C), autrement dit, il est insuffisant d’appuyer son examen neurologique sur les l’analyse des grosses fibres (Aα ou A β)

Jusqu’à présent l’EMG, la prise de réflexe, et la sensibilité épicritique sont considérés comme le gold standard de l’examen neurologique standard. Pour autant 25 % des patients atteints de neuropathies (par exemple Syndrôme du Canal Carpien) ne présentent aucun signes à ces examens.

En fait ces examens n’intéressent que 20% des fibres qui constituent un nerf périphérique (Aα ou A β).

Les études récentes montrent que si les grosses fibres se démyelinisent, elle restent souvent intactes lors d’une neuropathie débutante (Schmid 2013) alors que les petites fibres sont atteitnes très rapidements : les travaux d’A . Schmid (Schmid et al 2014) démontrent qu’une atteinte des une des fibres de petits calibres (mesurée par la perte à la biopsie sous cutanée et par le seuil de détection thermique altéré) sont précurseurs de l’atteintes des grosses fibres.

Pour investiguer les fibres Aδ et C, en clinique, il faut un  Quantitative Sensory Testing (pour les seuils thermiques) et le pinprick.

CONSEIL N°2 : Si le QST coûte un bras, on peut très facilement ajouter à l’examen un cluster valide et peu couteux incluant le pinprick (neuropen ou roulette de wartenberg) et des pièces chaudes/froides pour les seuils de T°C (ou un Tip-Therm).

Points numéro 3 : La valeur et les pièges des tests neurodynamiques

Les tests neurodynamiques ont été introduit historiquement par Robert Elvey, puis ont suivi Butler et Schaclock.

Ceux-ci ont suggérés au début, que ces tests étaient des tests diagnostiquant un désordre neural du à une tension anormale du nerf. Ils en ont concluent que c’étaitent des tests de mise en tension neural. En dépit d’études existantes certains ont continué à véhiculer la notion et le nom de tests de tension neural.

NDLA 3 : Pour plus d’explications sur l’histoire de cette approche voir la note de bas de page en italique *

Depuis la nomenclature a évolué et on parle de test de provocation neural (et non de tension) ou de tests neurodynamiques, malheureusment la nomenclature n’est pas uniformisée et laisse des confusions dans le monde médical.

L’auteur précise donc que ce sont uniquement des tests de mécanosensitivité.

Et même si ils ont fait l’objet d’étude de validité :

  • La reproduction des symptômes et la différentiation de l’atteinte structurelle doit être bien différenciée pour avoir un test positif (Nee et al 2012)
  • Leur performance clinique est mis en doute sur le diagnostic des neuropathies,
  • A eux seuls ils ne suffisent pas pour poser un diagnostic de neuropathie (car ils ne test pas la fonction nerveuse) (Baselgsia 2017)
  • Les tests neurodynamiques négatifs n’excluent pas la neuropathie (il existent plusieurs études montrant un nombre importants de faux négatifs)
  • Mais surtout ils doivent être pris en compte dans un examen complet avec des mouvements actifs qui mettent en évidence la protection du tissu neural (Hall et Elvey 1999)

A. Schmid distingue bien les douleurs neuropathiques de la mécanosensitivité : de nombreuses études montrent une présence de mécanosensitivié sans lésion nerveuse.

NDLA 4 : On revient ici à la vieille définition de l’IASP qui distinguait les termes de douleur neurogénique (mécanosensitivité) et douleur neuropathiques (lésion ou maladie du nerf).

Et donc elle classe la sensibilisation nerveuse périphérique (mécanosensitivité) comme une douleur nociceptive véhiculée par les nervi nervorum.

Ceci étant on peut aussi avoir de la mécanosensitivité lors d’une douleur neuropathique (mécanosensitivité axonale).

NDLA 5 : Les études sur la mécanosensitivité (Dilley et Bove 2008) on été fait au début sur de la mécanosensitivité axonale, et précisent que l’on fait pas la différence entre mécanosensivité axonale et celle véhiculée par les nervi nervorum. Le diagnostic de douleur neuropathique se dépiste grâce à certains questionnaires comme le DN4 ou le PDQ.

CONSEIL N° 3 :  4 points importants à retenir

  • Les tests neurodynamiques testent uniquement la mécanosensitivité, utilisez les dans ce sens ;
  • Ce n’est pas parce qu’ils sont négatifs que l’on peut écarter une neuropathie, l’examen neurologique complet permet de le dire;
  • Les signes de mécanosensitivité ne veulent pas dire qu’il y a forcément une douleur neuropathique (l’algorithme de Shafer et al 2009 en fin d’article permet de mieux orienter son diagnostic).
  • En cas de neuropathie sévère ces tests peuvent être négatifs (car disparition de leur petites fibres nociceptives) !!!

 

Point numéro 4 : L’approche de traitement neurodynamique va bien au-delà d’une vision biomécanique du tissu neural

Plusieurs revues systématiques ont démontrées le bénéfice et l’efficacité de l’approche neurodynamique dans le traitement des névralgies cervicobrachiales ou des lombosciatalgies (Basson et al 2017)

L’approche thérapeutique s’est construite essentiellement sur des principes biomécaniques.

En effet plusieures études cadavériques et in vivo, semblent montrer que certaines techniques neurodynamiques, en particulier les techniques de « glissement » (sliding), permettent d’améliorer la course longitudinale du nerf par rapport à ses interfaces anatomiques.

Ces effets seraient intéressants notemment dans la prise en charge du Syndrôme du Canal Carpien dans lequel on constate une diminution de l’excursion du nerf médian au cours de sa course.

Ceci-étant, ce gain de course longitudinale n’a pas été observé sur d’autres nerfs. Et à la suite de certaines chirurgies de canal carpiens sévères, l’excursion du nerf n’est pas amélioré alors que les symptômes s’estompent.

Les derniers travaux en neurosciences suggèrent que les effets de la thérapie neurodynamique ont des effets immédiats d’hypoalgésie (Beltran 2015, Beneciuk 2009), et de dispersion de l’œdème endoneural (Gilbert et al 2015, Brown 2011) chez l’être humain. Certaines études animales montrent des effets anti-inflammatoire à distance du site de la lésion (ganglion de la racine dorsale et système nerveux central). La stimulation probable des opioïdes endogènes doit faciliter aussi la réparation nerveuse.

CONSEILS n° 4 : Envisager l’action de votre traitement neuro dynamique avec un prisme neurobiologique et non biomécanique : « diminution de la sensibilité du système nerveux, amélioration de sa fonction et du  temps de sa réparation ».

Accordez votre accompagnement et votre discours au patient dans cet optique : « votre nerf va guérir, il a eu un gros coup de soleil (si c’est mécanosensitif), nous allons le faire glisser pour l’aider à avoir moins mal »

Point numéro 5 : Même si il existe des processus centraux, si l’atteinte sténotique nerveuse est identifiable et répond au traitement, elle restera le point essentiel de la prise en charge.

Neuropathie Annina 2013.png

Avec l’avènement des neurosciences et la compréhension, nous savons aujourd’hui que dans une atteinte neuropathique, des changements plastiques vont s’oppérer au sein du système nerveux central (Fernandez de la Penas 2009) : sensibilisation centrale, perturbation de la modulation de la douleur (inhibition et facilitation descendante) mais aussi une neuroinflammation médullaire ainsi que de neuroforamen (Albrechts et al 2018) . Ces phénomènes expliquent certaines symptomatologies comme l’hyperalgésie diffuse.

Bien que la sensibilisation centrale explique les douleurs persistantes quand les triggers périphériques sont absentes.

Pour autant dans le cas des atteintes nerveuses périphériques, il est démontré des soulagement immédiats sur des symptômes chroniques d’hyperalgésie diffuse suite à des infiltrations ou chirurgies décompressives.

CONSEIL N°5 : Votre approche thérapeutique même si elle sera baignée dans une approche bio-psycho-sociale doit porter une attention principalement à l’atteinte périphérique si elle est identifiable et qu’elle répond au traitement.

L’algorithme de Shafer et al 2009 (traduit ci-dessous) est très utile pour orienter l’application ou non  de l’utilisation des techniques neurodynamiques.

shafer

Si vous souhaitez aller plus loin dans les neurosciences de la douleur un elearning d’une dizaine d’heure de cours est aussi disponible ici en Français

*«  Le précurseur de l’approche neurodynamique est Robert Elvey qui publia le premier article sur la prise en charge et la mobilisation neurodynamique en 1986.

En 1998 Robert Elvey avec Max Zusman et Toby Hall, reviennent sur leurs erreurs, et publient dans Manual Therapy un article intitulé : « Adverse mechanical tension in the nervous system? » démontrant que c’était une ineptie neurophysiologique d’étirer un nerf mécanosensitif ou pathologique et préconisent de se focaliser sur les processus et les réactions neurophysiologiques impliquées dans la symptomatologie.

 Le problème c’est que parallèlement Schaclock 1995 et de Butler 1991 ont fondé leur techniques sur modèle de traitement biomédical de la douleur sous couvert d’étirements nerveux utilisant une biomécanique basée entre autre sur les travaux de Louis (un français) et de Breig qui avaient étudié la biomécanique nerveuses sur des cadavres.

Butler est enseignant (et non un praticien), Schacklock a une pratique clinique hospitalière , au début ses protocoles étaient compliqués, interminables et absolument pas validés cliniquement. Il faut aussi rappeler que dans leur protocoles étaient décrits des techniques d’étirement. L’essor commercial de leurs techniques a inondé le monde de la thérapie manuelle alors que leur modèle était faux et c’est encore celui ci que l’on trouve un peu partout dans le monde de la physiothérapie.

Depuis Butler a changé radicalement son discours et dit même regretter l’écriture de ses premiers livres (Mobilisation of the Nervous System et Sensitisation of the Nervous system). Mickael Schaclock a lui aussi adapté son discours, même si il reste très mécaniste et biomédical.

 L’approche de Robert Elvey et de son équipe en a été tout autre, c’est une approche basée sur les mécanismes neurophysiologiques impliqués. Elle a été nourrit par beaucoup de publications : Toby Hall, Axel Schafer, Mickael Coppieters, Andrew Dilley, Jane Greening, Peter O’Sullivan…Ils ont tous une approche physiologique et non biomécanique. Ce courant de chercheurs est à l’origine des classifications basées sur les mécanismes et les cadres de raisonnement clinique multidimensionnel incluant les facteurs bio-psycho-sociaux, les tests neurodynamiques, l’évaluation des mécanismes neurophysiologiques, l’analyse du contrôle moteur … »

Partie 1 :

Caliandro P, La Torre G, Aprile I, et al. Distribuion of paresthesias in carpal tunnel syndrome reflects the degree of nerve damage at wrist. Clin Neurophysiol. 2006;117:228-231. https://doi. org/10.1016/j.clinph.2005.09.001

Murphy DR, Hurwitz EL, Gerrard JK, Clary R. Pain patterns and descriptions in patients with radicular pain: does the pain necessarily follow a specific dermatome? Chiropr Osteopat. 2009;17:9. https://doi.org/10.1186/1746-1340-17-9

Slipman et al. Symptom Provocation of Fluoroscopically Guided Cervical Nerve Root Stimulation: Are Dynatomal Maps Identical to Dermatomal Maps? Spine. 1998;23: 2235-42.

Michael B. Furman, Stephen C. Johnson, Induced lumbosacral radicular symptom referral patterns: A descriptive study, The Spine Journal (2018), https://doi.org/10.1016/j.spinee.2018.05.029.

Partie 2 :

Schmid AB, Bland JD, Bhat MA, Bennett DL. The relationship of nerve fibre pathology to sensory function in entrapment neuropathy. Brain. 2014;137:3186-3199. https://doi.org/10.1093/ brain/awu288

Schmid AB, Coppieters MW, Ruitenberg MJ, McLachlan EM. Local and remote immune-mediated in ammation after mild peripheral nerve compression in rats. J Neuropathol Exp Neurol. 2013;72:662-680. https://doi.org/10.1097/ NEN.0b013e318298de5b

Partie 3 :

Baselgia LT, Bennett DL, Silbiger RM, Schmid AB. Negative neurodynamic tests do not exclude neural dysfunction in patients with entrapment neuropathies. Arch Phys Med Rehabil. 2017;98:480-486. https://doi.org/10.1016/j.apmr.2016.06.019

Dilley A et Bove G. Disruption of axoplasmic transport induces mechanica sensitivity in intact rat C-fibre nociceptor axons. J Physiol 586.2 (2008) pp 593–604

Nee RJ, Jull GA, Vicenzino B, Coppieters MW. The validity of upper-limb neurodynamic tests for detecting peripheral neuropathic pain. J Orthop Sports Phys Ther. 2012;42:413-424. https://doi. org/10.2519/jospt.2012.3988

Hall TM, Elvey RL. Nerve trunk pain: physical diagnosis and treatment. Man Ther. 1999;4:63-73. https://doi.org/10.1054/math.1999.0172

Partie 4 :

Basson A, Olivier B, Ellis R, Coppieters M, Stew- art A, Mudzi W. The effectiveness of neural mobilization for neuromusculoskeletal conditions: a systematic review and meta-analysis. J Orthop Sports Phys Ther. 2017;47:593-615. https://doi. org/10.2519/jospt.2017.7117

Beltran-Alacreu H, Jiménez-Sanz L, Fernández Carnero J, La Touche R. Comparison of hypoalgesic effects of neural stretching vs neural gliding: a randomized controlled trial. J Manipulative Physiol Ther. 2015;38:644-652. https://doi. org/10.1016/j.jmpt.2015.09.002

Beneciuk JM, Bishop MD, George SZ. E ects of upper extremity neural mobilization on thermal pain sensitivity: a sham-controlled study in asymptomatic participants. J Orthop Sports Phys Ther. 2009;39:428-438. https://doi.org/10.2519/ jospt.2009.2954

Brown CL, Gilbert KK, Brismee JM, Sizer PS, James CR, Smith MP. The effects of neurodynamic mobilization on uid dispersion within the tibial nerve at the ankle: an unembalmed cadaveric study. J Man Manip Ther. 2011;19:26-34. https:// doi.org/10.1179/2042618610Y.0000000003

Gilbert KK, Smith MP, Sobczak S, James CR, Sizer PS, Brismée JM. Effects of lower limb neurodynamic mobilization on intraneural fluid dispersion of the fourth lumbar nerve root: an unembalmed cadaveric investigation. J Man Ma- nip Ther. 2015;23:239-245. https://doi.org/10.117 9/2042618615Y.0000000009

 

Partie 5 :

Fernández-de-las-Peñas C, de la Llave-Rincón AI, Fernández-Carnero J, Cuadrado ML, Arendt- Nielsen L, Pareja JA. Bilateral widespread mechanical pain sensitivity in carpal tunnel syndrome: evidence of central processing in unilateral neuropathy. Brain. 2009;132:1472-1479.

Albrechts D et al . Neuroinflammation of the spinal cord and nerve roots in chronic radicular pain patients. Pain. 2018; 159 : 968–977.

Partie en italique :

Butler D S 1991 Mobilisation of the Nervous System. Churchill Livingstone, London

Butler D 2001 Sensitisation of the Nervous system. Noi group Publication.

Elvey R. Treatment of Arm Pain with abnormal brachial plexus tension. The Australian Journal 1986 ; 32(4) : 225-230.

Hall T, Zusman M, Elvey R. Adverse mechanical tension in the nervous system? Analysis of straight leg raiseManual Therapy (1998) 3(3), 140-146

Shacklock M. Neurodynamics. Physiotherapy 1995 ; 81(1) :9-16s

« Je n’aime pas prendre des antalgiques »

Nombreux sont les thérapeutes qui ne connaissent pas le dosage ni les mécanismes des anti douleurs que leur patients prennent.

Les patients sont également mal conseillés et mal guidés sur le mode de prise des médicaments : entre 60 et 70% d’entre eux ne suivent pas les indications de prescription ! (surmédication, sous médication, auto-médication ou non-observance).

Les thérapeutes manuels peuvent avoir un rôle pour leur expliquer l’intérêt de tel ou tel médicament qui leur a été prescrit et mieux les guider.

Voici un post de mon ami David Strul thérapeuthe manuel à Bruxelles qu’il m’a permis de reviser avec des compléments d’informations afin de vous aider à mieux guider vos patients sur les antalgiques classiques.

Ce billet est la retranscription (non exhaustive) du podcast de Physio matters avec Dave Baker disponible ici (n°42) : https://itunes.apple.com/be/podcast/the-physio-matters-podcast/id785762010?l=fr&mt=2&i=1000386149736

Sont présentés ci dessous les antalgiques classiques, leur mode d‘action, les indications, les effets secondaires, leurs points communs et leurs différences.

  1. LE PARACETAMOL :
  • Il a un effet thérapeutique principal sur le système nerveux central : il se lie sur le récepteur TRPV1 (voir neurophysiologie au cabinet), qu’on retrouve principalement dans les cellules nerveuses
  • Le TRPV1 est impliqué dans les sensations désagréables telles que l’envie de tousser, de se gratter, avoir froid, se sentir mal à l’aise …
  • C’est entre autre parcequ’il a un effet si large qu’on peut le mélanger avec d’autres produits pour donner un effet adjuvant.
  • Selon de nombreuses études, la dose minimale est de 500-600mg/jour et la dose maximale recommandée est de 4 x 1g/jour.
  • Des dosages à peine plus élevés pourraient vite devenir toxiques (notamment quand ça n’a été que partiellement métabolisé dans le foie et cela crée une substance très toxique; c’est d’autant plus dangereux quand on le mélange avec l’alcool, ce qui arrive souvent quand on veut se débarrasser de la gueule de bois).
  • Il a une durée de demi vie très court (1 à 2 heures) c’est pour cela que l’on doit en prendre plusieurs fois.
  • Pour optimiser son efficacité on doit viser un état d’équilibre (steady state) dans le sang : c’est le dosage sain maximum qu’une personne peut prendre et qui est obtenu après 6 ou 7 prises à interval régulier. C’est à dire 3-4 prises par jour pendant 2 jours permet d’avoir un effet thérapeutique maximum.

 

Pour cette raison, il est très important de ne pas essayer une pillule et de passer à un autre médicament si le premier n’a pas tout de suite fonctionné!

 

  1. LA CODÉINE ET LE TRAMADOL

En quoi sont-ils différents du paracetamol et comment gérer leurs effets secondaires?

  • Leur effet analgésique est bénin mais une fois qu’ils sont métabolisés dans le foie, ils sont transformés en un puissant opioïde !
  • Si on n’est pas muni des bonnes enzymes, on ne pourra pas métaboliser correctement ces substances.
    • 10-15% de la population n’a pas les enzymes adéquates pour métaboliser le tramadol
    • 5% de la population vont métaboliser ces substances très agressivement, ce qui provoque de plus grands effets secondaires.
  • Pour les effets secondaires, le principal est la constipation chez la personne âgée ; on va donc essayer de donner des conseils généraux : rester en mouvement, manger des produits frais, bonne hydratation…

 

  1. LES AINS (DICLOFENAC, IBUROFEN ET NAPROXEN)

Ils inhibent l’enzyme cox-1 plus qu’ils n’inhibent cox-2.

Cela entraine un effet secondaire majeur : il bloquent la production des prostaglandines impliquées dans la production de muccus protecteur de l’estomac, il y a donc un risque de traumatismes gastriques et ulcères !!

On a développé des produits plus ciblés pour cox-2, mais cela a augmenté l’incidence des problèmes cardiovasculaires.

Une revue systèmatique a même conclu que des hautes doses de diclofenac pouvaient provoquer des problèmes cardiovasculaires majeures et que le Naproxen était bien plus sécure.

Le choix de l’AINS se fera donc en fonction des risques encourus (personne jeune susceptible de développer un ulcère, ou personne âgée).

 

Le Naproxen a un effet central, en plus de son effet anti-inflammatoire.

Le souci avec les AINS est qu’il perturbe l’inflammation qui est le début de notre guérison. Il n’est pour l’instant pas possible de dissocier inflammation et guérison.

Il y a une grande mode depuis un bon moment : c’est de prendre des AINS en profilaxie pour améliorer ses performances chez des sportifs asymptomatiques.

Le gros problème est que ces personnes se rendent plus vulnérables alors qu’elles tentent de se protéger d’éventuelles blessures.

De plus, des effets secondaires peuvent être délétaires pour les reins! (Stewart warden, prophylactic use of NSAIDs by athletes : a risk/benefit assessment (bjsm, 2010).)

Dans le cas des traumatismes loco-régionaux, l’utilisation des AINS locaux (en crème) est tout aussi efficace que l’utilisation des AINS par voie orale. Donc dans les cas d’entorse il est préférable d’utiliser des crèmes car il n’y pas les effets indésirables gastriques ou cardiaques (Massey et al 2014)

  1. EFFICACITÉ COMPARÉE : 
  • Le paracetamol, les AINS et la codéine sont tous les 3 très efficaces pour atténuer des douleurs légères, voire modérées.
    • Number Needed to Treat (NTT : c’est le nombre de patients qu’il faut traiter pour constater l’efficacité d’un médicament sur 1 patient comparé à un placebo).
    • Pour les AINS, il est de 2 à 2.5 pour réduire les douleurs de moitié (c’est à dire qu’il fonctionne chez 1 patient sur 2 pour que la douleur diminue de moitié);
  • Le Paracetamol peut être utilisé pour augmenter les effets d’autres substances à courts et à longs termes :
    • la prise de 500 mg pour diminuer les douleurs aigües post chirurgicale de moitié montre un NTT de 3,5 (2,7 :4,8)
    • L’addition de codeine (60mg) améliore le NTT à 3 mais provoque des somnolence et vertiges.

 

NTT en fonction du dosage du paracetamol pour diminuer les douleurs aigües post chirurgicales de moitié (Barden et al 2002)

paracetamol

 

  • Le tramadol n’est pas du tout recommandé pour des douleurs aigües (NNT = 5, c’est à dire qu’il fonctionne chez 1 patient sur 5). Il est aussi et surtout utilisé pour son effet antipsychotique qui peut avoir son intérêt dans les douleurs chroniques.
  • Codeine : NNT = 3 en aigüe (un peu moins bon que les AINS) et pourrait être plus intéressant pour des douleurs sub-aigües ou chroniques

 

  1. LES EXCUSES POUR NE PAS SUIVRE LE TRAITEMENT PRESCRIT

doliprane

5.1 « Je ne veux pas masquer la douleur » :

Tout est une question de contexte.

En aigü : On doit expliquer aux patients que le but est généralement de réduire leur douleur pour qu’ils continuent à être en mouvement. Car le mouvement permet une meilleure guérison.

En expliquant au patient les doses minimales pour avoir un effet thérapeutique, on peut leur faire comprendre qu’on ne veut pas les bourrer de médicaments et les rassurer.

Dans le cas de certaines atteintes nerveuses (neuropathiques), il peut exister une « mise en mémoire de la douleur » par des modifications d’expression des gênes dans les cellules du système nerveux central, donc le temps de la guérison du tissu nerveux, la médication est indiquée (reférer dans ce cas à un neurologue).

Ainsi les patients prendront une décision basée sur les bonnes informations mais cela reste leur choix en définitive.

 

En chronique : le patient pense que les douleurs sont signes de dégâts tissulaires et qu’il ne faut pas les masquer.

Cela permet d’ouvrir la porte sur les discussions des mécanismes de la douleur, que douleur ≠ dommage tissulaire (voir le post sur la douleur n’est pas synonyme de nociception).

Que le traitement proposé leur permet de diminuer l’alarme afin de leur permettre de mieux bouger et retrouver un fonctionnement optimal.

Ce qui permet de donner des objectifs à terme et revoir leur prise de médicament si ceux-ci ne sont pas atteints (alliance thérapeutique)

 

5.2 « j’ai peur des effets secondaires potentiels » :

Le patient peut ressentir des effets secondaires lors du passage d’un médicament à un autre : le patient ne s’en rend souvent pas compte, mais les effets des 2 substances entrent en conflit du fait qu’une substance n’a pas encore quitté le corps.

Pour rappel, les principaux effets secondaires (pour une prise normale) sont des troubles gastriques et cardiovasculaires. Dans ces cas, il faut rappeler les bases : encourager une bonne alimentation et encourager l’activité physique, sous n’importe quelle forme.

Dans le cadre de la douleur chronique, les anti douleurs et les opioides ne vont pouvoir diminuer les douleurs que de 20-30% .

Nous devons communiquer avec le patient afin de s’assurer qu’il sache à quoi s’attendre et ainsi, évaluer avec lui les risques et bénéfices d’un traitement médicamenteux.

 

5.3 « j’ai peur de développer une addiction » :

Seulement 2-3% des patients prenant des opioides deviennent vraiment addict et ce sont des aspects comportementaux.

Encore une fois, c’est une question de contexte.Il est normal qu’on puisse se sentir « moite » après avoir arrêté l’usage des opioides et il faut rassurer les patients sur cette réponse physiologique naturelle et qui n’est pas du tout le signe d une dépendance.

 

Quelques références supplémentaires :

 

RA Moore, S Collins, D Carroll, HJ McQuay. Paracetamol with and without codeine in acute pain: a quantitative systematic review. Pain 1997 70:193-201.

RA Moore, SL Collins, D Carroll, HJ McQuay, J Edwards. Single dose paracetamol (acetaminophen), with and without codeine, for postoperative pain. The Cochrane Library, Update Software, Oxford 2000.

J Barden, JE Edwards, RA Moore, SL Collins, HJ McQuay. Single dose paracetamol (acetaminophen) for postoperative pain. The Cochrane Library, Update Software, Oxford 2002.

 

Mieux comprendre la prise en charge des tendinopathies en thérapie manuelle (le modèle du continuum de Cook et Purdam)

Capture d_écran 2017-07-10 à 14.19.40

 

Ce post fait suite au précédent « ce qu’il faut savoir sur les tendinopathies » (traduit du Dr P. Malliaras) dont les conseils sont tirés d’une compréhension nouvelle sur la physiologie du tendon et des dernières recherches.

En 2009 Jill Cook et Craig Purdam présentent un modèle pathologique pour expliquer la présentation clinique de la tendinopathie induite par la charge.

Jusqu’à présent ce modèle de compréhension est le plus à jour en terme de preuves histologiques et d’applications thérapeutiques concrètes.

Ce modèle à été revu en 2015 par un update.

Le post ci dessous est à but informatif afin que les thérapeutes puissent comprendre le modèle physiopathologique de la tendinopathie.

 

  1. Le Tendon normal :

 

Le tendon est une structure complexe, constitué de fibres collagène au sein d’une matrice extra cellulaire.

Les facteurs clés du tendon sont les tenocytes qui produisent cette matrice extra cellulaire.

Entre les fibres de collagène , la décorine (protéoglycane) est maintenue par des chaines de GAG, permet la viscoélasticité du tendon.

Tendon1

Image remaniée disponible sur la vidéo explicative ici

Cette structure permet de réagir à la mise en charge. Lors d’une mise en charge normale avec des phases de réccupération, l’activité cellulaire est stimulée et le tendon renforce progressivement sa structure.

Cette configuration permet au tendon de s’adapter et de résister à la charge de 8 fois le poids du corps (c’est un truc à dire au patient pour lui donner confiance !!)

Capture d_écran 2017-07-10 à 14.28.38

 

  1. Stade 1 : Tendinopathie réactive

Quand le tendon est soumis à la charge l’espace entre les fibres de collagène est réduit et cela augmente la pression extra cellulaire.

Si celle ci est répétée dans le temps (sans phase de repos permettant la protéolyse), elle pourrait être à l’origine de la réorganisation cellulaire que l’on remarque dans les tendinopathies.

La mécanotransduction modifie la forme des tenocytes. Cela augmente la production d’agreccan (protéoglycane plus grosse et hydrophyle). Les cellules imbibent d’eau la matrice extra cellulaire.

Celle-ci augmente et écarte les fibres de collagène, c’est pour cela que le tendon s’épaissit. Il n’y a pas de présence de cellules inflammatoires ni d’oèdeme.

Les tenocytes libèrent des substances nociceptives (acetylcholine et glutamate) qui peuvent être source de douleur.

TEndon2

Image remaniée disponible sur la vidéo ici

A ce niveau l’état du tendon est intacte et réversible, Cook et Purdam décrivent ce stade comme « une adaptation à court-terme liée à la surcharge qui épaissit le tendon, réduit le stress et augmente la raideur »

 

Cette adaptation à court terme se voit dans plusieurs cas cliniques :

  • La répétition de mise en charge trop importante sur un tendon normal;
  • La mise en charge d’un tendon qui n’a pas l’habitude de la charge ((stress shielded);
  • Un choc direct sur le tendon (ex : pattellaire).

Il est intéressant de noter que si un tendon est protégé de toute charge (« stress shielded »), il sera métaboliquement moins apte à réagir à une charge anormale.

La démarche de récupération implique :

  1. Réduire la charge en compression directe du tendon et en tension (donc pas d’étirement !!!)
  2. Une remise en charge adaptée et progressive en étant attentif à l’état de sensibilisation de la zone.
  3. Effet antalgique :
    • Bien qu’il n’y ait pas d’inflammation l’équipe de Cook et Purdam ne sont pas contre l’utilisation d’AINS en phase aigüe à visée antalgique, mais leur avis n’est pas partagé.
    • Les exercices isométriques ont aussi un  effet antalgique.

 

Capture d_écran 2017-07-10 à 13.42.18

Les zones de compression de tendons ont été décrites par Cook et Purdam 2012 :

Tendon 5 compression

Et ils donnent des conseils pour modifier ces compressions avec le niveau d’efficacité correspondant :

Tendon6 stratégie

 

Les points clés à retenir (Magnusson et al 2010, Cook et Purdam 2009) :

  • Les tendons sont des structures métaboliquement actives qui répondent à la mise en charge;
  • La mise en charge entraine une création de proteïnes et une destruction de collagène;
  • Sans un repos suffisant (de 24H après l’effort), la perte de collagène peut entrainer une faiblesse dans la structure du tendon;
  • Il n’y a pas d’œdème inflammatoire car la tendinopathie n’est pas un processus inflammatoire (c’est pour cela que le terme de tendinite est abandonnée);
  • Une néovascularisation et la création de nerfs pendant la phase réactive de la tendinopathie disparaît avec la guérison;
  • La pathogénèse de la tendinopathie peut être accélérée par la surcharge répétée.

 

 

  1. Stade 2 : Tendon Remanié

Lors de cette phase, il apparaît les changements structurels réversibles du type :

  • Augmentation du nombre de cellules (chondrocytes et myofibroblastes)
  • Augmentation de toutes les protéoglycanes, en général.
  • Production de collagène de type 3
  • Croissance d’une néovascularisation à l’intérieur de la matrice
  • Croissance de fibres nerveuses sensibles à la substance P

 

Tendon3

Cette pathologie a été retrouvé chez les jeunes sportifs, mais peut aussi apparaître dans différentes populations en fonction de l’âge et du contexte de mise en charge (les personnes agées raides peuvent développer ce type de modification sous faible charge).

Ces tendons sont épaissis avec des changements plus localisés dans une zone du tendon et sont diagnostiqués par l’échographie.

Une certaine réversibilité de la pathologie est encore possible avec la gestion de la charge et l’exercice pour stimuler la structure matricielle.

  1. Stade 3 : Tendinopathie dégénérative

Les changements structurels deviennent permanents avec moins d’activité cellulaire.

Le collagène de type III remplace le collagène de type I : ces fibres sont plus fines et plus fragile, donc mois résistantes à la mise en tension et à la mise en charge.

Tendon4

Il y a peu de capacité de réversibilité des changements pathologiques à ce stade. Il existe une hétérogénéité considérable de la matrice dans ces tendons, avec des îlots de pathologie dégénérative intercalés entre d’autres stades de la pathologie et du tendon normal.

La récupération n’est pas impossible car certaines études ont montrées certains changements avec une mise en charge adaptée mais la récupération morphologique ne peut pas être complète.

Ce stade n’est pas forcément symptomatique (de nombreuses études montrent ces anomalies sur de patients asymptomatiques).

Ceci étant les parties dégénératives du tendon apparaissent mécaniquement silencieuses et structurellement incapables de transmettre la charge de traction, ce qui peut entraîner une surcharge dans la partie normale du tendon et se traduire par une tendinopathie réactive dans la partie non atteinte (Cook et al 2015) :

 

Tendon8cook

 

Le cas clinique se présente souvent chez un patient qui présente un tendon sensible depuis quelques temps, et qui remarque une zone plus dure et noduleuse à la palpation. Si dans le même temps la douleur augmente proportionnellement à l’entrainement, le patient pourrait développer une tendinopathie réactive sur un tendon dégénératif chronique.

Dans ce cas les principes liés à la prise en charge de la tendinopathie réactive s’appliquent : gestion de la charge (évitement compression/tension), démarche antalgique (médicaments, isométriques) jusqu’à la disparition de la douleur.

Pour un tendon douloureux chronique sans augmentation soudaine de douleur, il sera conseillé, pour modifié la structure du tendon de faire un mix avec  : un travail sur la  modification de la charge, des exercices (isométriques/exentriques) de renforcement et une remise en situation progressive au sport pratiqué.

Dans ce cas il est important de noter quels sont en pratique les situations qui aggravent les symptômes pendant l’entrainement (le workbook de Greg Lehman peut être très utile).

Les phases de repos seront tout aussi importantes (3 jours entre les efforts intenses mais certains sportifs n’auront besoin que d’un jour)

 

4. La prise en charge en thérapie manuelle, quoi faire et que disent les preuves ?

 

Tout d’abord pour résumer la prise en charge selon le continuum (figure ci-dessous) :

Capture d_écran 2017-07-10 à 14.19.40

Elle est doit être guidée par le stade dans lequel le tendon se situe.

Cook et Purdam le décrivent ainsi en quelques mots : « une personne âgée avec un tendon dur et noduleux a plus de chance de développer un tendon dégénératif, inversement, un jeune athlète après une surcharge aigue avec un gonflement fusiforme de son tendon a plus de chance d’avoir une tendinopathie réactionnelle ».

Pour comprendre qu’est ce peut apporter la thérapie manuelle passive dans la prise en charge dans la tendinopathie :

  • Il faut d’abord constater que l’exercice et la remise en charge adaptée sont le plus efficace, et que la thérapie manipulative passive (massage, manipulation, ultrason…) ne fonctionne pas ou même entretient la tendinopathie (voir post précedent )
  • Et c’est tout a fait logique lorsque l’on regarde les phénomènes histologiques des différents stades de la tendinopathie, le tendon se renforce par la mise en charge (donc par de l’actif et non du passif).
  • D’autre part les techniques passives n’accélèrent pas la guérison des tissus et même si il fallait croire que les techniques ostéopathiques peuvent aider à « drainer » l’inflammation, il n’y a pas d’inflammation dans la tendinopathie, ce n’est donc pas justifié.

 

Que pourrait donc bien faire un ostéopathe de plus qu’un kinésithérapeute dans la prise en charge d’une tendinopathie sachant que ce dernier est bien plus compétent que lui en terme de protocole de remise en charge et d’exercices (isométrique, excentrique, contrôle moteur, force, puissance, endurance, variabilité etc…) ?

Pour information voici l’exemple d’un programme de physiothérapie sur la prise en charge des tendinopathies achiléennes (Sibernagel et Crossley 2015) :

Tendon7Sibernagel

 

En 2015 Cook et al revisitent leur modèle de départ et soulèvent tout de même un point important. Les caractéristiques structurelles de modifications pathoanatomiques du tendon ne suggèrent pas qu’il existe une relation directe entre la structure, la douleur et la dysfonction. Il existe pléthore d’études sur des sujets asymptomatiques montrant des anomalies structurelles sans douleur (voir nociception versus douleur)

Dans une tendinopathie il s’agit de gérer la structure, la fonction et LA DOULEUR.

Cette douleur peut empécher la bonne récupération de la fonction et de la structure si elle n’est pas bien gérée. Rappelez vous des composantes de la douleur dans le modèle Bio-Psycho-Social : la catastrophisation, la peur, la souffrance, la détresse… que cette douleur peut entrainer. Dans ce cas la douleur peut maintenir un cercle vicieux et il est important de faire sentir au patient que son corps peut aller mieux.

Greg Lehman dans son modèle de parapluie BPS, propose avant de remettre en charge de désensibiliser le système nerveux.

Tendon greg

 

C’est dans la partie de désensibilisation que la thérapie manuelle passive pourrait avoir un rôle à jouer : diminuer la sensibilisation du système d’alarme.

Les techniques passives de thérapie manuelle permetteraient de modifier la sensibilisation du système d’alarme.

En effet elles pourraient créer un changement de perception transitoire (actions neurobiologiques périphériques et centrales) qui permettrait : une meilleure mobilité, moins d’allodynie, une diminution des symptômes, des modifications sensori-motrice…(Bialosky 2009, Sampath 2015, Lascurain 2016, D’Alessandro 2016 )

Bialosky simplifié 2

A mon humble avis, c’est bien la seule contribution que l’ostéopathe pourra apporter à un patient souffrant d’une tendinopathie : du confort dans la perception de sa manière de bouger avec moins de douleur.

Ce qui dans certaines situations peut être très complémentaire d’une réhabilitation qui pour n’importe quelle raison peut stagner.

Le danger est de faire croire au patient que notre traitement va le soigner, ou même l’aider à récuperer plus vite : c’est tout simplement faux et surtout le patient pourrait croire qu’il a besoin de thérapie passive pour guérir.

Le pire serait de lui faire croire que sa tendinopathie s’est installée à cause d’un « pseudo-déséquilibre » biomécanique que nous aurions la prétention de corriger, ou encore que nos manipulations le  protègent d’une future tendinopathie.

Rappelez vous que le  corps est  solide et adaptable : un tendon achilléen peut supporter 8 fois le poids du corps alors que dans la course à pied lors de l’appui monopodal, il n’est soumis qu’à 2,5 fois le poids de son corps.

Mon conseil, est que si vous connaissez un kinésithérapeute à côté de chez vous qui est sensibilisé au modèle de Cook et Purdam, confiez lui la prise en charge de  la réhabilitation de la tendinopathie. Il sera bien plus à jour que vous sur les différentes options de prise en charge (y compris l’échographie du tendon).

Accompagnez simplement vos patients quand ceux-ci en sentent le besoin au cours de leur réhabilitation en étant conscient de l’état du tendon (réactionnel ou dégénératif).

Si ce n’est pas le cas vous pouvez vous former sur ces approches auprès de Jill Cook et Ebony Rio ou encore Eyal Lederman ou Ben Cormack.

 

louisgiffordVoici en conclusion les mots de Louis Gifford :

« Si votre thérapeute ne fait qu’un “TRAITEMENT PASSIF” et oublie la partie active de réccupération fonctionnelle (i.e comment bouger et réccupérer progressivement), alors de mon point de vue, VOUS PERDEZ VOTRE TEMPS.”

 

 

 

 

 

Bialosky, J.E., Bishop, M.D., Price, D.D., Robinson, M.E., George, S.Z., 2009. The mechanisms of manual therapy in the treatment of musculoskeletal pain: a comprehensive model. Manual Therapy ; 14: 531-538

Cook JL etPurdam CR. Br J Sports Med 2009;43:409–416. doi:10.1136/bjsm.2008.051193

Cook JL, et al. Br J Sports Med 2016;0:1–7. doi:10.1136/bjsports-2015-095422

Cook JL, Rio E, Purdam CR, et al. Br J Sports Med Published doi:10.1136/ bjsports-2015-095422

D’Alessandro G, Cerritelli F and Cortelli P (2016) Sensitization and Interoception as Key Neurological Concepts in Osteopathy and Other Manual Medicines. Front. Neurosci.

Lascurain et al 2016. Mechanism of Action of Spinal Mobilizations A Systematic Review. SPINE Volume 41, Number 2, pp 159–172

Magnusson SP, Langberg H, Kjaer M. The pathogenesis of tendinopathy: balancing the response to loading. Nat Rev Rheumatol 2010;6:262–8.

 

Sampath et al. Measureable changes in the neuro-endocrinal mechanism following spinal manipulation. Medical Hypotheses 85 (2015) 819–824

Sibernagel et Crossley  A Proposed Return-to-Sport Program for Patients With Midportion Achilles Tendinopathy: Rationale and Implementation J Orthop Sports Phys Ther 2015;45(11):876-886. Epub 21 Sep 2015. doi:10.2519/jospt.2015.5885

 

 

La Dermo-Neuro-Modulation ou DNM

DNM

Suite aux conférences dispensées sur l’Effet physiologique des manipulations/ Neurosciences/modèle bio-psycho-social, plusieures personnes sont venus me demander ce que je pensais de la Dermo-Neuro-Modulation ou DNM.

Récemment le Groupe Gestion de la Douleur (sur FB) a introduit une discussion sur ce concept, et je remercie les participants d’avoir échangé leur point de vue avec moi pour étayer ma compréhension.

Mon analyse sera un peu biaisée et incomplète car :

  • Je connais un peu son inventeur, et je suis assez fan de son discours, et certains de mes posts sont teintés de certaines de ses idées. Je suis Diane Jacobs sur les forums et les sites de thérapie manuelle depuis quelques temps (on fait partie des mêmes groupes d’échanges en neurosciences);
  • Je n’ai pas suivi la formation  DNM;
  • Je viens de finir les 2 bouquins (celui de 2007 et celui de 2016) et j’ai regardé plusieures vidéos pratiques disponible sur le net.

C’est Diane Jacobs qui a dévellopé la notion d’operator/interactor. C’est à dire de considérer le patient comme un sujet avec lequel on interagit et non pas comme un objet sur lequel on opère (et que l’on prétend corriger).

Je vous invite à aller voir son blog : http://humanantigravitysuit.blogspot.fr/?m=1 et de lire ce qu’elle écrit sur le « social grooming » ou encore son modèle de « treatment continuum », c’est vraiment brillant.

Elle fournit gratuitement beaucoup de supports réflexifs ainsi que les sources qu’elle utilise, le tout disponible sur son site.

Diane Jacobs est thérapeute manuelle depuis plus de 30 ans (en fait 40 car elle était physio pendant 10 ans) et elle est praticienne (c’est important de le mentionner car beaucoup de formateurs ne sont souvent que des enseignants qui n’ont pas de pratique clinique et qui dévellopent des concepts tirés par les cheveux à des années lumières de la réalité clinique du patient).

Elle dit avoir conçu cette méthode après avoir suivi les formations de D. Butler sur le système neurodynamique dans les années 90 et aurait appliqué le concept aux nerfs sous cutanés. Elle même et certains de ses élèves parlent même d’action « microneurodynamique » !!

Le premier livre (disponible en libre accès sur ce lien)

La première édition du bouquin de 2007 est assez décevante. Le livre a très peu d’intérêt (en tout cas pour ceux qui sont intéressés par l’Evidence Best Practice), il très conceptuel et dénué de toute analyse critique de l’action thérapeutique manuelle, c’est une réduction simpliste de la vision biomédicale du traitement du système nerveux périphérique basé sur des vieilles croyances neurodynamiques biomécanistes dépassées ( type Schaclock et Butler à leur débuts) et appliqué au système nerveux sous-cutané.

Un peu comme le bouquin de Barral (que je déconseille) sur le traitement des nerfs périphériques.

Le livre de 2016 : un bijou de neuroscience, un avenir pour la thérapie manuelle

A l’opposé, le dernier livre de 2016 vaut vraiment le détour. On sent dès le début l’évolution de D. Jacobs dans son discours.

Elle maitrise parfaitement les neurosciences, son écriture et sa réflexion en sont imprégnées.

La métaphore graphique du livre est très parlante : les racines de l’arbre représentant le système nerveux central, le tronc les tronc nerveux et les branches et les feuilles le systèmes nerveux périphérique sous cutanés.

L’introduction présente un rafraichissement sur sa vision de la thérapie manuelle, une vision bio-psycho-sociale, dans laquelle le patient et le praticien inter-agissent ensemble pour dénouer une situation : la douleur. Et c’est ce que propose Diane, traiter la douleur et non les tissus.

Elle introduit son concept de DNM : le concept est attirant en soi, il prône une vision de modulation des entrées dans la neuromatrice par l’interface de la peau et par l’inter- action entre le patient son praticien à différents niveaux.

La partie vraiment passionnante est la dernière partie qui est théorique et pratique.

Rien que pour cela vous n’aurez pas gaspillé votre argent, du chapitre 1 au chapitre 7 (en sautant la fin du 5 et le 6 sur lesquels je reviendrais) c’est du pur bonheur : neurosciences, analyse critique et  perspective d’évolution de la thérapie manuelle, le tout très bien référencé.

A- La dernière partie

Le chapitre 1.

Deux parties, une première partie qui nous raconte l’histoire du développement phylogénétique du système nerveux, à la manière de ce générique de dessin animé « il était une fois la vie » : son style narratif nous emporte de la même façon, dans son histoire bien menée et référencée, au cours de laquelle elle aborde l’histoire du système nerveux central et périphérique avec leur utilité à travers les âges. La seconde est plus technique sur les caractéristiques des entrées sensorielles.

Le chapitre 2 parle de la douleur et du système nerveux. Les parties classiques sur la nociception, sensibilisation, modulation, neuromatrice, et le codage prédictif qui sont dévellopés brillament : entre autre l’exemple du système « fight or flight » et « faint and be ready to die » avec la modulation descendante, est décrit avec une précision physiologique très fine.

L’auteur y ajoute des touches philosophiques percutantes, elle aborde les thèmes de  cognition incarnée versus prediction incarnée.

Le Chapitre 3 est une analyse critique de la thérapie manuelle et des effets supposés de nos traitements. Non seulement bien référencé et bien construit, ce chapitre aborde avec plein de bon sens et d’humilité, la prise en charge du patient. C’est le chapitre incontrounable du livre qui vous donne toutes les clés pour révolutionner votre pratique.

Le Chapitre 4 est dédié à la peau, comme seul organe auquel on accède vraiment et avec lequel on inter-agit. Elle développe le toucher affectif, l’intéroception et les fibres non-nociceptive et de leur action sur le cortex insulaire, avec son jeu de mot YES-iception (à l’inverse de Nociception)

Le chapitre 7 est nommé Social Grooming-Less is more.

Le titre fait référence au toilettage (Grooming) en citant la phrase de Crislip :

« Une réduction marquée du stress est remarquée chez les singes et autres animaux qui se toilettent souvent entre eux. Le toucher est une bonne chose et n’a pas besoin d’être emballé dans des explications farfelues pseudoscientifiques pour être bénéfique »

Cela résume la conclusion de ce livre, dans laquelle Diane Jacobs nous délivre avec beaucoup d’humilité et de simplicité,  ses hypothèses, ses biais de confirmations, et ses trucs pratiques qu’elle met en place avec ses patients.

B- La partie « technique manipulative » et sa justification :

La partie technique est présentée avant la partie théorique en début de livre et représente plus des 2/3 du livre.

Les schémas des nerfs superficiels sont intéressants car ils reflètent un travail de dissection et donne une vision de ces nerfs sous-cutanés qui sont souvent oubliés en anatomie descriptive.

Les techniques sont à peu près tout le temps les mêmes du moment que l’on a compris le principe dans le chapitre 7.

Le modèle est assez simple et se décrit par plusieurs principes résumés:

  1. le twizzling :

Pour comprendre le terme il faut visualiser les bonbons américains (les twizzlers) qui sont torsadés sur eux même en plusieurs couches.

twizzler

Son postulat de base est une comparaison avec la modélisation des travaux de Lundborg 1988 :

lundborglundborg2.png

Elle considère que ces nerfs dans leur contenant conjonctif (le tube neural) peuvent subirent ce type de torsade (twizzling) qui pourrait réduire la vascularisation et sensibiliser la structure nerveuse.

D’après ce postulat il s’agirait de redonner du mouvement au tube neural dans son environnement par l’intermédiaire de mouvements appliqués sur la peau.

  1. Peu importe la direction du mouvement, ce qui guide son action est l’interaction avec le patient : elle lui demande quelle position l’améliore le mieux.

Elle décrit par la suite plusieurs types de directions de mouvements, tantôt pour cisailler, distracter, diminuer la charge…sur la peau.

  1. La position quadrupédique est préconisée car supposé raccourcir et élargir le tube neural (mais je ne pourrais pas détailler cet axiome)
  1. La mobilisation des rameaux cutanés par une prise indirectes aux nerfs (à la partie opposé du membre). Elle explique par un modèle théorique à partir d’un ballon qu’elle compare à une partie du corps (trop simpliste à mon goût, mais l’idée est défendable)

C- La fin du chapitre 5 et le chapitre 6 seraient à mon avis les seuls points qui pourraient prêter à confusion avec le reste du discours du bouquin.

J’avais mal compris le concept en lisant le bouquin et Diane Jacobs m’a envoyé un mail pour m’aider à mieux comprendre.

Précédemment j’avais compris son concept « micro-neurodynamique » comme semblant être l’application de ce qu’ont fait Shacklock et Butler* avec des gros tronc nerveux, et cela semble ne pas être le cas puisque la DNM n’étire pas les nerfs

D’après D.J : « Le traitement  consiste  en un élargissement et un raccourcissement des tunnels neuronaux (par exemple, en plaçantes patients ou leur membres dans des positions fléchies (par exemple, en quadrupède) pour créer un relâchement neural, puis par l’intermédiaire de la peau de mobiliser les nerfs cutanés sensitifs »

La notion de « pseudo » syndrômes canalaires des nerfs sous-cutanés est au centre du concept.

L’auteur s’appuie sur le modèle du syndrôme canalaire. Elle parle de « micro-neuropathie » ou de sensibilisation des branches cutanées.

Et pourtant dans sa méthode, il n’y a aucun examen neurologique associé à un diagnostic qui pourrait justifier d’appliquer un traitement cohérent manipulatif.

Ne sont pas non plus abordés les mécanismes impliqués dans son outil  diagnostic : douleur par sensibilisation nerveuse périphérique (signe de mécanosensitivité), douleur nociceptive, douleur par sensibilisation nerveuse centrale ou douleur neuropathique.

Pas même l’utilisation d’un pinceau ou d’un pin-prick pour justifier une hyperesthésie, dysesthésie, qui témoigneraient de fibres C ou A delta « sensibilisées », ou bien même une hypoesthésie, pouvant témoigner de dénervation même légère des firbre Aß ou d’un problème d’ischémie transitoire des nerfs sous cutanés, comme elle le prétend.

Ces examens sont pourtant la base d’une approche neurodynamique pour voir si le traitement modifie la physiologie.

D’autre part de sa vision des syndrômes tunellaires repose sur le livre de Pecina 2001, qui cite plus de 50 syndrômes, soi-disant « tous bien démontrés » comme l’écrit Diane Jacobs. Je vous invite à lire la revue de Campbel et Landau 2008 à propos de ce bouquin des syndromes canalaires pour qui les auteurs disent: « la plupart des syndrômes tunellaires décrits sont si obscurs que la plupart des neurologues n’ en n’ont jamais entendu parler ».

Je ne fais pas ici une revue du bien fondé des syndrômes tunellaires, ni même de leur existence ou de leur non-existence. Seulement à part les vrais tunnels « ostéo-tendineux », comme le canal carpien, les foramen inter-vertébraux… Les passages dans les muscles ou les faciae sont des endroits dans lesquels les nerfs y glissent plûtot bien, ce sont des ligaments solides entourés de gras qui sont insaisissables, ils glissent dans les doigts (et je les dissèque tous les ans depuis plus de quinze ans). Les chirurgiens ont un peu « sur-inventé » des syndrômes qui n’avaient aucune existence clinique démontrée, uniquement que par la symptomatologie douloureuse et dès qu’un nerf traversait un muscle ou un fasciae, on justifiait acte chirurgical pour le traitement de la douleur, en déclarant que l’on décomprimait le nerf.

Le modèle de justification des techniques est donc, à mon sens spéculatif, et se base sur des modèles biomécaniques non vérifiés et probablement peu vérifiable.

D’ailleurs l’auteur à l’honnêté de le dire à plusieurs reprises dans son bouquin : elle rappelle que ce ne sont que des hypothèses, qu’elles ne sont pas vérifiées par des études, et qu’elle ne sait pas bien dans quelle direction les nerfs doivent bouger ou bien doivent être bougé.

C’est du coup dommage qu’elle se soit fendue d’un modèle explicatif de mobilisation en inventant une façon mécanique de modulation du tissu nerveux sous cutané.

Elle n’avait pas besoin de ce modèle pour justifier son « toucher attentif interactif » car tout le reste y est : non seulement elle aborde la complexité du système nerveux dans les chapitres précedents : le système interoceptif avec ces connexions insulaire et la diminution de la menace, le rôle du toucher affectif, la complexité de la neuromatrice etc…

Pour conclure sur mon avis  :

Je pense que cette formation pourrait apporter beaucoup :

  • Aux physios qui ont été baignés dans le modèle biomédical et qui aspirent à interagir différemment avec leurs patients : courez voire Diane Jacob, c’est peut être la meilleure introduction à une prise en charge avec un toucher attentif, qui est supporté par des bases solides en neurosciences.
  • Aux ostéopathes, qui pratiquent ces techniques que l’on vous appris avec les dogmes de la Sainte Eglise Ostéopathique (techniques fasciales, biodynamiques, cranio-sacrées ou autre techniques poétiques…) et que vous avez atteint ce moment d’analyse critique ou vous vous demandez quelle est la part de placebo dans votre imposition des mains. Courez voir Diane Jacobs, elle donnera du sens à vos techniques et un nouveau souffle à votre prise en charge.

A contrario la formation pourrait décevoir (ou pas, car je n’ai pas fait la formation) les thérapeuthes manuels en recherche d’evidence-best-practice car la technique en soi n’a aucune justification expérimentale démontrée (surtout ceux qui pratiquent l’approche neurodynamique).

Je conseillerais aux thérapeuthes manuels ayant déjà embrassé le modèle bio-psycho-social , les neurosciences, la thérapie cognitive et fonctionnelle, et qui ont déjà passé des heures d’apprentissage d’écoute attentive , de lire la partie théorique du bouquin.

Pour ma part, j’irais bien voir comment travaille Diane Jacobs, comment elle gère l’inter-action avec le patient, et j’assisterais à des consultations magistrales, si elle le proposait comme Peter O’Sullivan le fait. Maintenant je ne suis pas fana d’aller voir de « nouvelles techniques » de désensibilisation périphérique et centrale basées sur ces hypothèses biomécaniques anatomiques, qui me semblent réductionnistes .

Entre ce que j’ai lu du livre et des vidéos disponibles sur internet, la partie technique ressemble à de l’ « imposition attentive et intelligente » des mains en interaction avec un patient qui sert de porte d’entrée et de communication charnelle.

Références

  • Butler D S 1991 Mobilisation of the Nervous System. Churchill Livingstone, London
  • Butler D 2001 Sensitisation of the Nervous system. Noi group Publication.
  • Campbell et Landau Controversial Entrapment Neuropathie. Neurosurg Clin N Am 19 (2008) 597–608
  • Elvey R. Treatment of Arm Pain with abnormal brachial plexus tension. The Australian Journal 1986 ; 32(4) : 225-230.
  • Hall T, Zusman M, Elvey R. Adverse mechanical tension in the nervous system? Analysis of straight leg raiseManual Therapy (1998) 3(3), 140-146
  • Jacobs Diane 2016.Dermo Neuro Modulating: Manual Treatment for Peripheral Nerves and Especially Cutaneous Nerves.
    Lundborg G (1988) Nerve Injury and Repair, Churchill Livingstone, Edinburg.
  • Pecina MM, Krmpotic-Nemanic J, Markiewitz AD. 2001. Tunnel syndromes—peripheral nerve compression syndromes. 3rd edition. Boca Raton
  • Shacklock M. Neurodynamics. Physiotherapy 1995 ; 81(1) :9-16
  • Shacklock M. A new system of musculosqueletal treatment. Clinical Neurodynamics, Elsevier, 2005.

*«  Le précurseur de l’approche neurodynamique est Robert Elvey qui publia le premier article sur la prise en charge et la mobiisation neurodynamique et la mise en tension des nerfs en 1986. En 1998 Robert Elvey avec Max Zusman et Toby Hall, reviennent sur leurs erreurs, et publient dans Manual Therapy un article intitulé : « Adverse mechanical tension in the nervous system? » démontrant que c’était une ineptie neurophysiologique d’étirer un nerf mécanosensitif ou pathologique et préconisent de se focaliser sur les processus et les réactions neurophysiologiques impliquées dans la symptomatologie.

Le problème c’est que parallèlement Schaclock 1995 et de Butler 1991, 2001 ont fondé leur techniques sur modèle de traitement biomédical de la douleur sous couvert d’étirements nerveux utilisant une biomécanique basée entre autre sur les travaux de Louis (un français) et de Breig qui avaient étudié la biomécanique nerveuses sur des cadavres.

A l’époque,  Butler est surtout enseignant (et très peu praticien), Schacklock a une pratique clinique hospitalière, mais au début ses protocoles étaient compliqués et absolument pas validés cliniquement. Il faut aussi rappeler que dans leur protocoles étaient décrits essentiellemment des techniques d’étirement. L’essor commercial de leurs techniques a inondé le monde de la thérapie manuelle alors que leur modèle était faux et c’est encore celui ci que l’on trouve un peu partout dans le monde de la physiothérapie. Depuis Butler a changé radicalement son discours et dit même regretter l’écriture de ses premiers livres (Mobilisation of the Nervous System et Sensitisation of the Nervous system). Mickael Schaclock a lui aussi adapté son discours, même si il reste encore très mécaniste.

L’approche de Robert Elvey et de son équipe en a été tout autre, c’est une approche basée sur les mécanismes neurophysiologiques impliqués (validé aujourd’hui par plusieurs publications) : Toby Hall, Axel Schafer, Mickael Coppieters, Andrew Dilley, Jane Greening, Peter O’Sullivan (qui était l’étudiant d’Elvey)…Ils ont suivis une approche physiologique et non biomécanique. Ce courant de chercheurs est à l’origine des classifications basées sur les mécanismes et les cadres de raisonnement clinique multidimensionnel incluant les facteurs bio-psycho-sociaux, les test neurodynamiques, l’évaluation des mécanismes neurophysiologiques, l’analyse du contrôle moteur … »

L’auto-perception corporelle de vos patients peut vous aider à mieux prendre en charge leurs douleurs

Gestion de la douleur CFPCOLes patients lombalgiques peuvent souvent témoigner d’une perception de bassin décalé ou d’asymétrie pelvienne.

La thérapie manuelle a donc porté une attention particulière à la position des articulations de la ceinture pelvienne (sacro-iliaque, symphyse pubienne et facettes lombo-sacrées) dans l’approche des lombalgies et douleurs pelviennes.

La recherche s’est aussi beaucoup portée sur les douleurs des articulations lombo-pelviennes (articulations zygapohysaires postérieure, sacro-iliaques, et symphyse pubienne), sur la méthode diagnostique , ainsi que sur le bien fondé de la correction biomécanique de celles-ci dans l’approche des douleurs lombaires et pelviennes.

Récemment Darren Beales a écrit un post très interessant sur l’hypothèse plausible des patients ressentant cette asymétrie pelvienne disponible sur pain-ed.com et bodyinmind.org.

Le but de ce post est  de présenter certaines données exposées dans son hypothèse et d’y apporter d’autres réflexions et informations complémentaires sur le modèle positionnel du bassin dans la prise en charge des douleurs lombo-pelviennes.

Sources nociceptives des douleurs pelviennes et lombaires

Concernant l’implication de l’articulation sacro-iliaque* dans l’approche des douleurs lombaires, il a été démontré par des études immuno-histochimique la présence de structures nociceptives intra-articulaires pouvant être à l’origine de la nociception (Szdadek et al 2010). Une revue de littérature semble confirmer que l’articulation sacro-iliaque semble impliquée dans les douleurs lombaires (Hancock et al 2008).

La validité diagnostic des tests de cette articulation dans l’approche des douleurs pelviennes a été aussi bien étudiée.

Après avoir dénigré l’importance des tests sacro-iliaques dans l’approche diagnostique (Lasslet 2008), son équipe a proposé un cluster (groupement) de 5 tests qui montrent une certaine précision diagnostique quand à la probable source nociceptive de cette articulation (Benett et Laslett 2009).

Probable source de douleur, car effectivement, une autre équipe (Palsson et Graeven-Nielsen 2012) a montré que les structures extra-articulaires possèdent des nocicepteurs. Et que ce ceux-ci sont capables d’induire une douleur référée et une hyperalgésie régionale :

  • sensibles aux mêmes tests manuels de provocation de douleur de l’articulation sacro-iliaque;
  • semblables à ceux trouvés chez les patients présentant des douleurs de la ceinture pelvienne;

Donc les tests de reproduction de douleur sacro-iliaque ne sont pas pathognomoniques d’un dysfonctionnement intra-articulaire.

Bien fondé d’un blocage biomécanique positionnel de l’articulation sacro-iliaque*

Toutes les études (Seffinger et al 2004; Stockendahl et al 2006; Triano et al 2013 ) s’interressant à la reproductibilité des tests palpatoires utilisés en thérapie manuelle, incluant les tests positionnels de l’articulation sacro-iliaque, montrent que ces tests ne sont pas fiables (inter et intra-examinateur). C’est à dire que non seulement deux praticiens n’auront pas le même diagnostic positionel sur un même patient, mais aussi, en aveugle, un praticien n’aura pas le même diagnostic positionnel sur le même patient.

Concernant le mode d’évaluation de l’articulation sacro-iliaque (ASI) par les ostéopathes, Rajendran et Gallagher 2011 ont fait une étude clinique sur l’évaluation des points de repères du bassin en utilisant la palpation selon le modèle biomécanique de Mitchell, pour évaluer l’ASI (20 praticiens testent 2 sujets avec la position des répères osseux). Ils concluent qu’aucune des procédures palpatoires effectuées ne sont fiables (Fleiss kappa<0.4).

D’autre part concernant les corrections positionnelles de l’articulation sacro-iliaque, l’étude de Tullberg et al 1998 (cité par D.Beales) montre qu’il n’y a pas différence de position de l’articulation sacroiliaque entre avant et après la manipulation : on ne change donc pas la position d’une articulation avec une manipulation.

Asymétrie pelvienne et douleur pelvienne ou lombaire

Dans une revue** E. Lederman présente plusieurs études effectuées chez des patients asymptomatiques, qui montrent qu’il n’y a pas d’association entre les états lombalgiques et :

  • l’asymétrie/obliquité pelvienne;
  • l’angle latéral du promontoire sacré;
  • ou encore l’inégalité de hauteur des crêtes iliaques.

Devant tous ces éléments, qui mettent en avant :

  • Le manque de fiabilité diagnostic des tests palpatoires positionnels;
  • La non-spécificité nociceptive de cette articulation ;
  • Le blocage articulaire de cette articulation n’existe pas ;
  • L’asymétrie de cette articulation n’est pas impliquée dans les douleur lombaires ni pelvienne.

Il semblerait prudent d’arrêter les propos alarmistes de bassin « décalé, bloqué ou asymétrique ».  Il n’existe aucune preuve que la « mauvaise posture » puisse provoquer ces douleurs.

A l’inverse, il y a beaucoup de preuves qui montrent que tenir de tels propos, laisse  croire aux patients que leur corps est fragile et augmente leur douleur :

Plusieurs études montrent non seulement que ces croyances négatives créent de la peur du mouvement, des attitudes de dépendance de traitements passifs, et surtout elles ont tendance à faire passer ces douleurs à la chronicité (Kendall et al 1998, Lee et al 2015, Werti et al 2014, Ramond-Roquin et al. 2015).

Pourtant les patients lombalgiques témoignent bien d’une sensation d’assymétrie de leur bassin.

C’est à cette perception modifiée ressentie par les patients qu’essaye de répondre D. Beales à travers un article qu’il a écrit cette année, et d’autres références que nous exposons ci-dessous.

Neuroplasticité et le « floutage cortical »

Le cerveau cartographie le corps humain (somatotopie ou homonculus). Depuis une quizaine d’années, cette cartographie s’évalue par des outils comme l’IRM fonctionnel ou la Stimulation Magnétique Transcrânienne.

Ces outils nous ont permis de mesurer la taille et l’activité des cartes corticales et on s’est rendu compte que celles ci étaient vivantes, modifiables et plastiques (Pascual Leone et al 2005).

C’est ainsi que l’on a mis en évidence  la neuroplasticité du cerveau. Elle  se définit par la capacité de changement morphologique ou fonctionnelle dans les propriétés neuronales (Calford 2002 ; Sanes 2000).

On a découvert aussi que la douleur modifiait ces cartes, non seulement par l’imagerie (Flor 1998) mais aussi cliniquement (altération de la perception et/ou du contrôle moteur).

Voici quelques résultats de travaux mettant en évidence ces phénomènes biologiques :

Moseley et al 2003 ont montré que les patients lombalgiques chroniques présentaient des pertes de sensations corporelles. Ils ont distribué un dessin qui montre la face postérieure du dos, mais uniquement avec la partie supérieure et inférieure de l’image dessinée. Les instructions de dessin étaient les suivantes :

  • En se  concentrant  sur leur dos uniquement mentalement, de compléter le dessin en suivant le contour de leur propre dos;
  • Puis de se concentrer sur où ils sentent que leur dos se situe ;
  • Dessiner les vertèbres qu’il peuvent ressentir.

Il était précisé de dessiner :

  • Sans toucher leur dos, le  dessin devrait se rapporter au ressenti du dos uniquement.
  • Ne pas dessiner une partie qu’il ne peuvent pas sentir.
  • Ne pas dessinez à quoi pourrait ressembler votre dos – dessiner uniquement ce que l’on ressent.

Voici le résultat  des dessins (figure 1):

  • On remarque que les vertèbres sont déplacées du coté de la douleur;
  • Que les patients n’arrivent pas à dessiner le coté douloureux;
  • Que la partie douloureuse a une perte de discrimination (mesurée à l’aide d’un pied à coulisse TDP  : distance discriminative entre 2 points )

Moseley GL

Figure 1 : Moseley GL. I can’t find it. Pain 2008;140: 239–243

Plus récemment Schabrun et al 2015 (Figure 2), ont montré que le flouttage des cartes corticales sur le cortex moteur (concernant les muscles paravertébraux) était corrélé avec l’intensité de la douleur lombaire. Sur la figue ci-dessous, à l’étage vertébral  L3 (étage où la mesure est le plus facile),  la représentation corticale du groupe contrôle sans douleur (Visual Analog Scale 0) a une zone précise d’activation. Alors que plus les groupes ont des intensités de douleur élevées (VAS 3 ou VAS 8), plus la zone d’activation devient plus étalée et floue.

Figure 2

Figure 2 : Schabrun et al. Smudging of the Motor Cortex Is Related to the Severity of Low Back Pain 2015 Spine.

Cette découverte est en corrélation avec les études sur le contrôle moteur des muscles paravertébraux lombaires, qui montrent chez les patients lombalgiques, une perte du contrôle moteur (Hodges et Moseley 2003).

Enfin, chez une population de lombalgiques, les patients présentant une perte de discrimination du cortex S1 présentent une perte du contrôle moteur au même endroit (Luomajoki et Moseley 2011).

Dans cette optique Wand et al 2014 ont dévellopé un questionnaire, le FreBAQ, qui semble être un moyen psychométrique pour l’évaluation de l’altération de l’auto-perception du dos chez les personnes souffrant de lombalgie chronique.

Ils ont démontré que le niveau d’altération de l’auto-perception est positivement corrélée avec l’intensité de la douleur et de l’invalidité (Wand et al 2016).

Ils ont aussi montré qu’il existe une corrélation entre le niveau d’altération de perception et : la détresse psychologique, la catastrophisation de la douleur, les comportements d’évitement-appréhension et le seuil de la douleur à la  pression des épineuses lombaires.

Beales et al 2016 ont utilisé ce questionnaire chez des femmes post-partum en comparant celles qui avaient des des douleurs lombo-pelviennes (initialement développées pendant ou peu après la grossesse) avec un groupe contrôle asymptomatique. Ils ont montré que les sujets ayant des niveaux plus élevés d’incapacité liée à la douleur lombo-pelvienne chronique avaient des niveaux plus élevés de perception altérée du corps évaluée avec le queFreBAQ. Ils ont aussi constaté une certaine corrélation entre la perception du corps altéré et la kinésiophobie.

Beales suggère qu’il faut plus de recherche pour approfondir les relations identifiées dans son étude car ils n’ont pas demandé si ces patientes « ressentaient une  déviation » de leur bassin.

Ceci étant, et malgré la nécessité de recherche supplémentaire D. Beales conclue à juste titre qu’il y a assez de preuves et d’indications pour que les cliniciens considèrent l’altération de perception comme un facteur contribuant à la douleur invalidante lombo-pelvienne chronique.

Dans cette optique l’utilisation de certains outils cliniques et thérapeutiques permettraient de fournir des informations utiles aux cliniciens sur la façon dont les patients perçoivent leur corps :

  • le pied à coulisse (test la discrimination entre 2 points), le FreBAQ;
  • l’utilisation de feedback corporel comme le « scan corporel » , le miroir, la perception du corps en mouvement;
  • l’analyse du contrôle moteur.

Cette façon d’aborder la problématique de la douleur serait un outil de gestion probablement plus efficace que le modèle biomécanique de « replacement »  ou « déblocage », qui est faux et délétère.

*L’articulation Sacro-iliaque est prise comme support mais il en va de même pour les facettes articulaires lombaires qui ont été investiguées et qui ont donné des résultats comparables.

** Son article, que je conseille vraiment à tous ceux qui se déclarent  «ostéopathes biomécaniciens » se targuant d’être « scientifique », reprend d’ailleurs tous les mythes et croyances du modèle postural-structurel-biomécanique, en y répondant de manière critique, soutenue par beaucoup de recherche.

Références :

Continuer à lire … « L’auto-perception corporelle de vos patients peut vous aider à mieux prendre en charge leurs douleurs »